Un des plus prestigieux et le plus ancien rendez-vous d’athlétisme en salle de la planète est le Millrose Games qui sera présenté le 20 février prochain à New York. Les meilleurs coureurs, lanceurs et sauteurs de la planète s’y donnent rendez-vous chaque premier vendredi de février depuis 1908.

L’épreuve phare de cette rencontre, celle présentée à la toute fin, est le Wanamaker Mile. Cette course tire son nom de Lewis Rodman Wanamaker, un riche marchand visionnaire de la fin du XIXe siècle, grand amateur de course à pied, qui a eu l’idée d’offrir un spectacle de course aux résidents new-yorkais. C’était en 1926. Pour l’anecdote, c’est Wanamaker qui aurait également eu l’idée de faire résonner l’hymne national américain avant cette compétition, une habitude adoptée par la majorité des ligues sportives depuis.

Bernard LagatPendant de nombreuses années, le départ du Wanamaker Mile était donné à 22 h puis à 21 h pour permettre au bulletin de nouvelles de fins de soirées de télédiffuser en direct la course à des millions de spectateurs. Toutefois, depuis quelques années, la course débute à 17 h 50 pour aider les journalistes à préparer leurs reportages pour les bulletins de début de soirée.

Cette épreuve du mile a permis à certains de ses vainqueurs, souvent des Irlandais, de passer à l’histoire. Ronnie Delaney (4), Eamonn Coghlan (7) et Marcus O’Sullivan (6) l’ont remporté à de multiples reprises. En 2010, l’Américain Bernard Lagat a éclipsé le record de victoires de Coghlan en mettant la main sur un huitième sacre. Il est considéré comme un des plus grands coureurs de demi-fond de l’histoire de l’athlétisme.

Un seul Canadien a déjà gagné le Wanamaker Mile. Il s’agit de Graham Hood en 1995. Depuis 2005, tous les vainqueurs furent des Américains à l’exception d’une seule année.

Le simple fait de recevoir une invitation pour cette course est une véritable consécration. Cela signifie que les performances du coureur ont été exceptionnelles lors des principales réunions de la dernière année.

C’est le cas du Québécois Charles Philibert-Thiboutot, un spécialiste du 1 500 mètres, qui s’est vu confirmer qu’il serait de la course new-yorkaise. Athlète senior de l’année au plus récent gala Athlètas du Québec, le coureur de 25 ans est un produit du Rouge et Or de l’Université Laval, à Québec. Il s’est exilé depuis quelques mois à Vancouver pour poursuivre son entraînement en vue de la saison 2016 qui le verra, entre autres, représenter le pays aux Jeux olympiques de Rio au 1500 mètres.

Charles Philibert-Thiboutot« Obtenir un couloir au Wanamaker Mile signifie beaucoup pour moi. Je regarde cette compétition depuis des années à la télévision. J’ai toujours aimé la saison intérieure d’un calendrier de course, même lorsque je m’alignais avec le Rouge et Or. C’est une rencontre qui a énormément d’histoire et je trouve ça emballant d’y avoir été invité », explique Philibert-Thiboutot.

En 2015, au 1 500 mètres, il a épaté la galerie avec de bons résultats lors de courses du calendrier de la Ligue de diamant (Diamond League) organisées par l’Association internationale des fédérations d’athlétisme (IAAF). À Monaco, il a réussi son meilleur temps sur la distance (3:34.23). Il a également remporté le bronze aux Jeux panaméricains à Toronto et participé à la demi-finale du Championnat du monde d’athlétisme à Pékin.

En ce qui a trait au mile (1 609 mètres),  il en a surpris plusieurs en réussissant à exceller lors du Dream Mile d’Oslo, en Norvège. Il était pourtant arrivé sur place le jour même de la course. Son chrono (3:54.52) était la quatrième meilleure performance canadienne de l’histoire. Lorsqu’on lui demande s’il croit être capable d’être aussi rapide à New York, le Québécois se montre prudent.

« Ça reste à voir. Mon entraînement cette année est différent de celui de l’an dernier car je n’ai pas de compétitions majeures dans les prochains mois et je veux vraiment arriver à mon peak aux Jeux olympiques de Rio au mois d’août. Je souhaite être compétitif lors du Wanamaker Mile et  demeurer le plus longtemps possible au sein du peloton. Si je parviens à le faire, un bon chrono devrait suivre. Si tout se passe bien, il n’y a pas de doute que je pourrais à nouveau courir dans les 3:54 comme à Oslo. »

Philibert-Thiboutot ose tout de même avancer qu’un top-5 signifierait qu’il a bien travaillé. Au passage, il n’écarte pas l’idée de battre le record canadien du mile intérieur établi par Nathan Brannen en 2014 (3:54.32). Il sait que s’il y parvient, cela signifiera certainement une bonne position au classement. 

« En plus, si je peux courir un 3:54 en février, ça voudra dire que le reste de mon année s’annonce très prometteur. »

Certains coureurs ont de la difficulté à exceller aussi bien sur les pistes intérieures qu’extérieures. Ce n’est pas le cas du Québécois qui estime qu’il n’y a que quelques ajustements mécaniques à apporter. 

« J’ai l’habitude de courir à l’intérieur sur des pistes de 200 mètres. Lorsque j’étais avec le Rouge et Or, c’était devenu facile. Cependant, les virages n’étaient pas inclinés comme ce sera le cas à New York. Ça rend la course beaucoup plus facile à ces endroits. C’est une piste de rêve qui est très rapide », raconte-t-il.

Charles Philibert-ThiboutotLa vie de Charles Philibert-Thiboutot est totalement dédiée à l’entraînement et aux compétitions. Il est constamment en train de voyager dans le monde pour participer aux courses les plus relevées, celles lui offrant des adversaires de qualités lui permettant de progresser. Tout cela coûte cher et s’il peut compter sur certaines bourses versées par les organisateurs d’événements, c’est un récent contrat de commandite de cinq ans signé avec l’équipementier sportif Asics qui lui permet de se vouer à sa passion.

« Cette entente avec Asics est une contrainte financière en moins sur mes épaules. Il s’agit d’un appui très important qui me permettra de ne pas me casser la tête pendant les prochaines années. Soyons honnêtes, il y a peu d’athlètes canadiens qui sont capables de bien survenir à leurs besoins et de se concentrer uniquement sur leur sport. C’est tellement difficile de s’entraîner à temps plein si on n’a pas le financement nécessaire. J’ai un mode de vie coûteux avec tous mes voyages et le besoin de bien m’alimenter. La commandite d’Asics se compare  avec celle des  athlètes américains ou européens de mon niveau. »

Tel qu’il le mentionnait, l’épreuve new-yorkaise servira de baromètre au jeune coureur. Sa performance lui permettra d’évaluer sa forme à ce stade-ci d’une année importante. Une année olympique! Toutefois, avant de se retrouver à Rio, il y a encore de nombreuses heures d’entraînement et de compétition devant lui.

Charles Philibert-ThiboutotMême s’il a déjà réussi le standard olympique, il aura tout de même besoin de participer au Championnat canadien d’athlétisme, à Edmonton, en juillet. Avant cela, en avril, il se rendra à Flagstaff, en Arizona, pour s’entraîner en altitude. Il y sera de six à huit semaines pour soutirer les bienfaits maximaux de l’entraînement à ces hauteurs. Il s’éloignera de l’Arizona pendant quelques jours afin d’être au départ d’un 5 000 mètres à Los Angeles. Au début du mois de juin, il amorcera sa saison européenne qui devrait le voir s’aligner à quelques courses de 1 500 mètres de la Ligue de diamant.

« Je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour arriver aux Jeux olympiques de Rio dans les meilleures conditions possible. Je crois avoir ce qu’il faut pour participer à la finale du 1 500 mètres. Par contre, je demeure conscient que c’est une épreuve où la stratégie est importante et qu’un participant dans la meilleure forme de sa vie pourrait échouer à se rendre en finale. Mais mon plan d’entraînement est bâti pour que je chemine jusqu’à la finale à Rio. Rendu là, tout peut arriver », conclut-il. 

C’est à distance qu’on devra suivre le parcours de Charles Philibert-Thiboutot puisque nous n'aurons pas la chance de le voir courir beaucoup au Québec en 2016. C’est inévitable s’il veut se mesurer aux meilleurs coureurs de la planète. Même si nos yeux d’amateurs le suivront à Rio, il est important de s’intéresser à ce brillant athlète tout au long de l’année.

Ça débute dans quelques jours, à New York, au Wanamaker Mile. Il ajoutera un chapitre à sa jeune histoire de coureur et une page au grand livre de l’athlétisme canadien.