La semaine dernière, j'écrivais que j'avais pris la décision de cesser de courir pour quelques semaines dans le but de guérir la blessure au tendon d'Achile de ma cheville droite. J'ai été surpris par le grand nombre de vos commentaires relayés directement à la suite de ma chronique ou via différents médias sociaux.

Pour garder la forme, après avoir essayé de nager, j'expliquais avoir opté pour le vélo. Quelques-uns d'entre vous m'ont demandé pourquoi je n'avais pas essayé simplement de marcher. Mais attention, pas la petite marche d'après repas qui aide à digérer. Non! Plutôt la marche rapide. Contrairement à la course à pied, la marche serait, semble-t-il, parfaite pour éviter les chocs violents à répétitions sur mes articulations et tendons abîmés.

Hummm! L'image que je me faisais de la marche rapide n'était pas très glorieuse. C'était celle de ces hommes et femmes adoptant un déhanchement étrange ressemblant à une samba brésilienne pour s'assurer de garder toujours un pied au sol. Je me doutais bien qu'ils allaient vite, mais n'y avait jamais prêté une réelle attention. Dans ma tête, un coureur irait toujours plus vite qu'un marcheur. Une évidence.

Il y avait bien mon père qui, pendant plusieurs années, avait été membre d'un club de marche et qui pouvait parcourir de très longues distances à une moyenne de 10 km/h. Je réalisais bien que c'était rapide, mais c'était surtout plus lent que mon jogging à 13 km/h.

Vos commentaires m'ont cependant forcé à revoir ma perception de la marche rapide, également appelée marche athlétique. Que vaut un marcheur élite par rapport aux coureurs de tous les jours? Où se classerait-il?

Par un curieux hasard, l'excellent magazine Canadian Running rapportait l'exploit du marcheur canadien Evan Dunfee qui, le 25 juin dernier, a participé au demi-marathon de Vancouver. L'exploit réside dans le chrono et le classement de cet Olympien originaire de Richmond en Colombie-Britannique. Il a franchi la distance de 21,1 km en 1 h 29:52. Cela lui a ainsi permis de terminer en 90e position sur... 4253 coureurs!

Ça, mes chers amis lecteurs, c'est une moyenne de 14,09 km/h. Dois-je vous rappeler qu'il s'agit d'un marcheur? Absolument incroyable. À titre de comparaison, j'ai tenté de marcher le plus rapidement possible sur une courte distance d'une centaine de mètres et j'ai atteint une formidable pointe de vitesse de 12,2km/h. J'aurais été incapable de maintenir ce rythme pendant une pleine minute.

Dunfee est un athlète d'exception qui ne reçoit malheureusement pas toute l'attention qui devrait être sienne. La marche athlétique est un sport auquel la très grande majorité d'entre nous (soyons honnêtes) s'intéresse seulement aux quatre ans, lors des Jeux olympiques. Et encore là, on ne voit que quelques faits saillants d'une marche, assez longue, de 20 ou 50 kilomètres.

Dans le cas du marcheur canadien, il avait fait parler de lui pour les bonnes raisons aux plus récents Jeux olympiques de Rio. Il était venu bien près de devenir le premier marcheur canadien, depuis Guillaume Leblanc en 1992, à monter sur un podium olympique. Il avait terminé l'épreuve du 50 kilomètres en quatrième position avant d'apprendre que le Japonais ayant terminé devant lui avait été disqualifié pour l'avoir bousculé. La formation japonaise d'athlétisme avait cependant logé et gagné son appel pour annuler cette disqualification. Dunfee avait alors fait preuve d'un remarquable esprit sportif en refusant de contester cette décision.

Mais revenons à cette performance de Dunfee à Vancouver. Tous ceux d'entre vous qui pratiquent la course à pied seront ébahis par les temps de passages. Soulignons, par exemple, qu'il a eu besoin de seulement 43 minutes et 53 secondes pour franchir les dix premiers kilomètres en marchant! C'est un rythme de 4:23 du kilomètre. Rapide me direz-vous? Pas pour Dunfee qui a nettement accéléré sa cadence sur les 11,1 derniers kilomètres, à un point tel qu'au final il a maintenu un rythme moyen de 4:15 du kilomètre pour la totalité du demi-marathon!

Il s'agissait d'une marche d'entraînement pour lui puisqu'il en est à finaliser sa préparation en vue des Championnats du monde d'athlétisme présentés à Londres dans quelques semaines. Il sera du départ du 50 kilomètres. Dunfee est d'ailleurs le détenteur du record national sur cette distance (3 h 41:38, 4:26/km).

La veille du demi-marathon de Vancouver, il avait marché 40 kilomètres et ses semaines d'entraînements vont jusqu'à 160 kilomètres. Dunfee est un des très rares athlètes de niveau élite qui participe pour le plaisir à des compétitions où peuvent s'inscrire monsieur et madame tout le monde. En mai dernier, il avait surpris tout le monde en marchant le marathon de Vancouver en 3h10:34. Il avait alors devancé plus de 96 % des coureurs.

Que vaudrait un athlète comme Dunfee s'il optait pour la course à pied plutôt que la marche? Et bien l'automne dernier, il avait surpris de nombreux observateurs en choisissant de courir le demi-marathon de l'Université de Colombie-Britannique. Résultat : première place en 1 h 10:44.

Je termine en précisant qu'il y a des marcheurs encore plus rapides que notre Canadien. En mars 2015, le marcheur japonais Yusuke Suzuki a établi un record du monde sur 20 kilomètres en 1 h 16:36. Le record féminin sur cette même distance appartient à la Chinoise Lui Hong : 1 h 24:38.

Il serait donc peut-être temps pour tous les coureurs du dimanche, moi le premier, d'accorder plus d'intérêt à cette discipline fantastique (et rapide) qu'est la marche athlétique. Un gars comme Evian Dunfee nous prouve à juste titre que rien ne sert de courir pour aller vite, on peut également marcher!