MONTRÉAL - Parce qu'il connaît l'histoire de Peter McGowan, Felipe Alou se dit que les démarches entreprises par Warren Cromartie afin de ramener une équipe de baseball professionnelle à Montréal ne sont pas nécessairement destinées à devenir un coup d'épée dans l'eau.

McGowan est l'homme d'affaires qui, au début des années 1990, s'est interposé pour empêcher le propriétaire des Giants de San Francisco, Bob Lurie, de vendre l'équipe à un consortium de la Floride souhaitant la déménager à Tampa Bay.

Alou, qui à la même époque faisait ses premiers pas comme gérant dans les majeures, avait suivi l'histoire de près. Le Québec est une terre adoptive qu'il a toujours chérie, au point d'y prendre racine, mais l'ancien pilote des Expos se considère d'abord comme un Giant jusqu'à la moelle. C'est à San Francisco qu'il a commencé sa carrière de joueur, aux côtés de ses frères Jesus et Matty. Il a aussi dirigé l'équipe de 2003 à 2006 et est depuis resté associé à l'organisation dans différentes fonctions.

« Les Giants de Tampa Bay, vous vous imaginez? Je ne pouvais pas y croire », s'est-il mis à raconter dans un but bien précis, samedi, peu de temps avant de fouler la pelouse synthétique du Stade olympique pour participer à l'hommage rendu aux membres de l'édition 1994 des Expos.

« Mais quelqu'un a dit 'Non, nous n'irons pas à Tampa Bay', a enchaîné Alou. Peter McGowan a rassemblé ses hommes et il a sauvé les Giants. Son groupe était imposant. Certains de ses partenaires étaient riches, d'autres n'avaient que 50 000 $ à investir. Mais tous ensemble, ils ont voulu garder l'équipe où elle devait être et ils l'ont fait. Je possède deux bagues de la Série mondiale aujourd'hui grâce à cet homme. »

Si Alou considère McGowan comme un sauveur, il n'est pas encore prêt à coiffer l'initiateur et principal moteur du projet Projet Baseball Montréal de la même auréole.

1994 : Un groupe talentueux

« Je ne sais pas si Cromartie parviendra à faire renaître le baseball à Montréal, mais présentement, c'est lui l'homme de la situation, constate-t-il en louangeant les efforts du porte-étendard de la résurrection souhaitée des Expos. Je sais qu'il y a des gens plus puissants, dont la voix a plus de portée, mais on ne les a pas entendus encore. »

« Warren m'a surpris quand il m'a appelé chez moi pour me parler du but qu'il s'était fixé. J'avais de la difficulté à y croire, mais j'ai décidé de le suivre et de collaborer. Quelqu'un devait faire quelque chose pour que ça bouge et quand je vois ce qui se passe en ville présentement, je me dis que 'Cro' a bien fait de démarrer ce mouvement. »

« Il y a toujours de l'espoir »

L'offensive de Cromartie bénéficie du support unanime des anciens qui ont accepté son invitation pour souligner les 20 ans de la gloire inachevée de la fabuleuse équipe qui faisait vibrer le Stade olympique en 1994.

« Il fait un boulot formidable, vante l'ancien entraîneur des lanceurs Joe Kerrigan. Il a commencé à partir de rien et travaille d'arrache-pied en coulisses. Je l'admire pour ce qu'il accomplit présentement et bien que ça demeure une opinion bien personnelle, je crois en son projet. »

« C'est maintenant que ça doit se passer, renchérit Kerrigan sur un ton réaliste. À Oakland et Tampa Bay, les projets de construction d'un nouveau stade sont dans une impasse. Quelqu'un doit lever la main et dire 'Hey! Ici, nous sommes prêts.' La porte est présentement grande ouverte et je crois que le plus gros de l'effort doit survenir dans les deux ou trois prochaines années. Et j'espère que ce sera le cas. »

« L'élan est encourageant et la dernière chose dont on a besoin, ce sont des ondes négatives. Un rêve? Ce n'est certainement pas la façon dont on doit envisager le projet, tranche Larry Walker. Il faut poursuivre dans la voie qui est tracée. Présentement, le retour du baseball est vu comme une possibilité et il n'y a aucune raison pour que l'engouement ne continue pas d'augmenter.

« Il y a toujours de l'espoir. Quand l'espoir disparaît, il n'y a plus d'humanité », philosophe l'ancien stoppeur John Wetteland avec la même assurance qui caractérisait ses présences au monticule.

« On peut intellectualiser le retour du baseball à Montréal tant qu'on le veut. Les pessimistes pourront dire ce qu'ils veulent à propos de l'argent, d'un stade et de tous les obstacles qui se dressent devant la réalisation d'un projet d'une telle envergure. Et ils n'ont pas nécessairement tort. Mais tout au long de ma vie, j'ai constaté le pouvoir de la passion. En tant qu'enseignant, je ne jette jamais l'éponge devant un jeune qui est passionné. C'est la même chose ici. Quand je vois ce que j'ai vu ici en fin de semaine, c'est impossible de jeter l'éponge. »

L'enthousiasme de ses anciens compagnons fait sourire Felipe Alou. À la barre des Expos, le vieux renard était maître dans l'art de passer son message. À 78 ans, il en a un dernier à soumettre à qui voudra bien l'entendre.

« Je ne veux pas mourir avant de voir le retour du baseball dans cette ville. »