MONTRÉAL - Le président du Comité olympique canadien Marcel Aubut a remis sa démission samedi, ont annoncé l'organisation et le principal intéressé.

L'enquête concernant M. Aubut, qui faisait face à des allégations de harcèlement sexuel, a été interrompue "selon les souhaits de la plaignante", a indiqué le COC par voie de communiqué.

Le conseil d'administration du COC a annoncé que Tricia Smith, quadruple olympienne, avocate et femme d'affaires, a été désignée à l'unanimité à titre de présidente par intérim.

La femme de 58 ans était jusqu'à présent vice-présidente du conseil d'administration du Comité et a remporté une médaille d'argent en aviron aux Jeux olympiques de Los Angeles en 1984.

« Je vis pleinement les valeurs que représente le sport, et je prends très au sérieux mon rôle afin d’aider à guider le changement pour le plus grand bien du Mouvement olympique dans notre pays. De concert avec mon conseil, notre priorité consiste à mettre en place des changements pour assurer un environnement sécuritaire à nos athlètes, nos entraîneurs, notre personnel et nos bénévoles. Je m’engage personnellement à améliorer la sécurité et le bien-être de notre famille », a déclaré Tricia Smith, présidente par intérim du COC.

Mme Smith, établie à Vancouver, a connu beaucoup de succès au cours de sa carrière diversifiée dans le sport au Canada. Elle a aussi gagné sept médailles aux championnats du monde et une médaille d’or aux Jeux du Commonwealth de 1986. Elle est vice-présidente de la Fédération internationale des sociétés d’aviron (FISA) et membre du conseil d’administration de la Cour internationale d’arbitrage du sport.

En mars 2009, Mme Smith a été élue à l’un des deux postes à la vice-présidence du COC. Elle était chef de mission de la délégation canadienne des Jeux panaméricains de 2007.

Les réactions

Les réactions n'ont pas tardé à suivre tôt samedi matin. Le chef de mission pour les Jeux olympiques de Rio en 2016, Jean-Luc Brassard, s'est dit assommé par les révélations des derniers jours.

Une crise de leadership

« C'est quelque chose d'avoir un 'mononcle' qui fait des blagues parfois louches, je crois qu'il y en a un dans toutes les familles, mais c'en est une autre d'avoir des accusations formelles de harcèlement. Il y a un monde entre ces deux réalités », a-t-il déclaré.

Brassard s'est également dit surpris de la loi du silence qui régnait autour de M. Aubut.

« On entend des choses qui se reflètent dans sa personnalité, qui est peut-être d'une autre génération, mais ce qui m'a le plus surpris c'est de savoir que tout le monde était au fait de ça depuis une quarantaine d'années, depuis l'époque des Nordiques, mais qu'aucun journaliste n'ait réagi, a-t-il rappelé. Personnellement, j'ai eu une relation des plus cordiales avec Marcel, malgré son caractère parfois spécial. »

Selon Brassard, la démission de M. Aubut est dans le meilleur intérêt des athlètes qui se préparent pour les Jeux olympiques de l'an prochain, afin d'éliminer les sources de distraction qui pourraient émaner de cette affaire.

« Du point de vue du chef de mission, (la démission de M. Aubut) était devenue la seule solution possible, a confié Brassard. De cette façon on va pouvoir travailler l'esprit en paix en prévision des Jeux olympiques de Rio. Ça va nous permettre d'aller de l'avant et de grandir de tout ça au sein du COC. Ce sera aussi une bonne expérience d'un point de vue personnel, en tant que chef de mission. »

Une enquête interne avait été ouverte au COC en lien avec une plainte de harcèlement sexuel sur son lieu de travail. M. Aubut avait quitté son poste temporairement pendant l'enquête de l'ancien juge en chef de la Cour supérieure du Québec, François Rolland.

Vendredi, deux autres femmes qui ont travaillé pour lui avaient révélé que l'ancien président avait adopté un comportement inapproprié avec elles. Aucune des allégations n'a été prouvée. Suite à ces nouvelles révélations, le COC avait décidé d'élargir l'enquête portant sur M. Aubut. Cette deuxième enquête, distincte de la première, est toujours en cours.

« On n'a pas désigné l'enquêteur qui sera en charge de cette deuxième enquête, on ne sait pas encore qui ça va être, a confié le porte-parole du COC Ricky Landry. Quand on a embauché le juge Rolland, c'était pour enquêter sur la première plainte qui a été déposée. C'était un mandat très précis. Maintenant que M. Aubut a démissionné, la plainte a été retirée, et en conséquence le mandat du juge Rolland est terminé.

« (Vendredi), on a créé un autre mécanisme afin d'élargir l'enquête afin de comprendre ce qui se passe et ce qui s'est passé, a-t-il ajouté. On ne voulait pas seulement comprendre cette plainte-là, mais mettre en place un processus qui permettra à n'importe qui de porter plainte, que ce soit en lien avec M. Aubut ou non. Cette démarche-là va se poursuivre. »

Dans un communiqué où il a annoncé sa démission, Marcel Aubut a déploré que des gens lui « prêtent des intentions qui n'ont jamais été les (siennes) ». Il a reconnu qu'il avait une personnalité « expansive » et « démonstrative », mais il martèle qu'il n'a jamais eu l'intention « d'offenser ou d'indisposer quiconque ».

L'ancien président dit quitter avec le « sentiment du devoir accompli » étant donné que l'organisation a traversé « avec succès les années les plus difficiles de son histoire ».

« La marmite a explosé »

« Je profite de l'occasion pour m'excuser sincèrement auprès des gens que mon comportement aurait offusqués. Je suis conscient que, parfois, mon attitude a pu être perçue comme discutable auprès de certaines personnes de la gent féminine et avoir entraîné un sentiment de malaise. Je le réalise. Et je vais m'ajuster », a-t-il déclaré.

Dans le communiqué le Comité olympique a salué dans son communiqué le "courage incroyable" de la plaignante, ajoutant que les événements de la dernière semaine avaient été "profondément" préoccupants.

Le COC amorcera les procédures pour nommer un président par intérim dans les prochains jours. Les vice-présidents du COC Tricia Smith, qui a notamment remporté une médaille d'argent en aviron aux Jeux de Los Angeles en 1984, et Peter Lawless sont pressentis pour remplacer temporairement M. Aubut.

Âgé de 67 ans, Marcel Aubut est membre du COC depuis 2000, et il était président depuis avril 2010.