Un entraîneur d'exception
Athlétisme dimanche, 18 janv. 2015. 11:00 jeudi, 12 déc. 2024. 06:58Plusieurs triathlètes québécois enregistrent de très bonnes performances lors de compétitions internationales et cela n’est pas étranger avec la qualité des entraîneurs qui les dirigent. Pascal Dufresne est un de ceux-là. Véritable passionné du sport qui carbure à la performance, il détient un palmarès de réussites spectaculaires qui fait de lui un des meilleurs de sa profession au Canada.
Au cours des deux dernières années seulement, Dufresne a vu six des athlètes qu’il supervise participer au très relevé Championnat du monde Ironman de Kona, à Hawaii. Il en a également envoyé huit au dernier Championnat du monde de Tremblant. C’est absolument époustouflant. Un peu comme si six joueurs de hockey, tous originaires de la même ville et ayant le même entraîneur de conditionnement physique, avaient atteint la Ligue Nationale de Hockey la même année! Ou qu’un entraîneur voyait huit de ses protégés participer à une compétition olympique.
Dufresne est un enseignant en éducation physique au CEGEP de Trois-Rivières où il a la tâche, entre autres, de voir à la mise en forme des futurs policiers qui étudieront à l’institut Nicolet. Il est également entraîneur-adjoint du club de natation Trimégo. Il entraîne à temps plein des athlètes depuis 25 ans, dont les 18 premières exclusivement en natation, ce qui lui a permis d’œuvrer sur l’équipe nationale canadienne lors des Championnats FINA de Montréal et Barcelone et de superviser Jennifer Carroll.
En 2008, il décide de retourner aux études pour se perfectionner et obtient, quelques années plus tard, une maîtrise en science de l’activité physique pour le vélo. Il fonde également sa propre équipe de cross-counrty au CEGEP où il travaille, une cohorte qui se classe régulièrement dans le top-5 québécois.
Malgré ses succès, l’homme demeure extrêmement humble. Du bout des lèvres, il concède qu’il a un bon ratio de réussites mais préfère d’abord et avant tout vanter le travail de ses athlètes. Cependant, demandez-lui de vous expliquer les qualités d’un bon entraînement et la façon dont il travaille, et l’homme devient beaucoup plus loquace.
« Ce qui fait le succès d’un bon entraîneur, c’est la planification. C’est le nerf de la guerre. Souvent, à l’entraînement, les gens font presque n’importe quoi. Ils s’entraînent fort, parfois 15 à 20 heures par semaine, mais ne sont pas capables de prévoir des phases de récupération. Chaque personne a un profil différent, certains sont des cyclistes, d’autres des coureurs ou encore des nageurs. Alors lorsque je planifie une année d’entraînement pour un Ironman, je dois tout faire pour les rendre meilleurs dans les sports où ils éprouvent des problèmes. Parfois, ça peut prendre plus d’une année de travail. Il faut donc être patient et concentré sur l’objectif », explique-t-il.
Pour Pascal Dufresne, la variété d’entraînements est également un facteur très important. Il affirme qu’il est facile de demander à quelqu’un de pédaler et rouler 40 fois huit minutes en lui demandant de prendre une minute de repos entre chaque séquence, mais l’humain est ainsi fait qu’il s’ennuiera rapidement si les entraînements sont redondants. « L’athlète va décrocher tout simplement! Un bon coach doit donc toujours trouver des façons de rendre ses entraînements agréables et attrayants. Ce n’est pas rare que je vais demander à quelqu’un de faire deux ou trois heures d’entraînement lors d’une journée. Je dois donc m’assurer que ce ne soit pas monotone et qu’il y ait une notion de plaisir. »
Bien sûr, l’alimentation est également une priorité. L’entraîneur trifluvien s’assure d’ailleurs d’élaborer un plan alimentaire avec ses athlètes en tenant compte de l’énergie consommée lors de la pratique des différentes activités. De cette façon, il peut prévoir ce que les compétiteurs auront besoin de manger et boire pour bien performer.
Selon lui, les semaines précédant la compétition recèlent un grand danger et un athlète négligeant de ralentir le rythme peut gâcher bien des choses. « J’ai remarqué que les athlètes ont tendance à terriblement négliger leur période d’affutage (NDLR : taper en anglais). C’est la dernière phase de l’entraînement. J’entends souvent des marathoniens me dire qu’ils ont couru plus d’une trentaine de kilomètres quelques jours avant le marathon pour vérifier leur niveau de conditionnement physique et si leur rythme était bon. Malheureusement, tout s’écroule le jour de la course. Souvent, tu peux ruiner une grosse année d’entraînement en négligeant cette période d’affutage. C’est un aspect que je maîtrise bien et pour lequel j’ai de plus en plus de facilité à préparer les athlètes que je conseille. »
Il porte une attention particulière au rythme de course de ses athlètes. Il a constaté que des triathlètes s’inscrivent à des compétitions comme l’Ironman sans trop savoir à quelle vitesse ils vont compléter l’épreuve. Est-ce que ce sera 9, 10 ou 11 heures? Pascal explique que c’est relativement facile de courir un marathon en gardant un rythme de 5 minutes au kilomètre, mais c’est autre chose d’aborder la portion de course à pied de 42,2 kilomètres à un Ironman après avoir nagé 3,86 kilomètres et pédalé 180 kilomètres. « Un départ trop rapide et ça peut ruiner la fin de l’épreuve. Car dès que tu sors de ton rythme, tu consommes beaucoup plus que prévu », ajoute-t-il.
L’entraîneur d’expérience parle également de la confiance d’un athlète. Selon lui, nombre d’entre eux n’ont pas suffisamment confiance en leurs moyens. Il affirme l’avoir constaté à tous les niveaux, même avec des athlètes olympiques de l’équipe nationale de natation. Au-delà des plans d’entraînement, il se fait une obligation de fournir un objectif clair à ses protégés tout en leur faisant comprendre qu’ils sont capables de l’atteindre. Tout cela fait partie d’une bonne planification.
« Tu sais, je m’assure de demeurer à l’affut de ce qui se passe avec ceux que j'entraîne. Je m’intéresse vraiment à eux. Je tiens compte de leurs petits bobos ou de leurs maladies pour modifier l’entraînement. Ça ne fonctionnerait pas si je leur donnais un plan de conditionnement en leur disant qu’on se reparle dans un mois. Certains athlètes investissent une partie de leur vie dans ce projet, j’ai donc une grande responsabilité envers eux et je tiens absolument à les aider à réaliser leurs rêves », dit-il avec sagesse.
Les succès de Pascal Dufresne viennent certainement de tous les petits détails qu’il ne laisse pas au hasard. En plus de tous les points énumérés précédemment, il s’intéresse également à la psychologie de ses athlètes et cherche à les comprendre et les connaître le mieux possible pour soutirer le meilleur de ceux-ci. Dans les quelques jours avant les compétitions, il se dit tout aussi excité et fébrile que les participants puisqu’il a hâte de voir si ceux qu’il a conseillés pendant de longs mois vont réussir à suivre le plan de match.
« J’adore également travailler avec les jeunes. Je dirige, entre autres, le jeune Pavlo Antoniades, qui est champion canadien U15 en triathlon. Ça me motive beaucoup de le voir évoluer. J’aime tellement mon métier d’entraîneur que j’ai transformé le garage de ma maison en salle d’entraînement complète pour accueillir les athlètes que je supervise. »
Lorsqu’on lui demande ce qu’on peut lui souhaiter pour les prochaines années, il s’efface. « Ce n’est pas à moi que tu dois souhaiter quelque chose, mais plutôt à mes athlètes. Je ne suis qu’une pièce du puzzle. » En insistant, il concède toutefois qu’il aimerait simplement continuer d’être heureux dans son travail tout en faisant « tripper » ses athlètes pour qu’ils puissent atteindre leur rêve avec le sourire. « Je me sens responsable d’eux et je sais que je leur en demande beaucoup. Parfois, je me sens un peu coupable lorsque j’envoie la feuille d’entraînement à un athlète et que je lui demande de faire 25 heures dans sa semaine alors qu’il a une famille dont il doit s’occuper. Mais si je parviens à leur faire atteindre leurs objectifs, alors je serai comblé », conclue-t-il.