Difficile de trouver deux courses aux parcours plus différents que les marathons de Paris et d’Anchorage, en Alaska. En deux mois à peine, j’aurai connu les extrêmes avec Team In Training. C’est ce que j’ai pu constater en ce samedi matin (19 juin) alors que je participais au demi-marathon (21,1km) d’Anchorage. Dans les deux cas, je ne savais où regarder tellement il y avait à voir.

À Paris, la tour Eiffel, le Louvre, Notre-Dame de Paris, l’Arc de Triomphe, le château de Vincennes et les jardins du Luxembourg. À Anchorage, les montagnes, les montagnes et encore les montagnes. Elles sont partout, majestueuses avec leurs cimes enneigées.

À Paris, l’histoire d’une ville ancienne qui accorde le droit à la nature de se déployer dans certaines zones limitées, protégées et entretenues. À Anchorage, l’histoire d’une ville jeune où la nature décide de tout. Du haut des airs, il est facile de constater que ces montagnes et cette forêt règnent sur les habitants. En ce solstice d’été, le soleil se couche à 23h43 pour se lever moins de 4 heures plus tard.

Le Mayor’s Marathon and Half-Marathon d’Anchorage se vante d’être le seul au monde à déposer dans certaine des trousses de coureurs, des sifflets pour faire peur aux ours en cas de rencontres fortuites ! La première page du quotidien local faisait grand état de ce cycliste poursuivi par un grizzli dans des sentiers près de la ville. Le pauvre type s’en est tout de même bien sorti même s’il n’a jamais eu le temps de siffler. Le Mayor’s Marathon est également un des rares à compter sur des bénévoles qui se promènent sur certaines portions du parcours avec des carabines de chasse. Juste au cas où le sifflet ne serait pas suffisant pour les nounours. Voilà qui est rassurant.

Le départ de ma course était donné à 9h à l’école seconde West-Anchorage. Déjà, les participants du marathon étaient à l’œuvre depuis une heure. Question de donner à l’événement un cachet encore plus spécial, les organisateurs avaient eu la bonne idée de proposer deux parcours totalement différents. Ainsi, les marathoniens devaient suivre un trajet accidenté qui les menait sur des routes de terre jusque au Chugach State Park (ne pas oublier les sifflets à ours surtout !) avant d’emprunter la route traversant la réserve militaire de Fort Richardson.

Pour le demi-marathon, le trajet amenait plutôt les coureurs le long de la baie de Cook jusqu’à Point Woronzof. Là encore, des chances de rencontrer la nature sauvage. Les orignaux sont nombreux, les ours aussi. Si on ouvre bien les yeux, on peut également voir des phoques et même des bélugas dans la baie. J’avais hâte de voir ce qui me restait dans les jambes. La veille, je m’étais joint à 9 autres participants de TNT pour aller faire l’ascension de Flat Mountain qui culmine à près de 6000 pieds. Une ascension rendue difficile en raison des versants très escarpés de la montagne. Mais la vue mes amis. Ha ! La vue.

Que dire du parcours de ma course sinon qu’il n’était vraiment pas facile. On ne vient pas dans ce pays de montagnes pour se qualifier pour Boston. Le trajet du demi-marathon nous fait courir en forêt sur des chemins de terre inégaux. Une longue section traverse une réserve militaire et les coureurs foulent des sentiers damés utilisé par des tanks lors des exercices. Attention aux chevilles.

Quatre montées coriaces sont à l’horaire. Je les avais notés sur le bracelet de ma montre (5e, 7e et 14e kilomètres). Toujours plus facile d’aborder de telles côtes lorsqu’on sait qu’elles arrivent. La quatrième n’est qu’à 500 mètres de l’arrivée. Les organisateurs avaient prévenus les coureurs qu’elle était redoutable et je vous confirme qu’elle l’est. On la surnomme Heartbreak Hill Rarement vue mes jambes fonctionner aussi mal.

J’ai finalement franchi le fil d’arrivée en 1h36 sous les acclamations de la foule. Du moins je pense qu’on m’acclamait. Mon nom était inscrit sur mon chandail. Même l’annonceur maison y est allé d’un retentissant « Welcome Frederic Plounnti ». Je lui pardonne la déformation de mon nom de famille.

J’étais le premier des 300 participants de TNT à terminer. 90e sur près de 1500 coureurs. J’étais très heureux. J’ai ensuite encouragé les autres coureurs qui complétaient leurs épreuves. Toutes les émotions se lisaient sur les visages. Je revois la fatigue de Jean-Philippe, la déception de Cédric, le bonheur de Dominique, la joie de Brian (42e marathon) et la fierté de Roland. Dans quelques heures, ils réaliseront qu’ils viennent de vivre une incroyable expérience dont ils ne peuvent qu’être fiers.

Toute cette belle aventure n’aurait jamais été possible sans le travail absolument extraordinaire de Team In Training. Après avoir voyagé avec eux à San Francisco, Paris et Anchorage, je n’en reviens tout simplement pas de l’efficacité de l’organisation. Ce n’est pas un hasard si le chapitre québécois de TNT a amassé plus d’un million de dollars lors de la dernière année. Cet argent va à la Société de leucémie et lymphome du Canada pour la recherche et l’aide aux patients. Je n’aurai jamais suffisamment de bons mots pour dire tout le bien que je pense de TNT. Courir pour sauver des vies. Y a-t-il plus belle motivation ?

Mais pour tout de suite, l’heure est à la fête pour tous ceux qui sont ici. Certains couraient pour soutenir un proche atteint du cancer. D’autres, comme cette merveilleuse Dominique dont je vous ai déjà parlé, étaient ici pour fêter leurs rémissions.

Je vous ai dit que le soleil se couchait tard ici. Tant mieux. Ca signifie que la fête se terminera tard.

Vive le soleil de minuit.