Outrage à Jesse Owens
$content.firstChildCategorie mercredi, 9 juil. 2014. 21:33 lundi, 9 déc. 2013. 20:09
La consécration de Jesse Owens à Berlin en 1936 occupe la première place de toutes les listes des plus grands moments de l’histoire olympique. Lors de cette olympiade, l’Afro-Américain allait remporter quatre médailles d’or en athlétisme sous le regard courroucé et désapprobateur d’Adolf Hitler. Ces victoires n’avaient pas qu’une signification sportive. Il s’agissait surtout d’un formidable pied de nez au régime nazi qui prônait la suprématie de la race arienne. Dans l’esprit tordu d’Hitler, l’homme noir était un être inférieur.
Les Jeux olympiques de Berlin se tenaient en Allemagne en raison de la forte pression du Führer qui voulait prouver au monde entier que ses athlètes blonds et musclés étaient les meilleurs. Mais Owens était venu gâcher la fête en gagnant l’or aux 100, 200 et 4×100 mètres de même qu’en saut en longueur. La photo d’Owens sur la plus haute marche du podium entouré d’athlètes, de dignitaires et de membres des jeunesses hitlériennes faisant le salut nazi est très évocatrice des années terribles de guerre qui s’annonçaient.
Pas besoin de vous dire que les quatre médailles de Jesse Owens sont de véritables trésors de l’histoire du sport. La nouvelle voulant que l’une d’entre elles soit vendue aux enchères prochainement (7 décembre) en a fait réagir plusieurs, moi le premier! Selon le réseau américain ESPN, c’est SCP Auctions qui doit se charger de la vente de la médaille au plus offrant. On parle d’une somme pouvant atteindre un million de dollars. Avis aux intéressés, les enchères débutent le 20 novembre.
Comment une médaille gagnée par Jesse Owens a-t-elle bien pu se retrouver sur le marché? L’histoire est nébuleuse. L’athlète afro-américain aurait donné une de ses médailles à un dénommé Bill « Bojangles » Robinson, un acteur et danseur de claquettes très populaire auprès de la communauté noire américaine de l’époque. Owens voulait ainsi remercier Robinson de l’avoir aidé à se trouver du boulot dans l’industrie du divertissement à son retour d’Allemagne. À la mort de Robinson, en 1949, c’est sa veuve qui est devenue la propriétaire de la médaille.
Il est impossible de dire précisément de quelle médaille il s’agit puisque, contrairement à aujourd’hui, le nom de l’épreuve n’était pas inscrit sur l’objet à cette époque. Mais selon les responsables de la mise aux enchères, il s’agirait de celle gagnée à l’épreuve du 200 mètres.
Comment le comité olympique international peut-il accepter de voir une médaille aussi importante être vendue? C’est renversant. Le nouveau président du CIO, l’Allemand Thomas Bach, a déjà déclaré que l’entité qu’il dirige n’allait pas intervenir. Monsieur Bach a cependant précisé qu’il trouvait difficile d’accepter la vente aux enchères de la médaille, mais qu’il allait respecter le processus. Il existe pourtant un musée olympique à Lausanne, en Suisse. Cette médaille serait à sa place là-bas.
Le CIO pourrait à tous le moins exiger que la médaille se retrouve entre les mains d’une institution muséale ou d’un mécène qui serait prêt à en faire un don à un organisme comprenant bien sa signification historique.
C’est pourtant aux mains d’un collectionneur privé que la médaille d’Owens risque de se retrouver. Ainsi, un restaurateur aux poches profondes pourrait l’acquérir et la placer dans une vitrine de son établissement sur un petit coussin de velours pour attirer la clientèle.
Je sais que plusieurs restaurants sportifs sont de véritables petits musées puisqu’ils détiennent des chandails, balles, bâtons, ballons, ou rondelles rares ou uniques. Mais tous ces items ne rivalisent pas avec une médaille d’Owens. Je le répète, il s’agit d’un morceau d’histoire.
Vous ne verrez jamais un tableau de Van Gogh ou une sculpture de Rodin dans une vitrine de bistro. Ce serait leur manquer de respect. La même situation doit prévaloir pour la médaille d’Owens. Elle doit être traitée avec une réelle dévotion et mise en valeur de telle sorte qu’on puisse bien expliquer sa signification. Une occasion unique se présente pour le mouvement olympique de la placer là où elle doit être. Dans un musée.
Cette médaille appartient à l’humanité!