TEHERAN (AFP) - La buvette du stade nautique Azadi de Téhéran ne fait pas recette, les spectateurs, assoiffés ou non, sont inexistants aux épreuves de natation des 4e Jeux islamiques féminins, et seuls trois chauffeurs patientent derrière une baie aux vitres soigneusement colmatées par du papier journal.

Personne, sinon d'autres nageuses, une poignée de femmes-entraîneurs et 3000 sièges vides, n'a assisté aux quatre finales de lundi.

Boudant des vestiaires devenus inutiles, les nageuses ont investi les tribunes désertées pour se changer. Entre les travées 3 et 4 traîne un soutien-gorge oublié. Les Tadjikes se baladent les seins à l'air. Entre filles, la discipline se relâche nettement et les inhibitions s'évanouissent. Au bord du bassin, deux filles s'échangent un baiser non équivoque.

A l'entrée, seules celles qui y sont obligées se pressent devant le portique de sécurité. La fouille en règle a de quoi rebuter les meilleures volontés. Téléphones et ordinateurs doivent être abandonnés, sacs et poches sont fouillés à la recherche de la moindre puce électronique susceptible de voler une photo.

Une femme-entraîneur s'énerve lorsqu'une matonne en tchador arrache le portable où elle garde comme un gri-gri la photo de ses enfants: "Je suis iranienne.
Malheureusement... Ici, on est entourés de gens qui n'ont pas de cerveau. Pensez-vous que moi, entraîneur iranienne de nageuses iraniennes, je vais être assez bête pour prendre des photos dans une piscine?"

Tee-shirt moulant

La natation est, avec l'athlétisme, la discipline la plus sensible des Jeux islamiques féminins où le code vestimentaire en vigueur dans le pays interdit à toute sportive de se montrer dévoilée, et a fortiori dénudée, devant un public mâle. La piscine aux fenêtres obturées est gardée comme le Palais de la Révolution.

Le long du bassin trottine un petit garçon. Le frère d'une nageuse venu avec sa maman. Ce n'est que le jour de ses 15 ans que le spectacle des femmes entre elles lui sera interdit. En attendant, il se fabrique des souvenirs pour toute une vie. Les maillots de bain aux fines bretelles n'ont rien de très islamiques.

A l'exception du golf, du tir et du tir à l'arc, les trois uniques disciplines compatibles avec le port du voile et donc ouvertes aux spectateurs masculins, aux photographes et cameramen, toutes les autres épreuves obéissent aux mêmes règles. Avec moins de sévérité cependant pour les sports collectifs où la nudité n'est que suggérée. Et la fouille au corps par là même moins assidue.

Au basket, au hand, au futsal, le spectacle est autant dans les tribunes que dans la salle. Des bandes d'adolescentes affluent de tout Téhéran pour hurler en agitant des drapeaux et, surtout, profiter de l'occasion pour exhiber le dernier micro tee-shirt moulant dégoté dans un bazar. "A part chez nous, en privé, ce genre de manifestations sportives est le seul endroit où on se sent physiquement libres", explique Zarah, 18 ans, venue supporter une de ses copines de l'équipe iranienne de futsal.

A la fin du match, comme les nageuses, elle renouera ses cheveux, les enfouira à nouveau sous son voile noir avant de remettre sagement son manteau.