Que des souvenirs! Voilà tout ce qui reste à compter de maintenant, des souvenirs... Quelques-uns sont douloureux, quelques-uns sont frustrants, d'autres font rager. Mais globalement, l'histoire des Expos nous laissera surtout de bien belles images, de bien belles sensations.

En fait mes amis, je me corrige tout de suite. Les souvenirs en question ont commencé à exister il y a 10 ans, pas seulement depuis quelques heures. La mort des Expos, lente, interminable, ayant commencé à l'été de 1994, voilà donc maintenant une éternité que l'on prépare l'album souvenir!

Le mien commence au tout début, en 1969. Je ne sais combien de fois je suis allé m'asseoir tout seul, avec ma boîte à lunch, dans le fameux "Jonesville" du champs gauche du parc Jarry. Les sièges d'aluminium, sans dossiers, étaient plutôt inconfortables, mais on ne finissait qu'à s'en rendre compte qu'après la 8e manche d'un programme double... et encore! Il y avait tellement de magie dans cette section à un $1 qu'on aurait pu y rester debout des heures et des heures sans se plaindre.

Au fil des pages, qui défileront les unes après les autres de façon chronologique, il y aura une place de choix pour les Staub, Laboy, Bailey, Boccabella, Stoneman, Renko, Morton, de la première heure, mais aussi pour quelques vénérables joueurs de la difficile "phase 2", comme Woodie Fryman et Pepe Mangual.

Puis, on basculera vers cette formidable équipe de "bum" qui n'aura finalement jamais rien gagné, mais qui avait tellement de talent et de charisme. Comme plusieurs d'entre vous, j'étais dans le stade, au niveau 500, un vendredi soir d'automne 1981, quand Jerry White a frappé son fameux circuit victorieux. J'étais rivé au téléviseur de la salle des nouvelles de CKVL quand Steve Rogers a accordé celui à Rick Monday trois jours plus tard. Mais, étrangement, je garderai particulièrement de cette époque, des souvenirs merveilleux du lanceur Bill Lee. Je n'oublierai jamais la performance époustouflante de Lee, un certain soir d'août 1979, alors que les Expos avaient besoin absolument d'une victoire pour rester dans la lutte. Ce dernier avait passé la soirée à lancer de merveilleuses "balounes" toutes plus lentes les unes que les autres, des courbes, des tombantes, des dormantes! Il fallait voir les puissants frappeurs des Pirates de Pittsburgh passer la soirée à tenter de toucher aux balles de Lee... De toute beauté! Puis, pour changer le tempo entre deux lancers et pour faire monter la vapeur à la tête des frappeurs des Pirates, Lee chassait les moustiques (réels ou imaginaires) qui lui tournaient autour de la tête, au monticule! Du vrai bonbon! Plusieurs années plus tard, j'ai eu le bonheur de jouer une ronde de golf complète avec Lee et j'ai eu non seulement la preuve qu'il avait une personnalité unique, mais qu'il était aussi doté d'une très grande intelligence. Que de beaux moments à mettre dans l'album...

Plus tard au cours de la décennie '80, on fera une place de choix à Buck Rodgers, un gérant extrêmement populaire et charismatique. Rodgers n'a peut-être pas eu la chance de diriger une équipe au talent brut aussi relevé que son prédécesseur mais il a quand même mené les Expos à une saison de 91 victoires en 1987 avec les Galarraga, Brooks, Smith et un certain Dennis Martinez, arrivé des Orioles de Baltimore l'année précédente et qui donna 6 saisons consécutives de plus de 200 manches aux Expos et qui marqua l'histoire de l'équipe avec un match parfait!

Puis, de façon ultime, il y aura chaque étape de la construction de cette merveilleuse machine de 1994. Dirigée par un homme qui avait la ville à ses pieds, Felipe Alou, cette édition des Expos s'inscrira tout simplement comme l'une des plus belles équipes de l'ère moderne du baseball. Elle était jeune, sérieuse, inspirée, sans failles et surtout, elle ne coûtait pas cher. C'est d'ailleurs cette dernière caractéristique qui justifiera la place que nous laisserons à Donald Fehr, le directeur-exécutif de l'Association des Joueurs, à l'une des dernières pages de notre album. Car jusqu'à mon dernier souffle, je demeurerai convaincu que Fehr a précipité le mouvement de grève des joueurs, en août 1994, parce qu'il ne voulait pas voir une équipe d'un petit marché (canadien par surcroît) avec une aussi petite liste de paie gagner la série mondiale! S'il laissait faire cela, alors qu'il avait un droit de grève légitime entre les mains, tout le portrait économique du baseball aurait pu être bouleversé. Car qui sait, même un George Steinbrenner aurait pu se laisser tenter par une approche comme celle des Expos, plus saine sur le plan financier, privilégiant la construction par la base, par le développement des joueurs, etc.

Pour la forme, on gardera une page pour un montage de photos question de ne pas oublier les Pedro Martinez, Vladimir Guerrero et Ugueth Urbina. Mais sans rien leur enlever, les souvenirs qu'ils évoquent sont surtout reliés aux innombrables ventes de feu qui ont marqué l'histoire des Expos, à compter de 1995 et à ce titre, il est préférable de ne pas trop s'y arrêter.

Car c'est bel et bien il y a 10 ans que les Expos ont été condamnés à mort. Qu'ils aient survécu pendant cette période tient presque du miracle. On a fait semblant d'y croire, de temps en temps, mais l'issue éventuelle était connue de tous.

Vaut mieux, dans ces circonstances, s'arrêter là où l'image de "Nos Amours" est la plus belle de toutes...