Courir, pour la plupart d'entre nous, est d'abord et avant tout une activité liée au plaisir. C'est un instant de bonheur qu'on glisse dans notre horaire pour se mettre en forme et se sentir bien. C'est un moment précieux qui se déroule tout naturellement au rythme de chacun. La technique est facile, il suffit de mettre un pied devant l'autre et de répéter jusqu'à satiété.

Pourtant, courir n'est pas aussi simple pour tous! Cela est particulièrement vrai pour ceux qui éprouvent de la difficulté à respirer, un handicap majeur lorsqu'on pratique une activité comme la course à pied ou un sport d'endurance.

Des milliers de Québécois souffrent de l'asthme, cette maladie du système respiratoire qui touche les voies aériennes inférieures et les bronches. Ces dernières se resserrent et commencent à « chanter » ou à « siffler ». L'air vient à manquer et rend la respiration pénible. Il existe trois grands types d'asthmes : chronique, allergique et d'effort. Des médicaments comme la Ventoline ou un inhalateur peuvent être utilisés pour soulager l'asthmatique.

Thibaud Friess est une inspiration pour les asthmatiques. Ce Suisse installé au Québec depuis un peu plus de deux ans est l'exemple même de la détermination et du courage. Il s'emploie à démontrer qu'il est possible de bouger et de pratiquer des sports d'endurance à un haut niveau malgré ce mal qui le handicape.

Thibaud Friess« Je souffre d'asthme d'effort et d'allergie. Cela signifie que si je fais des intervalles à haute intensité, je vais choquer mes bronches qui vont se refermer complètement en raison de l'effort. Je dois alors arrêter mon entraînement pour utiliser du Ventoline pour pouvoir ouvrir mes bronches et repartir. Ça peut également être lorsqu'il fait très froid. Les bronches se resserrent rapidement et c'est très sensible. En ce qui a trait à l'asthme d'allergie, c'est pénible de respirer lorsqu'il y a du pollen, de la poussière ou du poil d'animaux », explique-t-il.

Le jeune homme de 31 ans est un coureur et triathlonien élite. À titre d'exemple, il vaut 33:30 sur 10km, 1 h 13 au demi-marathon et 2 h 37 au marathon. Lors du plus récent demi-Ironman de Tremblant, il a terminé troisième de son groupe d'âge (4 h 22). Pas mal du tout pour quelqu'un qui doit composer avec la constante menace restreignante que fait peser sur lui la maladie pulmonaire. Malgré tout, il lance un message très clair à ceux qui souffrent d'asthme.

« Tous les asthmatiques peuvent pratiquer un sport d'endurance comme moi. C'est juste que ça prend encore plus de détermination. Mon but n'est pas de convaincre les gens de se rendre à mon niveau, car c'est un choix personnel. Je veux simplement leur dire qu'ils peuvent sortir et bouger. Des médecins m'ont déjà dit que je ne pouvais pas pratiquer certains sports, mais je l'ai pourtant fait! Je connais de grands sportifs qui sont asthmatiques et qui courent beaucoup. Mon frère est également asthmatique et il complète des demi-marathons. »

Thibaud FriessLe parcours ayant mené Thibaud Friess au triathlon est assez singulier. Il a tout d'abord pratiqué des sports de combat (boxe thaïe, karaté, etc.) en Europe avant de découvrir la course à pied. Il a participé à son tout premier demi-Ironman en 2014 à Syracuse (4h42). C'est là qu'il a eu la piqûre. Ce sport répondait parfaitement à son désir de varier ses entraînements.


« Je suis quelqu'un de déterminé avec une tête de cochon! C'est ce qui marque mon parcours sportif. Il y a plusieurs années, je me suis dit qu'il était hors de question que je me laisse vaincre par cette maladie. J'ai eu un déclic lorsque j'ai découvert les sports de combat. Je me souviens d'un affrontement dans le dojo au cours duquel je m'étais fait casser la gueule! Ça m'a décidé à redoubler d'ardeur dans les entraînements et à ne pas avoir peur de souffrir. C'est ce qui me décrit le mieux », raconte le triathlonien.


Le marathon qu'il a couru à Boston en 2015 démontre bien sa détermination puisque malgré des conditions climatiques éprouvantes, il était parvenu à garder un rythme constant du début à la fin de ce parcours redoutable en raison de ses nombreuses montées et descentes pour terminer avec un excellent chrono de 2 h 37! Il avance que c'est la course dont il est le plus fier.

Thibaud FriessThibaud se rappelle également ses débuts à la course à pied. Il voyait des gens qui couraient de façon tellement naturelle. Ça semblait facile et beau. Mais lorsqu'il s'y est essayé, la fatigue l'a rattrapé après seulement vingt minutes en raison de son asthme et il dut utiliser sa pompe. Pourtant, il a persévéré, si bien qu'aujourd'hui, il n'a plus besoin de son inhalateur lors de ses entraînements. Il ne le sort qu'avant les compétitions Ironman ou demi-Ironman, car il sait que l'effort à venir sera intense et long. Et n'oublions pas que si ses bronches se referment lors de la portion de natation, c'est impossible de continuer. Cela peut même entraîner des situations dangereuses. « L'asthme se contrôle sur le vélo ou à la course, mais pas à la nage. Cela m'a déjà fait très peur. Je me souviens d'une époque pas si lointaine en piscine où j'avais des palpitations tellement j'avais la frousse de me faire surprendre par une crise d'asthme. Heureusement, je n'ai plus cette crainte. J'ai appris à la contrôler. »

Pour un athlète capable de nager, pédaler et courir aussi rapidement, il serait normal d'éprouver un sentiment d'injustice par rapport à ses adversaires qui jouissent d'une santé parfaite et qui ne sont pas handicapés par la même maladie que lui. Pourtant, Thibaud jure qu'il n'en est rien!

« Jamais je n'ai ressenti un tel sentiment à la fin d'une course en me disant que j'aurais pu dépasser ceux ayant terminé devant moi si je n'avais pas été diminué par l'asthme. J'ai beaucoup souffert pour arriver au niveau de forme qu'est le mien actuellement, mais je ne suis pas en chaise roulante et je suis capable, contrairement à d'autres personnes, d'utiliser tous les muscles de mon corps. C'est la raison pour laquelle tous les médecins qui rencontrent des asthmatiques devraient leur dire que c'est possible de bouger. J'en suis un exemple probant », conclut-il d'un ton déterminé.

Une chose est certaine, Thibaud Friess continuera d'être une inspiration pour de nombreux asthmatiques au cours des prochaines années puisqu'il n'a pas l'intention d'arrêter de faire du sport d'endurance. Il sera du départ du Ironman de Tremblant le 21 août, une compétition qu'il aimerait terminer en 9h30. Il est conscient qu'il ne contrôle rien et qu'il est tributaire de ses poumons. Malgré tout, il déborde de confiance.

Thibaud FriessL'année 2017 s'annonce tout aussi occupée même s'il a décidé de ne participer qu'à des demi-Ironman. C'est une promesse qu'il s'est faite pour pouvoir passer plus de temps avec sa copine et évoluer dans sa vie professionnelle. Il souhaite également continuer d'entraîner sa mère. L'année prochaine, elle sera du départ du triathlon sprint à Tremblant. Une première pour cette dame qui sera alors âgée de 63 ans. L'asthme est héréditaire et c'est d'elle qu'il la tient. Lorsqu'elle terminera ce premier triathlon, son fils réalisera encore une fois qu'il a également hérité de la détermination de sa mère. Une qualité qui permettra à Thibaud Friess de continuer d'être un exemple à suivre pour de nombreux Québécois asthmatiques ayant l'impression de courir après leur souffle.