"Je parlais au téléphone à ma femme Linda à Montréal, environ deux heures avant le troisième match de la Série mondiale qui devait avoir lieu au Candlestick Park de San Francisco, en ce 17 octobre 1989, quand soudainement je me suis mis à reculer. Puis quelques collègues regroupés dans la galerie de presse ont perdu pied et tombés à la renverse. J'ai jeté un regard vers le terrain de baseball et je voyais des vagues au champ extérieur. Pourtant, je n'étais pas "paqueté".

Quand Serge Touchette, alors vétéran chroniqueur de baseball au "Journal de Montréal" a vu à la télévision, quelques instants plus tard, des véhicules qui tombaient dans le gouffre causé par des autoroutes entrecoupées et des incendies allumés un peu partout, il a réalisé qu'il s'agissait d'un tremblement de terre. C'est alors qu'il a eu la peur de sa vie et qu'il songeait à déguerpir au plus sacrant. Mais comment?

"Tout était paralysé en ville. Pas de courant. Rien. Finalement, avec mes compagnons Rodger Brulotte et Jacques Doucet de CKAC, nous avons trouvé une solution, mais seulement après trois jours de réflexions. Une randonnée en taxi de 300$ vers Sacramento, puis un vol à destination de Montréal en passant par Seattle et Chicago. Ouf ! Quant je me suis retrouvé dans les bras de Linda à Dorval, j'avais envie de turluter le plus grand succès de Tony Bennett : "I left my heart in San Francisco", de conclure celui qui a couvert le baseball majeur et les Expos durant une trentaine d'années.

Il va sans dire que la Série mondiale ne voulait plus rien dire. Ce n'était pas une priorité. Mais le commissaire du temps, Fay Vincent, tenait à ce qu'elle soit complétée. Probablement pour les livres de records, mais je dirais bien plus à cause des commanditaires. L'argent, ce vil métal, parlait encore en ce temps-là. Les activités ont donc repris au Candlestick Park après une interruption de dix jours. Ce fut un balayage pour les Athletics d'Oakland, mais l'issue de la série n'avait plus aucune signification. Le baseball était passé deuxième. Et pour cause.

Ma première série en 1968

Quelques mois après que Montréal eut obtenu sa concession, soit en mai 1968 et ce sans stade ni bailleurs de fonds - ceux qui veulent faire revivre les Nordiques à Québec pourraient en prendre note - les trois ou quatre chroniqueurs de baseball attachés à la couverture éventuelle des Expos à cette époque (aujourd'hui ils sont 70 ou plus attachés à la couverture du Canadien), ces journalistes, dis-je, furent invités à assister à la Série mondiale entre les Tigers de Detroit et les Cards de St. Louis. Il était question pour eux de faire des contacts, de rencontrer les plus grandes personnalités du baseball, etc... en vue de la saison à venir. Celui qui m'avait le plus impressionné et dont tout le monde avait tellement entendu parler au fil des ans fut Bill Veeck, ancien propriétaire des White Sox de Chicago et des Indians de Cleveland. C'était un innovateur hors pair. Il m'avait alors qualifié John McHale, président des Expos, comme un directeur d'une chorale d'enfants de choeur. J'ai constaté par la suite que Bill n'avait pas complètement tort.

Ce fut une série excitante. Les deux premiers matchs furent disputés à Detroit sous une pluie continuelle. Heureusement qu'à St. Louis il faisait beau. Détroit l'emporta en sept matchs, alors que Mickey Lolich, qui se rendait au stade en Harley Davidson, éclipsa Bob Gibson au monticule avec trois victoires. Ayoye! Le lanceur Larry Jaster, qui avait fait piètre figure pour les Cards en donnant, entre autres, un circuit avec les buts remplis dans le troisième ou quatrième match à St. Louis, fut repêché par les Expos lors de l'encan tenu à l'Hotel Windsor ,quelques semaines plus tard, pour fournir des joueurs aux deux équipes d'expansion, Montréal et San Diego. Je me disais alors intérieurement une phrase célèbre:"pardonnez leurs. Ils ne savent ce qu'ils font". Jaster n'a pas fait vieux os avec les Expos, avec une fiche de 1-6, en 1969. Mais j'ai toujours conservé un bon souvenir de lui. Il m'avait déjà offert une bière dans un bar d'un hôtel de West Palm Beach, en Floride, au camp d'entraînement. A vous de deviner si j'avais accepté sa traite ou non.

Les "Amazing Mets" de 1969

À New York, on soutient encore aujourd'hui, du moins en certains milieux, que la victoire des Mets sur les Orioles de Baltimore, largement favori en 1969, fut la Série du "siècle". Pas certain, malgré les exploits de Ron Swoboda à la "vache". Swoboda effectua un catch du tonnerre dans la cinquième partie que les Mets remportèrent en dix manches. A New York, on prétend que ce fut la plus grande surprise de l'histoire des Séries mondiales. Chacun a droit à son opinion. Swoboda, croyez-le ou non, termina sa carrière avec les Expos deux ans plus tard, en 1971. C'était l'habitude des Expos d'embaucher alors des gros noms, mais des joueurs au bout du rouleau, finis. À l'issue de cette série de 1969, mon collègue de "La Presse", Gérard Champagne, m'avait dit n'avoir jamais vu autant de balles attrapées à plat ventre au champ extérieur. Pourtant "Gerry" en avait vu bien d'autres. Donn Clendenon, qui avait commencé la saison avec les Expos avant d'être échangé aux Mets le 15 juin contre Steve Renko, avait été choisi le joueur par excellence de la série avec trois circuits et une moyenne de points mérités de 3,57.

Des exploits en Séries mondiales, on pourrait en raconter des centaines. Comment oublier le match parfait de Don Larsen des Yankees. Les circuits de "Mr October", Reggie Jackson avec les Yanlees. Le fameux catch d'Al Gionfrido des Dodgers contre les Yankees dans les années '50. Gionfrido se retrouva avec les Royaux de Montréal l'année suivante et naturellement contre son gré. Il se rapporta à reculons. Que dire du miraculeux catch de Willie Mays dans la série de 1954 contre Vic Wertz ,des Indians de Cleveland, au Polo Grounds de New York à plus de 450 pieds du marbre. Comment passer outre l'inoubliable circuit de Bill Mazeroski des Pirates dans la série de 1960 contre les Yankees, en fin de la neuvième manche dans le septième match. Au fait, qui jouait au champ gauche en fin de partie pour les Yankees cette journée-là? Comme dirait la belle Colette (Miss Météo) à TVA: "La réponse dans 30 secondes".

Expérience personnelle mémorable

1979 fut une Série mémorable pour votre humble serviteur, car je devenais le premier Canadien, Canadien-francais, Québécois, Canadien d'Amérique, Montréalais de souche, etc...etc...- comme dirait vous savez qui - à être "official scorer", marqueur officiel. J'ai bien tiré mon épingle du jeu. Les Pirates avec Tim Foli, anciennement des Expos comme joueur d'arrêt-court, l'emportèrent en sept matchs contre Baltimore, alors que Willie Stargell claqua le circuit qui assura la victoire à son club dans la septième partie à Baltimore.

Les scribes montréalais demandèrent ensuite à Willie dans le vestiaire des Pirates s'il prendrait sa retraite et ce qu'il allait faire outre retirer sa pension de vieillesse. Willie, un pince-sans-rire, répondit le plus sérieusement du monde. "Je tenterai de devenir le premier gardien de couleur dans l'histoire de la Ligue nationale de hockey." Pauvre Willie. Il n'a jamais pu réaliser son rêve, se faisant damer le pion par Grant Fuhr, des Oilers.

Ah oui, la pause commerciale est terminée. Qui patrouillait le champ gauche pour les Yankees lors du fameux circuit de Bill Mazeroski? Réponse : YOGI BERRA! Ah zut. Aurait fallu y penser.

En terminant, au sujet de la présente Série mondiale, comme bien du monde d'ailleurs, je n'aurais jamais pensé qu'on jouerait au baseball aussi tard dans l'année. Je souhaite qu'elle prenne fin avant le 8 novembre, pour ne pas perturber mon party d'anniversaire de naissance.