L’invraisemblable retour sur la scène internationale du sabreur Joseph Polossifakis s’est poursuivi lundi soir au complexe sportif panaméricain de Scarborough, quand l’escrimeur est monté sur la deuxième marche du podium aux Jeux panaméricains.

Blessé plus souvent qu’à son tour dans les 12 derniers mois, l’escrimeur montréalais, maintenant 27e au classement de la fédération internationale (FIE), a connu une journée de rêve devant les siens.

« Juste d’être capable d’être ici, avec ma famille, sur le podium, c’est quelque chose de très émouvant pour moi, a-t-il avoué, tout de même légèrement déçu par son revers en finale. Ma famille était toute là, tout le monde m’encourageait, c’était vraiment émouvant. Je voulais leur ramener la médaille d’or. C’est un peu difficile en ce moment, mais je pense que demain matin je vais voir (le positif). »

Polossifakis a d’abord été quasi impeccable dans la ronde des poules en triomphant à ses cinq sorties. « J’ai été touché seulement six fois, ç’a été un massacre. J’ai bien tiré contre le Brésilien (Renzo Agresta), un de mes rivaux pour les Jeux olympiques. »

Il a enchaîné avec une convaincante victoire de 15-3 contre Teddy Weller, des Îles Vierges américaines, 82e mondial, puis un gain de 15-8 face au Mexicain Julian Ayala Navarrete, classé 90e, même si celui-ci avait pris les devants 7-3.

« Avec ces gars-là, il faut juste être patient. Ils s’énervent et deviennent agressifs à ce moment, a lancé l’athlète de 24 ans. Il était très agressif au début. J’ai trouvé le moyen de ralentir le rythme et j’ai gagné 12 touches contre 1 après ça. »

Il a expliqué facilement ses ratés au départ. « Je faisais une action en un temps, au lieu de faire une préparation pour ralentir le jeu, voir les ouvertures. J’y allais directement et je tombais dans sa parade. »

Retrouvailles en demi-finale

En demi-finale, le Québécois a retrouvé Renzo Agresta, 18e au monde. Après avoir comblé un recul de 1-4, il est allé à la pause en avance 8-7. Il n’a plus jamais regardé derrière et s’est imposé 15-13.

L’Américain Eli Dershwitz, 17e sur l’échiquier international et champion mondial junior, s’est dressé sur son chemin en finale. Au coude à coude avec son rival en première partie de combat, Polossifakis a perdu sa concentration au retour, notamment après un échange contesté à 8-10.

« Je voyais qu’un arbitre n’était pas d’accord avec ce que le premier arbitre disait, mais l’autre ne voulait pas changer sa décision. C’est arrivé deux fois. Ça m’a un peu frustré, mais ce n’est pas une excuse. »

« J’ai perdu un peu la balle. J’étais fatigué et je n’ai pas réussi à m’adapter tactiquement. Je m’engageais trop vite. Vers la fin, j’ai fait une mauvaise gestion de match », a concédé celui qui a été battu 15-9.

« J’ai essayé d’aller trop vite. Je voulais le surprendre, l’attaquer, mais il était prêt. Je ne voulais pas lui donner une chance de m’attaquer au milieu, mais j’ai fait de petites erreurs techniques. »

Le Britanno-Colombien Shaul Gordon était aussi à l’œuvre lundi. Le 123e mondial a connu un parcours parfait dans les poules, avant de l’emporter 15-7 en huitième de finale contre le Colombien Luis Enrique Correa Vila, 103e. Il a cependant été éliminé 15-10 en quart de finale par Eli Dershwitz pour terminer en cinquième place.

Outre Agresta, l’Argentin Ricardo Bustamante a également mis la main sur une médaille de bronze.

Des mondiaux à Toronto

Polossifakis et la plupart des sabreurs en action lundi n’ont pas eu beaucoup de temps pour apprivoiser le complexe sportif panaméricain de Scarborough, eux qui sont arrivés des Championnats du monde samedi.

C’est toutefois le cœur léger que l’athlète d’Outremont a entrepris son séjour à Toronto, lui qui a obtenu une 23e place aux mondiaux présentés à Moscou, la semaine dernière.

« J’ai vraiment très bien tiré. J’ai perdu contre un gars qui était très hot (l’Allemand Max Hartung, éventuel médaillé de bronze). Il y a eu quelques erreurs d’arbitrage, mais je sentais que j’aurais pu faire le tableau de 16, avance-t-il. Le premier gars (le Hongrois Tamas Decsi) que j’ai battu a déjà été médaillé de Coupe du monde et je le menais 14-5, je l’explosais. »

« Je voulais seulement amener cette même ambiance, ce même rythme ici. Il y a tellement de parents et de gens qui m’encouragent, qui ont acheté des billets pour les médailles, il fallait donc que je sois là. »

Avec ce 23e rang ainsi qu’un 8e échelon au Grand Prix de Moscou en mai, l’escrimeur est contre toutes attentes revenu dans la lutte aux laissez-passer olympiques. Au 4 avril 2016, les deux meilleurs sabreurs des Amériques au classement de la FIE seront retenus pour les Jeux de Rio de Janeiro.

« C’est comme un miracle! » avoue sans détour celui qui est actuellement quatrième sur le continent.

Commotion cérébrale, problème de dos, ulcère d’estomac, ligament déchiré dans un genou, entorse à une cheville, les blessures ont mis à rude épreuve sa force de caractère. « Depuis un an, je ne me suis pas entraîné plus de deux semaines sans qu’il arrive quelque chose. Terminer la saison en force comme ça, je ne sais pas quoi dire. »

Au plus bas

Ses récents succès contrastes fortement avec son état d’esprit au plus fort de la tempête. « Il y a quelques mois, j’étais dans mon lit à regarder le plafond et à me demander comment j’allais atteindre mes buts. La qualification olympique commençait et je ne faisais rien. Je voyais des médecins au lieu de m’entraîner.

« J’avais aussi perdu tout mon financement, poursuit celui qui a dû débourser plus de 15 000 $ cette saison. Je ne pensais même pas alors pouvoir continuer l’escrime. Je devais même me requalifier pour l’équipe canadienne, pour aller aux Championnats panaméricains en avril. »

Page connait également du succès

 

La sabreuse Gabriella Page a mis la main lundi soir sur une des deux médailles de bronze à l’enjeu aux Jeux panaméricains. Même si elle s’est inclinée en demi-finale au complexe sportif panaméricain à Scarborough, son revers avait bon goût en regard à l’opposition à laquelle elle faisait face.

Page, 56e au classement international, croisait le fer avec l’Américaine Dagmara Wozniak, 7e mondiale, 8e aux Jeux olympiques de Londres et 12e aux Championnats du monde de Moscou lundi dernier. Wozniak a eu le dernier mot, 15-13.

La Blainvilloise a pris les devants 1-0, puis a échangé touche pour touche avec son adversaire, de six ans son aînée. Elle a accusé un premier déficit à 7-8 seulement. Au retour, elle a marqué quatre fois de suite, mais a cédé l’avance pour de bon à 11-12.

« Quand j’ai pris la relève, j’étais dans un jeu qui fonctionnait et tout à coup, j’en suis sorti, a expliqué l’athlète de 20 ans. Je me suis excitée. À 11-8, je me suis dit que j’avais gagné, mais ce n’était pas du tout fini. »

Page se disait malgré tout contente de sa prestation. « Elle est vraiment forte et je suis fière de la façon dont j’ai tiré contre elle. Je suis contente de la pression que j’ai mise sur elle. Maintenant, j’espère qu’elle sait que je ne serai plus facilement battable. »

Stéphane Hamel, l’entraîneur qui l’accompagnait lundi, partageait sa joie. « C’est un super bon match. À la fin, c’est plate, oui elle a perdu, mais je lui ai demandé s’il fallait vraiment que je lui montre le classement international? Et elle lui a chauffé les fesses. C’était seulement une question d’expérience. (Wozniak) en a beaucoup et Gabriella en a moins. »

« Je croyais beaucoup en ses chances. Elle respectait le plan de match, mais à 11-8, elle a voulu prendre une grande avance trop rapidement au lieu d’utiliser la piste. (Sa rivale) a fait trois touches de suite dans le milieu, c’est là que le match s’est joué », a ajouté l’entraîneur national chez les juniors.

La Québécoise relevait plusieurs points positifs dans la défaite. « Je n’ai jamais lâché. Je suis restée forte. Quand j’ai perdu un peu ma concentration, je me suis remise dans le match. Mes attaques étaient vraiment solides et j’étais agressive. »

« Ça va me donner beaucoup de confiance. Je vais maintenant aller en Coupe du monde en sachant ce dont je suis capable. Je vais arrêter de douter. »

Dagmara Wozniak est montée sur la première marche du podium après avoir disposé de la Vénézuélienne Alejandra Benitez 15-13 en finale, tandis que l’Argentine Maria Belen Perez Maurice a obtenu l’autre médaille de bronze.

Bataille fratricide

Page avait commencé sa journée en remportant trois de ses cinq duels de la ronde des poules. Classée neuvième après cette première étape, elle a malheureusement retrouvé sa compatriote Marissa Ponich dès les huitièmes de finale.

Elle s’est rapidement retrouvée en contrôle face à l’Albertaine, 83e au monde, prenant les devants 5-0 et concluant à 8-3 avant l’arrêt. Au retour, elle a fait 13-3, avant que sa rivale ne rebondisse avec 6 points, le temps que la Blainvilloise ne mette les 2 dernières touches.

« Quand j’ai su que j’affrontais ma coéquipière, j’étais super stressée. Mais je me suis ensuite dit que c’était mon moment. Je n’avais jamais perdu contre elle et je sais comment elle tire. »

Éliminée, Ponich a terminé au 10e échelon.

En quart de finale, la Mexicaine Maria Paola Pliego Lara, classée première des poules et 23e sur l’échiquier international, s’est retrouvée sur la route de Page, qui a encore une fois livré une performance inspirée. Ne se retrouvant jamais en déficit, elle s’est offert une avance de 8-7 avant la pause et l’a emporté 15-13.

« Elle aussi, c’est une très bonne amie. Je ne savais pas quoi penser. Chaque fois que je l’avais affrontée, j’avais perdu. Je n’étais jamais passée proche, elle m’avait toujours crémée. »

Le passé était cependant le passé au moment d’entrer en piste. « Aujourd’hui (lundi), je m’en foutais des dernières fois contre elle. Je sais comment elle tire et je ne voulais pas laisser une Mexicaine me battre sur mon terrain. »

« Je suis vraiment contente, j’ai contrôlé mes émotions notamment quand elle a remonté à 13-13. Je me suis étonnée moi-même, parce que je suis une personne vraiment émotive. »