Parfois, des gens ordinaires décident de réaliser des choses extraordinaires et de changer des vies. Peu importe leurs différentes motivations, ce qui importe c’est l’espoir qu’ils suscitent pour ceux qui sont directement touchés par leurs actions.

La Fondation de l’Hôtel-Dieu de Lévis espère pouvoir récolter plus de 100 000 dollars au cours des deux prochaines années en raison du dévouement et du dépassement d’un des médecins de ce centre hospitalier de la rive-sud de Québec. Jean-François Bégin, un chirurgien orthopédiste, est également un homme qui a décidé de se servir de son envie de toujours repousser ses limites pour contribuer à la modernisation du bloc opératoire et répondre aux demandes les plus urgentes concernant de nouveaux équipements. Ultimement, ce montant de 100 000 dollars s’inscrit dans une campagne plus importante visant à recueillir 38 millions de dollars pour la construction du futur centre de radiothérapie de Chaudière-Appalaches.

Jean-François BéginQue fera au juste le docteur Bégin? Il va courir. Courir très longtemps.

Jean-Francois Bégin, au-delà de sa passion pour la médecine, est un athlète qui a à son actif plusieurs courses de longues distances. L’année dernière, j’avais consacré une de mes chroniques à sa traversée de l’Atacama avec son frère dans le désert du Chili. Une course de 250 kilomètres en sept jours, soit six marathons, dans des conditions dantesques. Il semble bien qu’il a apprécié l’expérience puisqu’il a décidé de répéter cet exploit, mais en le bonifiant de beaucoup!

Ainsi, lors des deux prochaines années, le docteur Bégin a l’intention de participer, en pleine autonomie, à cinq des courses les plus extraordinaires et difficiles de la planète à travers des déserts inhospitaliers des cinq continents. Il souhaite utiliser cet autre exploit pour créer une grande collecte de fonds pour son hôpital, l’Hôtel-Dieu de Lévis.

Ces cinq courses sont le Grand to Grand Ultra d’Arizona à laquelle il participe actuellement et qui se termine samedi prochain (26 septembre, 273 km), le désert de Namibie (1-7 mai 2016, 250 km), le désert de Gobi (19-25 juin 2016, 250 km), l’Antarctique (novembre 2016, 250 km) et The Track en Australie (17-26 mai 2016, 522 km).

L’idée d’Opération Désert 5 a commencé à germer dans l’esprit du médecin après la traversée de l’Atacama. Il avoue lui-même avoir vécu une courte période de découragement au cours de laquelle il ne souhaitait plus participer à ce genre de course extrême. Pourtant, il a rapidement réalisé qu’il était accroché et qu’il souhaitait en faire d’autres.

Jean-François BéginQuelques recherches sur internet lui ont permis de dresser une courte liste des courses intéressantes. Il en connaissait déjà plusieurs pour les avoir étudiées lors du processus d’inscription de l’Atacama 2014. Opération Désert 5 est alors devenu un objectif concret.

« J’en étais rendu là dans ma vie! Je me suis dit que tant qu’à m’entraîner pour une course, pourquoi ne pas le faire pour cinq dans un délai relativement rapproché de deux ans. Les gens de la fondation m’avaient déjà approché pour me signifier qu’ils seraient intéressés à s’associer à moi si je devais participer un jour à ce genre d’épreuves pour en faire une œuvre caritative. C’était donc tout à fait naturel pour moi de les approcher pour leur présenter le concept. C’est une combinaison de goût de faire d’autres courses pour repousser mes limites dans un contexte de levée de fonds qui s’imbriquait dans les activités de financement de l’hôpital où je travaille », explique Jean-François Bégin.

Lorsqu’on lui demande si d’autres coureurs ont déjà complété ce circuit de cinq courses, il n’hésite pas longtemps. Il n’en a pas trouvé. Il s’agit probablement d’une première puisqu’il a lui-même eu l’idée d’assembler les différentes pièces pour construire son Opération Désert 5. La Namibie, le désert de Gobie et l’Antarctique font partie d’une série que de nombreuses personnes ont complétée. La Grand to Grand d’Arizona à laquelle il prend part actuellement est hors série. C’est la seule course par étape en autonomie aux États-Unis. Enfin, la course en Australie, The Track, fait partie d’une série de course organisée par Canal Aventure, une organisation française.

Une simple visite sur les sites internet officiels de chacune des cinq courses permet de comprendre l’ampleur du défi. Toutes sont impressionnantes pour diverses raisons. Le désert qui lui inspire le plus de crainte est celui de Gobi, en Chine, en raison de l’éloignement et du choc des cultures.

Jean-François Bégin« Les conditions climatiques varient beaucoup là-bas. À preuve, cette année, ils ont eu de la neige dans le désert dans la portion plus alpine que traverse le parcours. Les dunes de sable étaient couvertes de neige ce qui rendait la progression très difficile pour les participants. À peine deux jours après la neige, il faisait 40 degrés Celsius. La course en Australie est également spéciale en raison de la distance puisqu’il s’agit d’une course de 520 kilomètres. C’est intimidant. Heureusement, c’est un territoire que je connais un peu pour avoir résidé dans ce pays pendant ma formation en médecine. Le choc culturel sera moins intimidant, mais la distance fait un peu peur. »

Sa traversée de l’Atacama en 2014 lui a permis de sa bâtir une solide confiance et d’apprendre à la rude. Le docteur Bégin estime que l’expérience qu’il y a acquise sera transposable aux autres épreuves même si elles sont toutes différentes et représentent des défis uniques. En plus de la magnificence des paysages dont il souhaite à nouveau s’inspirer, il est conscient qu’au-delà du défi physique de ces courses, c’est surtout un énorme défi mental. « Mon frère et moi avons eu la preuve tangible dans l’Atacama que malgré la meilleure préparation physique au monde, si la tête n’y est pas la progression s’arrête. C’est donc un aspect que j’ai consolidé au Chili et j’espère pouvoir retourner dans cette quiétude mentale lors de mon Opération Désert 5. C’est ce qui me permettra de mettre un pied devant l’autre! »

Qu’est-ce qui peut pousser un homme à vouloir autant repousser ses limites? Il y a un petit côté fascinant à imaginer la douleur, le dévouement, l’épuisement et l’exaltation qui accompagnent le coureur sur une épreuve de 250 kilomètres ou, encore plus fou, de 500 kilomètres. Pour le docteur Bégin, tout cela revêt un petit côté ésotérique puisqu’il s’agit d’une communion avec soi-même. Un moment où l’athlète doit puiser dans tous ses moyens et voyager au fond de son âme pour aller y puiser de l’énergie.

« Il y a de grandes périodes de solitude. C’est enivrant, dans le monde agité d’aujourd’hui, d’être capable de faire ce genre de course pour se déconnecter du reste du monde. Il n’y a pas de téléphones ou de tablettes électroniques. Tu es seul pendant des heures et des heures en raison de l’étalement des compétiteurs. Tu en profites pour réfléchir et visiter le fond de qui tu es. On sort de ces courses grandi et transformé à tout jamais. C’est une grande source de motivation. Presque une drogue. C’est pour ça que je me suis inscrit à ces courses », affirme-t-il.

Jean-François BéginLe docteur Bégin a confiance en sa bonne forme physique. Il est conscient que sa préparation physique doit être optimale. Après une courte pause pour se reposer de sa traversée de l'Atacama, il a repris l'entraînement à raison de trois ou quatre longues sorties par semaine. Depuis novembre dernier, il a ainsi parcouru près de 2 000 kilomètres. Plusieurs de ces kilomètres furent en montagne et dans des pistes forestières, au mont Sainte-Anne et au mont Bélair, pour retrouver les conditions qu'il risquait de rencontrer lors de la course qu'il effectue présentement. Il a également parcouru de longues distances sur la grève du fleuve Saint-Laurent, à marée basse, pour simuler les surfaces qui seront présentes lors des cinq courses des deux prochaines années. Enfin, il a profité de vacances au Mexique et en Californie pour s'acclimater aux températures chaudes.

Le coureur de longue distance n'est pas seul en Arizona. Sa conjointe l'accompagne pour cette première traversée. Elle en profitera pour agir comme bénévole. Un collègue anesthésiste ayant eu la piqûre pour ce genre de course sera également du voyage pour l'encourager. Pour les autres courses cependant, personne ne s’est encore manifesté. Il se croise les doigts. « On ne sait jamais. Ça peut changer puisque je suis au tout début de ce défi s’échelonnant sur deux années. Peut-être que quelqu’un se greffera à moi pour participer à une ou deux courses. Ce serait bien », conclut-il.

Jean-François Bégin sera peut-être seul à courir, mais plusieurs personnes le suivront et l'encourageront à distance. Il est porteur d'espoir. Il existe actuellement une page Opération Désert 5 sur Facebook où il publie quotidiennement un court texte relatant les événements de sa journée.

De savoir que des gens pensent à lui et accordent de l'importance à ce qu'il fait sera certainement une grande motivation. Mais encore mieux. De savoir que des gens seront généreux pour l'aider à atteindre son objectif sera une grande source de fierté. Il aura alors compris que chacun de ses pas en valait la peine.