Ce fut loin d'être parfait, mais je suis heureux d'avoir laissé une aussi bonne impression lors de ma première sortie à la Classique mondiale de baseball, samedi contre les États-Unis.

Si j'avais eu à écrire le scénario idéal pour ma première apparition au niveau international chez les professionnels, je ne me serais sûrement pas autant compliqué la vie, mais tout a bien tourné. Après avoir permis aux trois premiers frappeurs que j'ai affrontés d'atteindre les sentiers, j'ai retiré les trois suivants dans l'ordre, dont les deux derniers sur des prises.

Plusieurs amateurs de baseball avaient déjà entendu parler de moi, mais peu d'entre eux m'avaient vu en action. Pour moi, l'occasion était idéale de démontrer mon savoir-faire. Jamais je ne pourrais rêver obtenir ce genre de défi dans les ligues mineures! Je suis content d'avoir pu prouver que j'étais capable de faire le travail à un niveau aussi élevé.

Je suis très conscient du fait qu'au sein de l'équipe canadienne, je suis loin d'être une vedette. Depuis notre arrivée à Toronto, ce sont les Russell Martin, Justin Morneau et Jason Bay qui attirent l'attention et c'est tout à fait normal. Mais avec ma performance de samedi, je crois m'être ouvert quelques portes, j'ai laissé ma carte de visite. Ceux qui ne me connaissaient pas vont maintenant savoir ce que j'ai dans le ventre.

Par-dessus tout, j'espère que ma prestation aura fait sonner une cloche dans l'organisation des Mariners de Seattle, qu'elle fera réfléchir mes patrons sur la façon dont ils comptent m'utiliser cette année. En clair, si ça peut me permettre de sauter quelques échelons dans les mineures et accélérer ma progression, je ne m'en plaindrai pas.

J'avais déjà pris part à des événements d'importance avec l'équipe nationale, mais samedi, j'ai vécu le highlight de ma jeune carrière. Jouer devant 43 000 personnes qui sont toutes là pour t'encourager, ça n'arrive pas tous les jours.

"Let's go le grand, t'es capable"

J'ai été prévenu qu'on avait l'intention de m'envoyer dans la mêlée au début de la cinquième manche. On m'a dit que si tout allait bien, Chris Begg allait lancer les cinquième et sixième manches et que j'embarquerais dans le match en septième.

Après deux retraits en sixième, alors que Christopher Leroux avait remplacé Begg, j'ai commencé à me réchauffer. J'avais des papillons dans l'estomac, mais j'avais hâte d'y aller.

J'ai éprouvé des petits problèmes de contrôle dès le début. J'avais l'intention d'utiliser ma balle tombante, mais elle se retrouvait tout le temps dans la poussière. À un moment donné, je me suis dit à moi-même "Regarde, aujourd'hui, ce lancer-là ne fonctionne pas" et je l'ai laissé de côté au profit de ma balle rapide à quatre coutures.

J'avais confiance en mes moyens, je voyais que les frappeurs adverses avaient de la difficulté à la toucher. Dustin Pedroia s'est éreinté en tentant de faire contact, sans succès. Même chose pour Kevin Youkilis. Et j'ai forcé David Wright à fracasser son bâton lorsque je l'ai retiré. Je ne me suis jamais senti aussi fort sur le monticule et je suis fier d'avoir montré à tous ces joueurs étoiles que même si j'étais au niveau A la saison dernière, je suis capable de jouer avec eux.

Mais malgré le contrôle amélioré de mes lancers, je me suis mis dans le trouble en remplissant les buts.

J'ai été un peu malchanceux contre le deuxième frappeur qui s'est présenté devant moi, Jimmy Rollins, qui a poussé une flèche vers le troisième but qui a donné contre le bout du gant de Mark Teahen avant de tomber au sol. Chipper Jones est alors sorti du cercle d'attente et Russell est venu me voir pour me donner le plan de match : on allait attaquer avec des rapides basses dans la zone des prises.

J'ai toutefois abordé le duel avec ma balle à effet. La première était complètement hors cible, mais Chipper s'est élancé pour une prise. En bon vétéran, il s'est bien ajusté et a finalement été capable de me soutirer un but sur balles. Je prends le blâme à 100% pour celle-là : au lieu de mettre l'accent sur le contrôle de mes lancers, j'ai essayé de le battre avec le mouvement de ma balle à effet et ça n'a pas fonctionné.

Russell est alors revenu me voir, accompagné de l'instructeur des lanceurs Denis Boucher. C'était une rencontre toute québécoise et on a évidemment échangé en français. Denis m'a dit "Let's go le grand, t'es capable. Fais confiance à tes lancers, laisse les aller." Russell m'a ensuite dit de m'amuser, tout simplement, et qu'à partir de maintenant, ça se passait seulement entre lui et moi.

Je n'aurais pas pu imaginer une meilleure façon de finir la manche : une faible flèche à l'arrêt-court et deux retraits sur des prises. Lorsque Curtis Granderson a fendu l'air pour mettre fin à la manche, je n'ai pas été capable de retenir mes émotions et j'ai brandi le bras dans les airs en marchant vers l'abri. J'ai l'habitude d'être assez calme sur le monticule, parce que je sais que je peux me sortir de ma game si je laisse les émotions s'emparer de moi. Mais avec les 43 000 personnes qui criaient, je savais que ma journée de travail était terminée et je me suis laissé aller.

Russell, un vrai pro

Même si on est deux Québécois et que notre travail est en quelque sorte relié, je n'ai pas vraiment développé de relation spéciale avec Russell Martin. C'est sûr qu'on se dit bonjour et de temps en temps on va avoir une petite conversation, mais à part ça, c'est un coéquipier comme un autre pour moi.

Mais je peux vous dire que Russell est un super bon gars et comme joueur, on voit qu'il est une coche au-dessus des autres. Malgré son jeune âge, il est considéré comme un bon vétéran parmi nous. Il s'assure toujours que tout le monde soit confortable. Avant le match contre les États-Unis, il est venu me voir pour m'expliquer comment il avait l'intention de travailler contre leurs frappeurs.

Il est un pro dans tous les sens du terme.

Avec des si...

Il est déjà assuré que je ne lancerai pas lundi contre l'Italie. Je devrais toutefois retourner sur le monticule mardi contre les États-Unis ou le Venezuela dans un match qui sera sans lendemain pour nous.

Je pense que nos chances sont assez bonnes contre l'Italie. Sans vouloir être méchant, je crois que leur meilleur joueur est Frank Catalanotto et j'ignore qui fait partie de leur rotation de partants. Je serais surpris qu'ils parviennent à arrêter les Morneau, Votto, Martin et compagnie.

Je regarde notre alignement et ça me donne des frissons. Je n'aimerais pas lancer contre notre équipe, ça c'est certain. C'est dommage que des gars comme Harden, Dempster et Bedard n'aient pas pu se joindre à nous. Avec des lanceurs aussi dominants dans notre alignement, on ferait peur, ça serait terrible. Je crois que l'histoire aurait été complètement différente contre les Américains.

On se reparle cette semaine...

Propos recueillis par Nicolas Landry.