TORONTO - Les Jeux olympiques de Sotchi prendront leur envol dans un an et ils sont déjà sources d'inquiétudes.

Les musulmans circassiens, les maux de tête causés par la circulation, même les tremblements de terre sont craints. Mais le plus grand obstacle des Jeux de Sotchi pourrait bien être son climat.

Si vous croyiez que le climat de Vancouver s'est avéré un casse-tête pour les organisateurs des JO de 2010, vous n'avez rien vu.

"Au Canada si quelqu'un m'avait demandé de choisir l'endroit le moins suceptible d'organiser des Jeux d'hiver, j'aurais dit Vancouver, a déclaré David Phillips, climatologue principal d'Environnement Canada. En Russie, j'aurais répondu Sotchi. Je crois que nous pensons pouvoir tromper Mère Nature parfois."

Sotchi était le lieu de villégiature des apparatchiks de l'Union soviétique. Joseph Staline y avait sa résidence d'été, sa "datcha" plutôt mal nommée, puisqu'elle est aussi grande qu'un petit hôtel. On peut toujours la visiter.

Cette région de la Russie est un peu la Floride des États-Unis, avec ses palmiers et ses plages de la côte nord-est de la mer Noire, juste un peu au nord de la Turquie et au nord-est de la Grèce. Son climat est qualifié de subtropical.

"À Sotchi, vous pouvez profiter d'une mer chaude et de montagnes enneigées", se targuent les organisateurs.

Phillips a étudié les données météorologiques pour Sotchi et le village de Krasnaïa Poliana, où seront disputées les épreuves de glisse, pour les comparer avec Vancouver et Whistler.

Il peut neiger à Sotchi, mais ce n'est pas la norme en vertu de sa température moyenne de 9 degrés Celsius en février, avec une pointe record à 24 degrés. C'est encore plus chaud qu'à Vancouver, qui a connu sa part d'ennuis météos pendant les derniers Jeux et où la moyenne est de 8 degrés Celsius en février, avec un record de 18 degrés.

Une petite balade en voiture vous permet d'atteindre les montagnes du Caucase, parmi les plus hautes d'Europe, où le nouveau complexe de ski a été construit pour ces Jeux. Les températures y sont moins chaudes qu'à Sotchi, mais Phillips a constaté qu'en moyenne, il y fait plus chaud qu'à Whistler.

Les températures extrêmes ont un plus grand écart qu'à Whistler cependant, le maximum record étant de 22 degrés Celsius et le minimum de moins 34, comparativement à 14 et moins 24 pour la ville canadienne, qui reçoit toutefois le double de précipitations en février.

Phillips fait toutefois remarquer que la Russie est l'un des pays les plus actifs en ce qui a trait à la manipulation météo.

"Je suis certain qu'il vont tout faire pour que ce soit une réussite, a-t-il dit. Ils vont ensemencer des nuages et faire tout ce qu'ils pourront pour obtenir un paradis hivernal."

Et les organisateurs ne lésinent pas. Déjà, cette année, ils entreposent de la neige sur des glaciers afin de pouvoir l'utiliser l'hiver prochain.

Cette solution a été testée en décembre, pour la Coupe du monde de saut à ski, tenue alors qu'il faisait 10 degrés Celsius _ et plus! Pas moins de 4600 mètres cube de neige ont été déposés sur le site.

"Ce n'était pas idéal, a noté Curtis Lyon, directeur haute performance de Saut à ski Canada. (...) Mais il n'y a pas eu de délai. C'était très mou par contre, et on a vu plusieurs chutes à l'atterrissage à l'entraînement et en qualifications."

Il s'attend à de meilleurs conditions en février prochain, un mois habituellement plus froid.

Les problèmes avec la météo ne représentent toutefois pas une nouveauté aux Jeux d'hiver. Lors des deuxièmes Jeux d'hiver, à St-Moritz, en 1928, les organisateurs ont dû négocier avec un blizzard suivi d'une importante fonte des neiges. Et contrairement à ce que le président du comité organisateur des Jeux de Sotchi, Dmitry Chernyshenko, a déclaré, Sotchi n'est pas la première ville au climat subtropical à accueillir les Jeux.

Nagano, au Japon, qui a accueilli les Jeux de 1998, a un climat subtropical humide, bien qu'elle soit située à l'extrémité nord de cette zone climatique. Sans surprise, des épreuves ont été repoussées en raison de fortes pluies et d'épais brouillards.

De prédire le temps qu'il fera à Sotchi dans un an est impossible, mais Phillips estime qu'avec la planète qui se réchauffe, les maux de tête des organisateurs de Jeux d'hiver ne sont pas prêts de diminuer. Il croit que les dirigeants du Comité international olympique devront être plus vigilants dans l'attribution des prochains JO.

"Je pense qu'ils devront accorder plus de poids aux conditions météorologiques. Peut-être même qu'un groupe d'experts indépendants devrait vérifier les climats des villes candidates."