Il s‘était entraîné dans le plus grand secret. Seul un petit groupe de proches avaient été mis au courant. Il m‘avait demandé de lui préparer un plan d‘entraînement et s‘était lancé cet incroyable défi de courir son premier marathon. Ce serait celui d‘Ottawa! Mission accomplie.



Mon ami et collègue du 5 à 7 Yanick Bouchard, est un homme qui n‘a pas peur des défis. Il a cependant un petit défaut. Celui de difficilement accepter qu‘on le bouscule ou qu‘on le provoque. C‘est un peu ce qui est arrivé à l‘émission du lundi 23 septembre 2013 au lendemain du marathon de Montréal. Ce jour-là, plusieurs collègues, Gaston Therrien le premier, lui demandent à répétition et pour le taquiner pourquoi il ne s‘était pas inscrit à la course de 42,2 kilomètres de la veille.

Je me souviens encore du moment, alors que nous étions en direct, lorsqu‘il a déclaré qu‘il serait du départ du marathon de Montréal en 2014. Je l‘avais immédiatement prévenu, lors de la pause publicitaire suivante, qu‘il devrait rapidement se rétracter pour mettre un terme à ce coup de tête irréfléchi! Mais non, rien n‘y fit. Yanick semblait déterminer à fermer le clapet de tous ses détracteurs.

Quelques jours plus tard, il m‘a approché pour me parler de son plan. Pour dévier un peu l‘énorme pression qui irait en grandissant à l‘approche du marathon de Montréal de 2014, il allait prendre tout le monde par surprise en courant le marathon d‘Ottawa. Mais il ne voulait pas que ça se sache et m‘avait fait jurer le secret. Il me demandait du même souffle un plan d‘entraînement capable de le préparer pour le 25 mai 2014 dans la capitale canadienne.

Courir Ottawa plutôt que Montréal ne représentait pas du tout le même défi d‘entraînement. En effet, s‘il souhaitait participer au marathon d‘Ottawa, beaucoup plus tôt dans la saison, cela signifiait qu‘il devrait s‘entraîner en hiver et dans le froid. Sa première sortie d‘entraînement avait été fixée quelques jours avant le jour de l‘an. Une façon de vérifier le sérieux de sa démarche!

Et sérieux il le fut mes amis. Malgré un hiver particulièrement froid, neigeux et rigoureux de même qu‘un printemps frais et pluvieux, il s‘en est tenu à son plan enchaînant les courses rapides, les intervalles et les longues sorties du week-end. Pas de tapis roulant à l‘intérieur mais des courses dans les conditions climatiques du moment! Pas évident. Et tout cela sans jamais démontrer sa fatigue lorsqu‘il se présentait au boulot et malgré son horaire de travail extrêmement chargé lors des séries éliminatoires de la Ligue nationale de hockey.

Je lui ai parlé la veille de son marathon alors qu‘il se reposait à l‘hôtel en compagnie de sa sœur, Chantal, qui elle s‘était inscrite au demi-marathon. Il avait bien préparé ses choses. Son dossard était déjà fixé à son chandail de course et son matériel pour l‘épreuve était prêt. Il se disait fébrile, un peu comme lorsqu‘on s‘apprête à faire un exposé oral à la petite école, mais avait hâte d‘enfin prendre le départ. Pour l‘avoir vécu à de nombreuses reprises, les heures précédant le début de la course sont les plus longues.



Sa course de 42,2 kilomètres ne fut pas nécessairement facile, mais il a terminé! Et c‘était là son objectif. Il fut régulier lors de la première moitié de l‘éreintante épreuve avant de ralentir et de marcher à quelques reprises sur les derniers kilomètres. Le soleil était présent et la fatigue était bien installée.

« J‘ai marché à trois reprises durant la course pour me reposer un peu. La première fois c‘était vers le 33e kilomètre. J‘en profitais pour manger un morceau de banane et boire du Gatorade. J‘étais fatigué physiquement mais je tenais à terminer. Je gérais donc mon effort », m‘a expliqué Yanick quelques minutes après avoir terminé son premier marathon.

« J‘ai eu un petit moment de découragement vers le 25e kilomètre alors que je croisais des coureurs qui étaient sur le retour en direction de l‘arrivée. Eux étaient rendus au 38e kilomètre de la course. J‘ai alors réalisé que j‘en avais encore beaucoup à faire! En plus, c‘était sur une longue ligne droite du parcours. Une portion ennuyante », raconte-t-il en riant.

Mon collègue est fier d‘avoir bien terminé ses deux derniers kilomètres et d‘avoir franchi le fil d‘arrivée en courant. Après qu‘on lui eut passé sa médaille au cou, il a réalisé qu‘il était maintenant un marathonien. Plus personne ne pourrait dire le contraire.

« J‘ai mal au dos et aux jambes. J‘ai vraiment tout donné et été au bout de moi même. Je vais maintenant prendre une douche et me reposer un peu avant de retourner chez moi. Je sais que mes enfants sont dans la piscine et j‘ai juste hâte d‘aller les rejoindre », conclut Yanick.

Il ne sait pas encore s‘il fera un autre marathon. Le pire moment pour prendre cette décision est dans les heures émotives qui suivent la fin de la course.

Mais une chose est certaine. Mon ami m‘a encore démontré toute cette force qu‘il possède et qui fait de lui un être d‘exception capable de relever le genre de défis que se lancent peu de gens. Sans même s‘en rendre compte, il a inspiré un paquet de monde aujourd‘hui. En terminant le marathon d‘Ottawa, il a lancé le message qu‘il était possible d‘accomplir de grandes choses sans être pour autant un super athlète aux mensurations idéales.

Yanick Bouchard marathonien? Oh oui. Et il le restera dorénavant pour le reste de ses jours. Bienvenue dans le club!