Si vous êtes un coureur, il a fort probablement déjà nommé votre nom. Jean-Pierre Champagne possède la voix la plus connue des coureurs du Québec. Depuis près de 20 ans, on le retrouve sur les nombreux sites de compétition de course à pied pour décrire en direct et avec beaucoup de dynamisme les différentes épreuves de la journée. Sa voix est bien connue, l’homme l’est un peu moins.

C’est le hasard qui l’a mené à cette carrière d’annonceur maison de la course à pied. En 1987, à la naissance de son premier enfant, il promet à son épouse d’arrêter de fumer. Pour éviter de prendre du poids, il commence à faire du jogging. Il se joint au club de course à pied Les Vadrouilleurs, à Vaudreuil-Dorion. Ce club organise annuellement une des plus belle épreuve de l’année du Circuit Endurance québécois, la Grande Vadrouille.

En 1990, à la veille de cette classique annuelle qui accueille maintenant plus de 1500 participants, l’annonceur maison lui demande de le remplacer. Tout a commencé à ce moment-là puisqu’il n’a jamais cessé depuis. Son engagement devient prenant et les demandes d’animation sur le Circuit Endurance sont si nombreuses qu’il doit graduellement arrêter de courir pour se concentrer sur ce nouveau boulot. Il continuera cependant à garder la forme en faisant de la marche rapide très tôt tous les jours de la semaine.

« J’anime en moyenne 25 courses et triathlons par année un peu partout au Québec et en Ontario. En vingt ans de carrière, ça en fait beaucoup », confie Jean-Pierre Champagne. « Cela me change de mon train-train quotidien. La semaine, je redeviens vendeur pour une compagnie d’emballage de carton. Un métier que j’aime et que je pratique depuis 38 ans. »

Jean-Pierre est un témoin privilégié de la hausse de popularité que connait présentement la course à pied au Québec. Il précise que les raisons de courir aujourd’hui sont bien différentes de celles qui poussaient tant de gens à le faire dans les années 70 et 80. Les Jeux olympiques de Montréal étaient en grande partie responsable de cet engouement.

« Dans les années 80, les gens ne pensaient qu’à performer. Le chrono final était ce qu’il y avait de plus significatif à leurs yeux. Et seul le marathon semblait avoir une réelle valeur de réussite », explique-t-il. ”Aujourd’hui, la course à pied est devenu un loisir. Les gens ont compris qu’il était important d’être en forme et qu’on doit bouger pour être en santé. Les distances se sont démocratisées. Plus besoin de jogger 42,2 kilomètres pour être fier de courir. Les distances de 5 km, 10 km et 21 km sont toutes très populaires et reconnues. On voit plusieurs marcheurs. Le chrono est secondaire. Je le constate lors de mes animations sur les sites de courses. Les gens veulent se mettre en forme en ayant du plaisir! »

Il ajoute également que les hausses d’inscriptions s’expliquent par un autre phénomène. Les femmes! « Lors du plus récent marathon de Montréal, les coureuses représentaient 56 % des inscriptions. Même constat à Ottawa en 2012. Pour la toute première fois de l’histoire de cet événement, il y avait plus de femmes que d’hommes inscrits. »

Lorsqu’on lui demande le secret de sa réussite, l’homme de 65 ans explique gentiment qu’il essaie simplement de transmettre son énergie aux milliers de coureurs réunis. « J’aime que les gens soient heureux. J’aime ça mettre du pep et les réveiller le matin. Certains coureurs viennent même me voir avant le départ pour me dire qu’ils vont connaître une bonne course puisque je suis là », raconte-il en riant.

Il est toujours impressionnant de voir, mais surtout d’entendre, Jean-Pierre Champagne annoncer les noms des coureurs qui franchissent le fil d’arrivée. Un peu comme un encanteur il utilise un débit rapide et précis. Mais comment fait-il pour reconnaître tous ces coureurs? « Au tout début de ma carrière, je collais littéralement les noms et numéros de dossards sur une grande feuille de papier et j’essayais le plus rapidement possible de les retrouver lorsque les coureurs se présentaient à l’arrivée. C’était parfois très difficile et j’avais besoin de bons yeux! Heureusement, la technologie est venue à mon secours. Un senseur est maintenant installé une centaine de mètres avant la fin du parcours et lorsqu’un coureur y parvient, la puce électronique qu’il porte relaie un signal à mon écran d’ordinateur. Je sais alors qu’il arrive. »

Malgré tout, il explique que des erreurs surviennent et qu’il n’est pas rare de l’entendre annoncer un coureur… alors qu’il s’agit d’une coureuse! « Certains participants portent des vêtements amples qui laissent difficilement entrevoir s’il s’agit d’un homme ou d’une femme. Parfois, lorsque je n’ai pas accès au système des puces électroniques, je me fie à mes yeux. Mais les numéros de dossards sont de plus en plus petits tellement les commanditaires veulent y apposer leurs logos. C’est très drôle. Lorsque je me trompe, je m’excuse rapidement et suis le premier à rire de ma confusion. »

La position qu’il occupe au fil d’arrivée des courses lui a permis d’assister à de multiples moments de joies. Rien de plus gratifiant que de voir un coureur terminer l’épreuve pour laquelle il s’est entraîné sérieusement. Mais parfois, la tragédie frappe. « En 2011, un jeune homme de 32 ans est mort au marathon de Montréal. Il n’était qu’à quelques mètres de l’arrivée lorsque je l’ai vu s’effondrer au sol. Je le regardais, tellement impuissant. J’étais également au marathon des Deux-Rives de 2008, à Québec, lorsqu’un coureur est mort à 3 kilomètres de l’arrivée. C’est d’une tristesse sans bon sens! »

Monsieur Champagne souhaite continuer d’animer des événements de course à pied tant qu’il le pourra et qu’il se sentira désiré. Entretemps, il commence à former la relève. « Mon fils, Jean-François, en fait de plus en plus. Et ma fille, Sarah, est également associée au monde de la course à pied. Ça m’oblige à demeurer alerte et impliqué. Que voulez-vous, j’aime ça. Et j’en fais de plus en plus dans des écoles. C’est important que notre jeunesse soit en forme. La course à pied est un sport merveilleux. Pas besoin de grand-chose pour le pratiquer. Une paire de chaussures, un short et un chandail et vous voilà parti! »

Même si la saison hivernale est à nos portes et que le calendrier de course est plus tranquille, il demeure actif dans l’animation d’évènement d’athlétisme. Son prochain grand rendez-vous est le Défi Hivernal de l’Île-Bizard, le 17 février 2013. Une course où, en plus d’animer, il agit à titre d’organisateur.

Personnellement, j’ai plus d’une soixantaine de dossards obtenu lors de mes participations à différentes courses au Québec seulement. Dans la grande majorité des cas, c’est la voix de Jean-Pierre Champagne que je cherchais à entendre lorsque je savais que la fin du parcours était proche et qu’il était temps de tout donner. Un repère rassurant.

Une voix maintenant devenue familière pour tellement d’athlètes.

La voix des coureurs.