MONTRÉALÂ -- Du Canadien de Montréal jusqu'à l'équipe olympique canadienne en passant par le HC Sierre, les Chevaliers de Longueuil, le Wild du Minnesota et les Devils du New Jersey, Jacques Lemai



MONTRÉAL -- Du Canadien de Montréal jusqu'à l'équipe olympique canadienne en passant par le HC Sierre, les Chevaliers de Longueuil, le Wild du Minnesota et les Devils du New Jersey, Jacques Lemaire a toujours fait les choses à sa façon; pour ne pas dire à sa tête.

Même s'il pratique un métier où se faire congédier n'entache en rien un curriculum vitae, il n'a jamais attendu qu'on lui montre la porte. Il l'a toujours franchie au moment qu'il a lui-même choisi. Les partisans du Canadien, des Devils et du Wild en savent quelque chose.

Ce qui ne veut pas dire qu'il avait un plan de carrière bien arrêté. Le plus souvent, Lemaire a quitté une organisation sans savoir qui serait le prochain directeur général à l'embaucher. Une approche intuitive qui a bien fonctionné puisque ça l'a mené au faîte du hockey canadien, lui qui sera l'un des entraîneurs associés de Mike Babcock à la barre de l'équipe olympique lors des Jeux de Vancouver. Les autres seront Lindy Ruff et Ken Hitchcock.

Lemaire a obtenu ce poste même s'il ne faisait pas partie du réseau d'amis de Babcock et de Steve Yzerman, les têtes d'affiche de la direction des Red Wings de Detroit.

"On dirait que la bonne chose est toujours arrivée au bon moment, a souligné Lemaire au cours d'un récent entretien avec La Presse Canadienne. J'ai toujours eu confiance que ce qui ne fait pas l'affaire ici, va le faire ailleurs. Je me disais toujours que je finirais par trouver quelque chose. Je laissais le temps prendre les décisions à la suite des choix que je faisais."

Sa récente décision de quitter le Wild n'est qu'un exemple parmi d'autres. Il régnait en roi et maître au Minnesota et pourtant, il a décidé de quitter. Prématurément, aux yeux de plusieurs. Comme il avait quitté le Canadien trop tôt, selon bien des gens.

"Si tu vois que tout le monde travaille dans la même direction, tu continues car tu as beaucoup de plaisir. Si tu vois qu'il y a des petites anicroches, si l'équipe ne performe pas comme elle devrait, tu te poses des questions, affirme Lemaire. Peu importe les raisons, tu te dis qu'ils ont peut-être besoin de quelqu'un d'autre (pour relancer l'équipe).

"Dans le cas des Devils, ils ont remporté la coupe deux ans après mon départ", dit-il d'ailleurs de son premier séjour au New Jersey.

Grâce à Serge Savard

Avant d'avoir la confiance de nager à contre-courant, il a toutefois fallu que quelqu'un pousse Lemaire dans les rapides une première fois. Cette personne a été Serge Savard, qui lui a donné son premier poste d'entraîneur-chef dans la LNH, alors qu'il était le directeur général du Canadien.

"Serge m'a tellement aidé, dit Lemaire. Il a cru en mes capacités."

Ce n'était pas dans les circonstances les plus sereines puisque Lemaire a alors été appelé à remplacer Bob Berry avec 17 matchs à faire au calendrier régulier de la saison 1983-84.

"Serge m'a dit 'tu vas coacher demain'. J'ai dit non, que je ne voulais pas. Il a dit, 'oui, tu vas coacher demain. Tu as les capacités pour faire ce travail-là.'"

Savard a eu le dernier mot et Lemaire a mené le Canadien jusqu'en finale d'association dans les séries. Puis, à une fiche de 41-27-12 la saison suivante.

Lemaire ne faisait que commencer à s'installer, semble-t-il, quand il a décidé qu'il en avait assez de diriger une équipe à Montréal.

"Serge a essayé de me convaincre de rester. Il m'a dit, 'reste, on a de bonnes chances de gagner la coupe l'an prochain'. Il avait raison, l'équipe a gagné la coupe (en 1986)."

Mais Lemaire est quand même parti. Ce qui lui a valu de meilleurs moments encore avec les Devils. Puis un long et stable séjour chez le Wild... qui a mené à un retour au New Jersey cet automne.

Les JO, un nouveau monde

Alors que bien des entraîneurs perdent de la valeur aux yeux de la communauté du hockey quand ils se promènent trop, Lemaire a semblé gagner l'estime de ses confrères au fil des ans. L'homme né à LaSalle il y a 64 ans est le premier à s'en étonner.

"Après avoir décidé de quitter (le Wild), je me disais que j'allais peut-être prendre un petit emploi de conseiller quand Equipe Canada a appelé", raconte-t-il.

Même s'il a eu une carrière fort bien remplie, Lemaire dit vivre une expérience exceptionnelle au sein de l'équipe olympique.

"On a tellement eu de discussions enrichissantes avec les autres entraîneurs qui sont là, souligne-t-il. C'est la première fois en 15 ans de coaching que je partage mes idées avec d'autres entraîneurs, que je passe autant de temps à parler de hockey.

"Je n'ai jamais été du genre à fréquenter les colloques d'entraîneurs. Je n'ai jamais eu besoin de le faire. J'ai appris sur la patinoire, en étant attentif à ce qui se passait autour de moi. C'est pour ça que ma façon de faire est différente des autres entraîneurs."

Le père de la trappe

On le sait, Lemaire est reconnu comme l'inventeur de la trappe. S'il n'aime pas qu'on le décrive comme un entraîneur strictement défensif, il retire une certaine fierté d'avoir conçu une façon de jouer qui a fait école.

"Je n'ai pas de problème avec ça. Lorsque j'ai commencé à les faire jouer comme ça, on a eu du succès. Beaucoup d'entraîneurs et de joueurs étaient frustrés, rappelle-t-il. Il y a 30 équipes qui jouent maintenant comme ça, c'est sûr que ça fait plaisir. La seule chose qui fait moins plaisir, c'est que maintenant tout le monde joue pareil et c'est devenu plus dur de les battre."

Lemaire ajoute qu'il serait difficile d'innover de cette façon dans le hockey d'aujourd'hui.

"Aujourd'hui, tout est sur vidéo. Tu peux innover, mais tu vas innover pour deux semaines et après tout le monde te rattrape", souligne-t-il.