Anthopoulos ne tient rien pour acquis
MLB samedi, 19 sept. 2015. 20:14 jeudi, 12 déc. 2024. 12:35Vendredi soir, alors que tout souriait à ses Blue Jays qui filaient vers une victoire facile aux dépens des Red Sox dans un Rogers Centre bondé et survolté, Alex Anthopoulos semblait au-dessus de ses affaires.
Arrivé sur la galerie de presse en tenant la main de sa petite fille, le directeur général des Jays saluait tout le monde. Il souriait d’aise. Il affichait une confiance solidement assise sur les 31 victoires – la 32e s’en venait – signées par son équipe qui n’avait perdu que 10 fois depuis le 2 août. Anthopoulos semblait bien plus préoccupé par les deux bouteilles d’eau qui glissaient sous son bras que par la possibilité que son équipe échappe l’avance acquise aux dépens des Yankees en tête de la division Est de la Ligue américaine.
«Ne te fie pas aux apparences. Un directeur général est payé d’abord et avant tout pour se faire du souci. Pour craindre le pire. Et c’est ce que je fais tous les jours», a-t-il répliqué en riant lorsque je lui ai demandé s’il avait déjà placé une bouteille de champagne au frais pour célébrer le titre dans l’Est, une autre pour le championnat dans l’Américaine et une troisième, un magnum celle-là, une fois la Série Mondiale remportée.
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Non seulement Anthopoulos n’a pas mis de champagne au frais, mais il rappelle à l’ordre tous ceux qui assurent que ces titres sont dans le sac. «Il n’y a rien d’acquis. On est dans une bonne posture, j’en conviens. Mais au baseball les choses changent vite. La semaine dernière, nous avons perdu deux matchs sur trois à Boston. Par chance, on a rebondi contre les Yankees tout de suite après. Mais avec trois semaines de baseball, on doit rester concentré et conscient que rien n’est gagné», expliquait Anthopoulos qui suit les matchs des Yankees et des Royals de Kansas City avec la même attention qu’il suit ceux de son club… ou presque.
C’est pour cette raison que le jeune architecte des Jays reste dans l’ombre des succès de son équipe. Alors que les nouveaux sauveurs des Maple Leafs, Mike Babcock et son patron Lou Lamoriello, signent des autographes, prennent des photos avec les fans et profitent d’une attention réservée aux rocks stars, Anthopoulos quitte rarement le stade. Quand il sort de son bureau ou de son domicile, il le fait discrètement. «J’adore nos fans et leur enthousiasme. C’est vraiment plaisant d’être à la tête des Jays en ce moment avec tout ce qui arrive. Avec l’attention dont nous profitons à Toronto, mais aussi partout au Canada et même aux États-Unis alors qu’on relève la présence de plus en plus évidente de fans des Jays dans les gradins quand on joue sur la route. Mais je ne veux pas être obligé de toujours leur dire d’être prudents. De rester calme. Je ne veux pas être le gars qui casse le party», plaidait Anthopoulos pour justifier sa discrétion.
Les Sox gâchent la fête
Ce n’est pas Anthopoulos qui a cassé le party samedi. Ce sont les Red Sox. Alors que les partisans célébraient l’avance de 4-2 – R.A. Dickey avait lancé six bonnes manches et Edwin Encarnacion avait produit trois des quatre points avec un circuit et un simple – de leurs favoris en début de neuvième, les craintes du DG des Jays sont venues hanter son club.
Roberto Osuna a accordé un circuit de deux points à Jackie Bradley fils, Aaron Sanchez, venu remplacer Osuna, a permis à David Ortiz de donner l’avance au Sox avec un simple. Il s’est ensuite rendu coupable d’un mauvais lancer couteux (6-4) avant d’accorder un troisième point sur un simple.
Parce que les Blue Jays sont les Blue Jays, Jose Bautista a frappé un circuit de deux points après deux retraits pour relancer l’espoir. Le party a repris dans le Rogers Centre lorsque Matt Hague est passé à quelques pieds d’un circuit au champ centre. Mais avec le point égalisateur au deuxième, Justin Smoak a frappé un roulant au deuxième et c’est comme ça que ça s’est fini.
«C’est certainement décevant», a reconnu le gérant John Gibbons qui refusait de blâmer ses jeunes releveurs Osuma et Sanchez après cette première défaite lors des quatre derniers matchs des Jays.
«Nos releveurs connaissent une très bonne saison. Ils n’ont pas été chanceux aujourd’hui. Ça arrive. On ne doit pas se décourager avec le résultat d’aujourd’hui, mais simplement rebondir dès demain.
Non seulement les Jays ont perdu en échappant une avance en neuvième, mais les Yankees ont blanchi les Mets 5-0. L’avance de 4,5 matchs acquise vendredi soir est donc retombée à 3,5 en une demi-manche. Comme quoi Alex Anthopoulos a bien raison d’inviter les fans des Jays à afficher un brin de prudence. Ou deux…
Price, Revere, Tulowitzki
C’est la nature inquiète d’Alex Anthopoulos qui a mené aux coups d’éclat réalisés par les Jays à la date limite des transactions avec les acquisitions aussi surprenantes que spectaculaires de l’as lanceur David Price (Detroit), de l’arrêt-court Troy Tulowitzki (Colorado) et du voltigeur Ben Revere (Phillies).
«On avait déjà une bonne équipe. Un club qu’on aimait. On avait glissé un peu – les Jays étaient à huit matchs de la tête le 28 juillet – au classement, mais on savait qu’avec huit matchs contre les Yankees dans le dernier droit de la saison on pourrait remonter. Sauf que dès que j’ai réalisé que ces transactions étaient sur la table, je n’ai pas hésité une seconde», m’expliquait le DG des Jays vendredi.
Le reste fait partie de la petite histoire des Jays. Une petite histoire qui pourrait devenir grande si ces transactions complétées par le jeune DG de 38 ans propulsent l’équipe jusqu’aux grands honneurs pour la troisième fois de leur histoire.
Les acquisitions de Tulowitzki – il est actuellement au repos en raison d’une fracture à une omoplate résultat d’une collision avec son coéquipier Kevin Pillar – Price et Revere ont certainement fait des Jays du rang de bonne équipe à celui de club aspirant aux grands honneurs. Alex Anthopoulos avait toutefois amorcé cette transformation durant la saison morte avec les acquisitions du troisième but Josh «MVP» Donaldson (Oakland) qui a fait oublier le populaire Brett Lawrie avec une saison du tonnerre qu’il pourrait auréoler du titre de joueur le plus utile de la Ligue américaine. Rien de moins. Anthopoulos a aussi fait signer des contrats aux joueurs autonomes Justin Smoak qui avait terminé la dernière saison à Toronto et Russell Martin. Sa plus grosse prise jusqu’aux transactions réalisées à la fin du mois de juillet.
Martin : «la meilleure équipe»
Rencontré dans le vestiaire des Jays, Russell Martin retenait tant bien que mal son enthousiasme en vue des prochaines semaines. Des semaines qui pourraient être enivrantes pour les Jays et leurs partisans si les astres sont bien alignés. Malgré sa retenue, le receveur québécois a reconnu que les Jays formaient actuellement la meilleure équipe au sein de laquelle il s’est retrouvé depuis son arrivée dans les majeures il y a 10 ans.
«On n’a pas de faiblesse», a fièrement lancé Martin.
«En fait, on est fort partout. Regarde notre rotation de partant : on avait déjà un Cy Young avec R.A. (Dickey) et on en a un autre avec David Price. Tu as vu ce soir (vendredi) ce que Marcus Stroman est en mesure de faire sur la butte. Il est solide. Il est prêt. Ajoute Mark Buehrle et ça te donne une très bonne rotation. On frappe, on produit des points et on s’est beaucoup amélioré en défense. On a vraiment un très bon club. Je ne sais pas jusqu’où on va se rendre, mais je sais qu’on a l’équipe pour se rendre loin», a ajouté Russell Martin.
Les Red Sox ont refroidi les ardeurs de Russell Martin, des Jays et de leurs partisans hier. Comme ils l’avaient fait avec deux victoires lors des trois derniers duels entre les deux clubs.
Malgré le revers, les Jays affichent quand même un dossier de 32-11 depuis le 2 août dernier. Et s’ils rebondissent dimanche, les Jays maintiendront un rythme qui, n’en déplaise à Alex Anthopoulos et à la prudence qu’il affiche, devrait les assurer du premier rang dans l’Est. Peut-être du premier dans la Ligue américaine.
Après, on verra !