Une course à 12 pattes terminée sur un pied de maître
$content.firstChildCategorie mercredi, 9 juil. 2014. 18:41 jeudi, 12 nov. 2009. 23:40Je ne jouerai pas au surhomme en ce début de semaine. Je dois vous avouer bien humblement que mes jambes me font un petit peu souffrir. Elles me rappellent l’effort soutenu fourni samedi. Il en est probablement ainsi également pour mes 5 coéquipiers de RDS avec qui j’ai fait équipe pour compléter le Relais du Lac Memphrémagog. Une course à relais de 117 kilomètres longeant le superbe lac de cette magnifique région des Cantons-de-l’Est.
Vendredi soir, après l’animation de mon dernier bulletin Sports 30, je me suis immédiatement rendu à Magog pour y rejoindre Martin Dion, Yanick Bouchard, Jean-Luc Legendre, Félix Séguin et Patrick Friolet. Après une trop courte nuit de 3h, je les ai accompagnés au site de départ, au parc de la Pointe Merry. Il faisait froid, 2 degrés celsius, mais la journée s’annonçait ensoleillée.
Après les directives d’avant course, Martin prend le départ. Il a pour mandat de quitter le centre-ville de Magog et de me passer le relais, 8,3 kilomètres plus loin. Nous le suivons à bord de notre motorisé, un superbe Winnebago piloté de main de maître par Maurice Séguin, le père de Félix, tout au long de notre longue journée. Je dis de main de maître car M. Seguin père a fait en sorte que son véhicule soit placé directement derrière le coureur pour le protéger des voitures qui filent parfois à haute vitesse sur les routes de la région. Nous sommes également accompagnés de notre photographe officielle, Mélanie Deslauriers, qui a pour tâche ingrate d‘immortaliser notre glorieux tour.
J’amorce ma première sortie dès que Martin me confie la puce électronique servant de relais. 7,8 kilomètres sur une portion de course que les organisateurs ont qualifié de « je sens bien mes jambes » .Effectivement, j’y rencontre de belles petites côtes qui font rapidement grimper mon rythme cardiaque et travailler les muscles de mes jambes. Je réalise également que le reste de la journée sera difficile pour tout le monde puisqu’il y a plusieurs portions du circuit baptisées « Où est l’arrivée ? » et qui représentent de véritables défis d’ascension. J’aperçois enfin Félix qui m’attend au deuxième point de contrôle pour prendre mon relais. Je jette un coup d’œil à mon GPS. J’ai maintenu une moyenne de 13,5 km/h. Pas mal, compte tenu de la difficulté du parcours.
Félix est le premier à affronter une section rouge de notre trajet. Des côtes, des côtes et encore des côtes sur les chemins Channel et Merrill. Presque pas de possibilités de courir sur le plat pour lui permettre de reprendre son souffle. À bord du motorisé, nous le regardons aller et devenons soudainement beaucoup plus silencieux. Les montées sont impressionnantes. Il en a pour 7,4 kilomètres. Nous nous imaginons à sa place. C’est que nous savons tous que nous devrons affronter ces côtes qui n’en finissent plus à un moment où l’autre de notre journée.
Patrick est notre quatrième coureur. Malgré un poing aux côtes, il traverse les 6,2 kilomètres qu’il doit franchir. Jean-Luc prend son relais pour un 4,9 kilomètres de course facile. Il se présente à la frontière américaine, à Stanstead. C’est Yanick qui devra passer les douanes, passeport à la main, en courant. Il le fait avec un réel plaisir. Sa carrière « internationale » de coureur s’amorce. Qui peut se vanter d’avoir franchi la frontière en courant? Le douanier regarde rapidement le passeport de Yanick et lui demande « Is it you? ». Yanick la trouve bien drôle.
Si Yanick traverse la frontière rapidement et sans problèmes, il en a va tout autrement pour mes coéquipiers et moi dans le motorisé. Nous devons attendre une bonne trentaine de minutes avant d’obtenir l’aval des sympathiques douaniers américains. Nous rejoignons finalement Yanick qui nous attend, encore essoufflé, à son point de contrôle. Il affiche un large sourire. Il a complété sa difficile première sortie de 6,7 kilomètres.
La journée se poursuit ensuite au rythme du parcours. Parfois lent, parfois rapide. Le soleil se pointe et nous permet d’apprécier des paysages d’une beauté à couper le souffle.
Il m’est impossible de décrire chacune des courses de mes collègues. C’est la particularité du relais. Courir une deuxième fois, puis une troisième et une quatrième. Pas facile de recommencer à jogger alors que les muscles se remettent à peine de la sortie précédente. Mais laissez-moi vous dire que je suis pas mal fier de notre équipe, particulièrement des exploits de mes coéquipiers. Bien assis dans le Winnebago, je les ai tous vu souffrir, mais vraiment souffrir, dans des côtes ou lors de longues sorties. Cela se voyait sur leurs visages. Et pourtant, jamais ils ne sont venus près d’arrêter ou d‘opter pour la marche. Si Jean-Luc avait connu une première sortie de moins de 5 kilomètres, sa seconde de 11 kilomètres semble interminable. Surtout les deux derniers kilomètres qu’il doit franchir en terrassant une interminable montée.
Personnellement, c’est de ma dernière sortie dont je me souviendrai. Je venais de voir Martin réaliser avec courage la traversée d’une des sections rouges les plus difficiles de la journée. Je prenais son relais pour affronter une autre portion rouge près d’Austin et dont les organisateurs parlaient avec respect et crainte. Exceptionnellement, j’avais emprunté le baladeur numérique de mon fils pour affronter ce véritable défi. Bon sang que ce pays n’en finissait plus de monter! Au moment où je n’en peux plus et songe à m’arrêter, la pièce préférée de mon fils joue dans mes oreilles. Je me penche un peu vers l’avant, je réduis mes foulées et j’oublie que je ne sens plus mes jambes. Mes poumons veulent exploser. Pas grave. Je grimpe pour mon gars et pour tous ces enfants défavorisés qui recevront un coup de main de la fondation mise sur pied par Christian Vachon, l’organisateur du Relais du Lac Memphrémagog.
Je me souviendrai de Yanick qui parvient à compléter, sans arrêter, une section rouge peu après notre retour en sol canadien. Je ne l’aurais jamais cru capable de réaliser cet exploit. Vous pouvez maintenant l’appeler monsieur l’athlète! Et que dire de Félix, toujours prêt à prendre ma relève si ma cheville blessée flanchait. Enfin, j’ai beaucoup de respect pour Patrick qui court l’avant-dernière portion de 7,5 kilomètres et qui décide de poursuivre pour franchir avec ses 5 collègues les 2,5 kilomètres avant l’arrivée. « Si j’arrête, je ne repars plus! » nous dit-il à bout de souffle.
Nous franchissons ce fameux fil d’arrivée au parc de la Pointe Merry après 9h43 de course. « Allez les bleus! » scandent les spectateurs. Nous avons battu les pronostics des organisateurs qui avaient prévu que nous aurions besoin de 10h30. La fierté se lit sur nos visages. Je regarde mon GPS. J’ai couru plus de 25 kilomètres sur un parcours exigeant.
L’objectif premier de notre présence là-bas était de faire connaitre cette course en lui donnant de la visibilité. De nombreuses images de notre préparation et de notre journée furent diffusées Nous souhaitions que notre présence aide à faire connaître les inégalités sociales entre les enfants venant de familles à revenus modestes et ceux venant de familles plus privilégiées.
L’objectif inavoué était de prouver que six gars travaillant ensemble pouvaient s’endurer pendant une journée, rire et souffrir ensemble et atteindre leur objectif c‘est-à-dire: franchir 117 kilomètres en courant pour se prouver bien des choses à eux-mêmes.
Nous avons réussi!