Une grande lassitude m’envahit lorsque je vois des athlètes s’entêter à poursuivre une carrière alors qu’il est plutôt le temps d’arrêter. Je ne parle pas de ceux qui sont incapables de réaliser qu’ils n’ont plus les habiletés de leurs belles années et qui refusent de se voir vieillir. Je pense plutôt à ces athlètes pris en flagrant délit de dopage et qui voient l’annonce de leur retour auréolé du mot « scandale ».

Je ne suis pas de ceux qui croient en la rédemption sportive ou à une seconde chance. Les choses ont bien changé au cours des dernières années. Quel athlète sur la planète ne sait pas encore qu’il est interdit de se doper? Les règles sont claires et connues. Il n’y a pas de place pour les tricheurs, alors c’est tolérance zéro!

Je suis presque tombé en bas de mon siège lorsque j’ai pris connaissance du souhait de la marathonienne russe, Liliya Shobukhova, qui aimerait participer au marathon des Jeux olympiques de Rio en 2016 après avoir purgé une longue suspension. Réalise-t-elle tout le tort qu’elle fera à l’athlétisme si son souhait est exaucé? J’ose espérer que le Comité international olympique (CIO) ne tombera pas dans le panneau. Pour l’instant, rien n’est moins sûr.

Une coureuse de légende

Shobukhova a marqué l’histoire de l’athlétisme, malheureusement pour les mauvaises raisons. Avant d’être bannie pour quatre ans par la Fédération russe d’athlétisme, elle avait remporté le marathon de Chicago trois années consécutives (2009-2011) et celui de Londres à deux occasions (2010-2011). En 2011, à Chicago, elle était devenue la deuxième femme la plus rapide de l’histoire avec un chrono de 2 h 18 min 20 sec. Sa progression laissait sous-entendre qu’elle avait une chance de battre le record du monde appartenant à la Britannique Paula Radcliffe (2 h 15 min 25 sec à Londres en 2003).

Lilya ShobukhovaLes deux derniers kilomètres de Shobukhova lors de son premier triomphe à Chicago en 2009 auraient dû susciter plus d’interrogations. L’athlète était déjà reconnue pour connaître de bonnes fins de courses, mais ce jour-là elle a impressionné au possible. Elle n’a eu besoin que de 6 minutes 23 secondes pour boucler les derniers 2,2 kilomètres de l’épreuve. C’est un rythme de 2 minutes 49 secondes du kilomètre! Incroyable qu’avec déjà 40 kilomètres dans les jambes, elle ait été capable de garder un rythme plus rapide que celui enregistré lors du record du monde masculin. En fait, c’était carrément impossible sans une utilisation abusive de produits dopants.

L’Agence mondiale antidopage (AMA) lui a finalement mis la main au collet en raison d’anormalités dans le profil hématologique de son passeport biologique. La lecture des données de ce passeport ne pouvait que laisser sous-entendre une seule chose : une très forte probabilité de dopage sanguin. Elle fut suspendue pour trois ans et deux mois rétroactivement à avril 2014. Tous ses résultats depuis 2009 furent également effacés des livres de la Fédération internationale d’athlétisme.

Mais voilà que l’athlète russe, en raison d’une collaboration importante avec l’AMA dans sa lutte contre le dopage, a vu sa suspension réduite de sept mois l’été dernier. Les officiels de l’agence avancent que « l’information et la documentation fournies par Shobukhova ont participé de manière significative à la découverte et l’enquête sur des violations des règles antidopage commises par d’autres personnes, dont certaines encadrant des athlètes. » Cela signifie qu’elle peut, depuis le premier septembre, recommencer à s’inscrire à des compétitions. Ça, c’est si on veut bien d’elle!

Car, malgré la réduction de sa peine, elle demeure tout de même exclue à vie des courses les plus importantes de la planète. Aucune chance de la revoir au départ d’un des cinq marathons du calendrier de la World Marathon Majors (Tokyo, New York, Chicago, Boston, Berlin). À cela, il faut ajouter l’intention annoncée de nombreux organisateurs d’autres courses majeures de lui refuser l’accès au peloton. Shobukhova a tout de même réussi à participer à un demi-marathon lors des plus récents championnats russe d’athlétisme. Elle a terminée cinquième (1 h 16 min 30sec).

Le CIO réfléchit

Malgré la quasi-unanimité planétaire de ne plus accueillir dans des réunions importantes des athlètes comme Shobukhova, il est aberrant de voir que le CIO n’a pas, pour l’instant, l’intention de l’empêcher de concourir à Rio l’année prochaine. Quel genre de message cela lance-t-il?
Je sais que plusieurs d’entre-vous me répondront que tout le monde a le droit à une seconde chance. Vous avez raison. Dans la vie de tous les jours, je suis prêt à accorder une seconde chance à quelqu’un qui enfreint la loi.

Mais dans le sport, non! Il est trop facile, pour toucher à la gloire et à la victoire, de ruiner sa santé et le rêve des athlètes propres en utilisant des drogues de toutes sortes ou en contournant les règlements. Que celui qui opte sciemment de tricher soit banni à vie. C’est de cette façon, grâce à la crainte qu’une telle expulsion fera régner, qu’une réelle prise de conscience s’opèrera dans la tête de biens des athlètes et, surtout, que la confiance reviendra chez les amateurs.

Le CIO doit opposer une fin de non-recevoir à Shobukhova et à tous les autres tricheurs. Les Jeux olympiques sont la plus grande vitrine sportive de la planète et ils doivent offrir un spectacle exemplaire. N’oublions pas qu’en plus de se doper, la marathonienne russe a payé les officiels de l’Agence antidopage russe pour les corrompre et les forcer à faire disparaitre les résultats de ses tests sanguins positifs. Elle n’était pas qu’une victime qu’on avait manipulée et participait activement au système.

En attendant la décision de l’organisation dirigée par l’Allemand Thomas Bach, Shobukhova devra se dépêtrer d’une multitude de poursuites judiciaires en rapport direct avec ses victoires du passé et les bourses qui y étaient rattachées. Elle a empoché des millions de dollars, de l’argent qu’elle n’a jamais remis malgré la perte de ses titres. Si ses excuses et sa collaboration sont sincères, si elle ne nous prend pas pour des cons, elle pourrait à tout le moins avoir la décence de rendre l’argent aux véritables vainqueurs.

Ceux qui n’avaient pas triché.