C’est toujours un événement attendu par de nombreux coureurs à travers le pays. Parmi tous les marathons à se tenir au Canada, celui de Toronto (Scotiabank Toronto Waterfront Marathon) est un des favoris.  Créé en 2000, son parcours rapide dans les rues de la métropole ontarienne le rend attrayant  pour les coureurs et coureuses à la recherche d’un record personnel. Un demi-marathon est également organisé sur le même parcours.

L’élite mondiale s’y présente chaque année. C’est à cet événement qu’ont été enregistrés les chronos masculins et féminins les plus rapides de l’histoire en sol canadien. Ce n’est pas un hasard s’il est un des cinq marathons nord-américains à avoir reçu la certification or (gold Label) de la Fédération internationale d’athlétisme.

En ce dimanche 22 octobre 2017, les yeux de nombreux amateurs de course à pied canadiens auraient dû être rivés sur l’olympien canadien Cam Levins. L’ancien détenteur du record national au 10 000 mètres (27:07.51) avait annoncé qu’il tenterait sa chance pour la toute première fois sur un demi-marathon. L’intérêt envers Levins, sacré meilleur coureur sur piste au Canada en 2012, est lié au fait qu’il est fort probablement un des plus grands espoirs du marathon canadien.  Il s’était fixé comme objectif de terminer en moins de 1h03. Cela aurait été suffisant pour lui donner la victoire puisque le gagnant, le Canadien Tristan Woodfine, a terminé en 1h06. Mais quelques heures seulement avant le départ, il a signifié aux organisateurs de l’événement qu’il déclarait forfait en raison d’une blessure.

Cette course, finalement un rendez-vous manqué, aurait eu une signification toute particulière pour Levins, 28 ans, originaire de Campbell River, en Colombie Britannique. Car il revenait de loin. Très loin!

La blessure au pied de Cam LevinsEn 2015, un incident survenu en fin de course du 1 500 mètres des Championnats canadiens l’avait contraint à pratiquement faire une croix sur l’entièreté du calendrier en piste des saisons 2016 et 2017. Pour soigner son pied gauche blessé,  il avait dû se résoudre à subir une intervention chirurgicale. Cela signifiait toutefois qu’il devait tout reprendre à zéro et rater les Jeux olympiques de Rio.

Ce n’est qu’en novembre dernier qu’il a pu recommencer à courir. Mais pour un jeune homme habitué à un volume d’entraînement élevé, de 200 à 300 kilomètres par semaine, le retour en piste fut un exercice empreint de discipline et d’humilité. En effet, c’est par une lente progression, des petits blocs de cinq minutes, que s’est orchestré son retour.

Il a profité de ce retour à la course pour mettre un peu d’ordre dans sa vie professionnelle. Cela passait par l’abandon d’un des programmes de course les mieux structurés de la planète, le projet Oregon, et par le largage de l’entraîneur Alberto Salazar envers qui de sérieux doutes planent. Ce dernier n’hésiterait pas à utiliser des produits interdits, je parle ici de dopage, pour pousser ses athlètes vers les plus hauts niveaux. Mo Farah est un de ses disciples.

Depuis le premier janvier dernier, Levins est libre comme l’air. Il n’a aucun commanditaire et ne semble pas pressé d’en trouver un. Il sait que cela viendra lorsqu’il aura prouvé qu’il est de retour dans sa meilleure forme. Sa performance au demi-marathon de Toronto aurait été un pas dans cette direction. Il s’entraîne maintenant sous la gouverne de Eric Houle, son coach au niveau universitaire.

La distance du demi-marathon se voulait un bon test pour son pied gauche, un test qu’il n’aura finalement pas réussi. Reste maintenant à voir de quoi seront faits les prochains mois pour Levins qui s’est fixé des objectifs importants pour 2018. Il souhaite se qualifier pour les Mondiaux du demi-marathon qui auront lieu à Valence, en Espagne, le 24 mars prochain. Mais surtout, il veut courir son premier marathon avec, en ligne de mire, le record canadien de Jerome Drayton. Cette marque, vieille de 42 ans, est une sorte de Saint Graal de l’athlétisme de notre pays. Plusieurs excellents marathoniens canadiens ont tenté de le battre, mais sans jamais réussir.

Cam Levins sera peut-être celui qui y parviendra. Croisons-nous les doigts pour qu’il puisse rapidement recommencer à courir sur de longues distances sans ressentir de la douleur. Son absence à Toronto est une véritable déception.

Soulignons enfin au passage la victoire au marathon du Kenyan Philemon Rono (2h06:52). Il a amélioré de deux petites secondes le record du marathon en sol canadien. Rono a devancé son compatriote et champion en titre, Dickson Chumba (2h09:11). Chez les femmes, la victoire est allée à l’Éthiopienne Martha Megra (2h28:18).