MONTRÉAL – Russell Martin apprécie toujours autant l’odeur du vieux Stade. Il lui arrive encore de se revoir, enfoncé dans ces vieux sièges jaunes et bleus, applaudir ses joueurs favoris, ceux qu’il rêvait d’un jour pouvoir imiter.

La nostalgie ne le lâchera probablement jamais, mais elle ne prend plus possession de ses sens comme ce fut le cas il y a deux ans, lorsqu’il était revenu à Montréal en héros avant le début de sa première saison dans l’uniforme des Blue Jays de Toronto. Avec les années, le Québécois s'est bâti une carapace.

« Le feeling change d’année en année », a concédé le vétéran receveur vendredi après-midi, quelques heures avant le premier d’une série de deux matchs préparatoires que disputeront les Jays au Stade olympique, un populaire rituel qu’il vit pour la troisième fois.

« C’est le fun d’être à la maison. Je l’apprécie encore plus parce qu’on dirait qu’à chaque fois que je reviens, je peux être encore plus relax dans mon environnement. Mais personnellement, ça fait maintenant davantage partie de ma préparation à la saison des Blue Jays, a développé Martin. J’ai une approche un peu plus – je ne dirais pas "professionnelle", mais je comprends que la saison arrive et cette perspective prend plus de place. C’est moins le fouillis, dans ma tête et autour de moi. Il y a moins de choses qui me dérangent. »

Le pragmatisme de Martin ne doit surtout pas être interprété comme de l’indifférence envers la vague qui déferle chaque printemps depuis quatre ans sur la métropole qui l’a vu grandir. Encore cette année, la visite des Jays dans l’ancien domicile des Expos devrait attirer plus de 90 000 spectateurs et ravive les débats quant au retour éventuel du baseball professionnel à Montréal.

« C’est impressionnant, ne cache pas le vétéran de onze saisons dans les majeures. Ça montre que les gens ont encore le goût de voir du baseball à Montréal. Je pense qu’il y a des nouvelles qui sont sorties dernièrement qui ajoutent un peu à l’excitation. L’année passée, on affrontait un autre club assez populaire au Canada et je crois que beaucoup de gens s’étaient déplacés des États-Unis pour la fin de semaine. Les Pirates attirent peut-être un peu moins, mais je m’attends quand même à une bonne foule. Ça montre que la ville aime le baseball. »

Martin et ses coéquipiers arrivent à Montréal chargés de grandes attentes. Encore cette année, les Jays sont vus comme des prétendants au titre de la division Est de la Ligue américaine. Le cogneur de puissance Edwin Encarnacion est parti pour Cleveland sur le marché des joueurs autonomes, une production de 42 circuits et 127 points produits qui ne se remplace pas aisément. L’enclos de relève a aussi subi quelques changements significatifs : les départs de Brett Cecil et Joaquim Benoit ont été comblés par l’embauche de J.P. Howell et Joe Smith.

Sinon, les Jays affichent plus ou moins le même visage que lors de leur élimination aux mains des Indians de Cleveland en Série de championnat, une stabilité qui plaît à Martin. 

« J’adore notre profondeur, autant dans notre rotation de partants que dans notre groupe de releveurs. En attaque, on a plus ou moins le même alignement que la saison dernière. "Eddie" est parti, c’est vrai, mais son remplaçant, Kendrys Morales, est un frappeur ambidextre qui peut donner des cauchemars aux gérants adverses. Il est un casse-tête pour tous les lanceurs. »

Une longue saison à gérer

Martin n’a rien cassé durant le camp d’entraînement. Il n’a frappé que sept coups sûrs en 38 présences au bâton pour une moyenne de ,184 pendant que les Jays compilaient une fiche de 11-18 dans la Ligue des Pamplemousses.

Même si les chiffres du camp d’entraînement doivent toujours être interprétés avec légèreté, les statistiques hivernales de Martin font remonter à la surface les souvenirs de son difficile début de saison en 2016. Il n’avait frappé que pour ,150 en avril et au 1er juin, il avait été retiré sur des prises 51 fois en 151 apparitions au bâton.

« Cette année, je commence avec une certaine fraîcheur sans vraiment penser à ce qui est arrivé l’an dernier. M’acharner sur les mauvaises choses ne m’aidera pas à m’améliorer. J’essaie plutôt de penser aux choses qui ont bien été Je me souviens de quelques séquences où ça allait vraiment bien et j’espère que ça m’aidera à commencer de la bonne façon cette année. »

Martin s’était éventuellement ressaisi pour connaître une saison plus que respectable au plan offensif. Pour une deuxième année consécutive et seulement la troisième fois de sa carrière, il a franchi le plateau des 20 circuits et des 70 points produits. Mais il a connu une dernière léthargie au mauvais moment, n’obtenant que trois coups sûrs en 33 apparitions à la plaque en séries.

Admettant que son corps était fatigué et son réservoir presqu’à sec en octobre dernier, Martin dit avoir appris des leçons de cette déception.

« Il faut que je m’occupe un peu mieux de moi pour être plus en santé et me sentir mieux à la fin de l’année, c’est aussi simple que ça. Je compare souvent la saison de baseball à un marathon. On peut faire un sprint au début, mais si je n’ai plus de jus vers la fin, les décisions que je prends derrière le marbre sont plus difficiles et la confiance est moins bonne. »

Souvenirs de Raines

Martin avait 7 ans en 1990 quand Tim Raines a disputé la dernière saison de l’apogée de sa carrière avec les Expos. Le « Rock » n’a donc pas été au cœur des rêves du petit gars qui a chaussé ses premiers crampons dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce, mais Martin en garde néanmoins un souvenir réconfortant et avait hâte d’assister à l’hommage qui devait être rendu au nouveau membre du Temple de la renommée.

« C’est un gars qui jouait avec beaucoup de cœur. Je ne dirais pas que c’est une de mes idoles, mais j’appréciais beaucoup la façon dont il jouait jour après jour. Il n’avait pas peur de salir son uniforme. Il jouait avec beaucoup de passion et c’est quelque chose que j’apprécie de cet homme. »

Raines a été l’un des meilleurs « premier frappeur » de sa génération, terminant sa carrière de 23 saisons avec une moyenne de présence sur les buts de ,385 et 808 buts volés. Si les carrières des deux hommes avaient coïncidé, il aurait été fascinant de voir si Martin, l’un des meilleurs receveurs de son époque pour pincer les voleurs de buts, aurait pu tenir Raines en laisse sur les sentiers.

« Je ne pense pas qu’il avait peur de grand-chose et surtout pas de voler des buts. Il était super rapide. Sa vitesse, c’était une grosse partie de sa game. Il volait le deuxième, il volait le troisième et je ne sais pas s’il a volé le marbre une couple de fois, mais ça ne m’étonnerait pas. Il était spectaculaire. »

« La vitesse, c’est quelque chose qu’on n’a pas vraiment au sein de notre équipe, mais c’est le fun à regarder des estrades. Et comme partisan, c’est quelque chose que j’appréciais de lui », a conclu le général des Jays. ​