La première fois que j’ai entendu le nom d’Olivier Hanlan, c’était en décembre 2012. On diffusait des matchs de la NCAA à l’époque et mon collègue Alexandre Tourigny m’avait fait part de l’existence d’un Québécois d’exception à Boston College. Il s’agissait d’un jeune homme âgé de 19 ans, natif d’Aylmer, qui avait terminé ses études secondaires au New Hampshire. On ne savait pas grand-chose sur lui, autre qu’il avait le physique idéal pour un meneur de jeu (6 pieds 4 pouces et costaud) ainsi qu’un talent brut assez évident. Il avait déjà mérité sa place sur le 5 partant d’une équipe assez médiocre, mais qui évoluait dans une des associations les plus redoutables aux États-Unis (l’Atlantic Coast Conference). Il allait donc avoir la chance d’affronter des programmes de la trempe de North Carolina, Virginia et Duke dès sa première saison universitaire. Décidément, le jeune homme allait mériter qu’on surveille sa carrière d’un œil attentif.

Le 14 mars, à la fin de sa première saison, il a marqué pas moins de 41 points contre Georgia Tech, en route vers le titre de recrue par excellence de la ligue! En 2013-2014, malgré une saison à nouveau difficile sur le plan collectif dans l’uniforme de BC, Hanlan fit grimper sa moyenne à 18,5 points par rencontre. À sa troisième et dernière campagne universitaire, il récoltait 22 points à Duke, 30 face au Tar Heels de North Carolina et 39 à Pittsburgh. Soudainement, on ne parlait plus d’Olivier Hanlan : joueur québécois qui se démarque chez nos voisins du Sud. On faisait état d’Olivier Hanlan : légitime espoir de la NBA.

Mais comme dans tout bon récit captivant, le protagoniste doit surmonter des embûches et franchir des obstacles de taille afin d’accéder à ses rêves les plus fous. Y accéder sans souffrance serait trop simple. Ennuyeux, même. C’est donc à la conclusion de sa carrière amateur, en mars 2015, que le conte mettant en vedette Olivier Hanlan devint particulièrement prenant.

Il a soumis d’abord sa candidature pour le repêchage NBA de 2015. Les avis à son égard étaient mitigés. Certains adoraient son gabarit, son style physique, son sens du jeu et sa passion pour le sport. D’autres dépisteurs doutaient de son explosivité chez les pros et croyaient que son tir de l’extérieur manquait de poli et de régularité. Bref, on se doutait qu’il allait être sélectionné. Mais il restait à savoir à quel rang.

Malheureusement pour lui, son nom fut le 42e appelé en ce 25 juin 2015 à Brooklyn. Je dis que c’est malheureux, mais je ne voudrais surtout pas donner l’impression qu’il s’agissait d’une réelle déception. C’est important de mettre le tout dans le bon contexte. Seulement 60 joueurs, provenant des quatre coins de la planète, ont le privilège d’être choisis par la meilleure ligue du monde chaque année. Qu’Olivier ait fait partie du lot représente un énorme exploit en soi. D’ailleurs, la liste non officielle de basketteurs nés au Québec ayant été repêchés par la NBA est plutôt courte à ce jour (merci à mon collègue Peter Yannopoulos pour son aide) :

Ernie Vandeweghe    1949    3e ronde    Knicks de New York
Stewart Granger    1983    1re ronde    Cavs de Cleveland
Ron Crevier        1983    4e ronde    Bulls de Chicago
Bill Wennington    1985    1re ronde    Mavericks de Dallas
Kris Joseph        2012    2e ronde    Celtics de Boston
Olivier Hanlan        2015    2e ronde    Jazz de Utah

Mais la différence de nos jours entre les 30 premiers choix et les 30 derniers s’avère énorme. Les sélections de premier tour se méritent automatiquement un contrat garanti d’au moins trois saisons alors que rien n’est promis aux choix de deuxième tour. De plus, le statut accordé à un premier choix est tel qu’on fera des pieds et des mains pour le développer et lui trouver du temps de jeu.

La morale : Hanlan allait devoir redoubler d’effort et prouver sa valeur à la dure pour mettre les pieds un jour sur un terrain de la NBA. Et c’est à ce moment qu’à vraiment débuté l’odyssée basket de notre ami québécois. Où était-il rendu? Comment proche (ou loin) était-il d’atteindre son rêve ultime? Je me posais ces questions, il y a environ un mois, et j’ai décidé d’aller à la source pour obtenir des réponses (ainsi qu’un récit fascinant). J’ai réussi à rejoindre Olivier au Texas où sa carrière se poursuit actuellement. Je suis tombé sur un individu très terre à terre, mais plus que jamais motivé à atteindre les plus hauts sommets. Voici ce qu’il avait à raconter :

Que retiens-tu de tes trois saisons à Boston College ?

C’était positif comme expérience. J’aurais aimé qu’on connaisse plus de succès sur le plan collectif, mais j’ai eu la chance de m’améliorer grandement sur le plan individuel. Certains matchs me resteront toujours en mémoire. Comme celui à Syracuse (le 19 février 2014) où on avait affronté, et vaincus en prolongation, les hommes de Jim Boeheim qui étaient à ce moment invaincus et classés no 1 au pays. Le match se jouait au célèbre Carrier Dome en plus. J’avais marqué 20 points. On avait fait parler de nous ce soir-là. C’était magique!

Quand tu as été choisi en deuxième ronde par Utah en 2015, étais-tu confiant de te tailler un poste immédiatement dans la NBA? Ou te doutais-tu que tu aurais à faire tes preuves?

Vu mon rang de sélection, je m’attendais à devoir faire mes preuves ailleurs afin de mériter ma place. D’autant plus que le Jazz avait déjà plusieurs bons jeunes à la même position que moi. En parlant avec d’autres joueurs qui étaient déjà passés par là, j’ai réalisé à quel point les avenues pour accéder à la NBA étaient infinies. Ça peut prendre jusqu’à 5 ou 6 ans, en passant par l’Amérique ou l’Europe. Il faut tracer son propre chemin.

Récapitule pour nous ton parcours depuis 2015 si possible. Ta première destination fut la Lituanie?

J’ai bel et bien commencé avec un club du nom de Zalgiris au centre de la Lituanie. L’équipe jouait en EuroLeague et le calibre était très fort. J’étais un des plus jeunes dans le groupe et ma courbe d’apprentissage a été plutôt abrupte. C’était très formateur et complètement différent de la NCAA. Surtout sur le plan physique, alors que j’affrontais soudainement des hommes.

Et sur le plan culturel? Tu devais te sentir loin de la maison?

C’était effectivement un choc au départ! Tu réalises rapidement que tu n’es pas en France ou en Espagne et que les barrières culturelles sont fortes. Mais je me souviendrai surtout de la passion ardente des Lituaniens pour le basket en général. C’est leur sport national et ça paraît. Je ne m’attendais pas à ça. Les matchs étaient souvent joués à guichets fermés et l’ambiance était folle. Les Nord-Américains aiment le basket, mais les Lituaniens traitent ça comme une religion. En tant que joueur étranger, tu dois leur démontrer rapidement ta passion et ton intensité. Sinon, ils ne t’aimeront pas.

Et tes coéquipiers t’acceptaient?

Oui, mais les joueurs et les entraîneurs locaux se gardent tous une petite gêne devant les « outsiders » venus de l’Amérique. Les places de joueurs étrangers sont limitées et tu sens immédiatement la pression de devoir livrer la marchandise. Sinon, ton séjour sera court.

Tu as justement quitté la Lituanie après une seule saison pour te rendre en France. Ça s’est déroulé comment?

Les contrats de joueurs étrangers en Europe sont généralement d’une seule saison. J’étais en bons termes avec les dirigeants de Zalgiris, mais on s’est mutuellement entendus que je quitterais pour vivre un autre défi. J’ai reçu une offre de l’équipe de Le Mans et j’ai saisi la chance. Le calibre de la ligue française était un peu moins fort, mais le style de jeu me convenait davantage. Les transitions offensives étaient plus fréquentes. Ça ressemblait davantage à ce que j’avais vécu à BC et je m’y sentais plus à l’aise. Sans compter le niveau de communication avec mes entraîneurs et coéquipiers qui devenait beaucoup plus simple.

Et on apprenait il y a quelques mois ton retour en Amérique dans l’uniforme des Spurs d’Austin dans la G-League. Pourquoi as-tu choisi de revenir aux États-Unis?

J’avais été invité par les Spurs à évoluer dans leur équipe de la « Summer League » et j’ai beaucoup aimé l’expérience. Ils m’ont ensuite offert de poursuivre avec l’équipe d’Austin, à 75 minutes de route de San Antonio, et j’ai accepté l’offre. La G-League sert de portail le plus direct et logique vers la NBA. Les dépisteurs NBA peuvent voir nos matchs beaucoup plus facilement qu’en Europe. Et je ne détestais pas l’idée de me rapprocher de ma famille et mes amis.

Ton but ultime demeure d’accéder à la NBA dès que possible?

Tout à fait. Les saisons en Amérique sont plus longues et les calendriers sont plus chargés.  En Europe, je jouais un match ou deux par semaine. Ici, ça varie entre 3 et 5 rencontres tous les sept jours. Certains trouvent ça ardu, mais moi j’adore! Ça signifie que j’ai plus de chances de m’améliorer et c’est tout ce que je demande. Je suis un passionné de basket dans l’âme. Si je connais un mauvais match, je compte les heures avant de pouvoir me reprendre le lendemain.

As-tu une chance d’être rappelé par les Spurs s’ils ont quelques blessés et que tu joues bien à Austin?

Pas nécessairement, parce que je ne suis pas sous contrat avec eux. Je suis embauché par Austin, mais je suis un genre de joueur autonome aux yeux de la NBA. N’importe quel club intéressé pourrait m’offrir une chance. Je tente de maximiser ma visibilité aux yeux des dépisteurs, de m’améliorer chaque jour et de profiter de la chance qui se présente. Ensuite, c’est hors de mon contrôle et ce sera à mon agent d’examiner les options.

Comment comparerais-tu Olivier Hanlan version 2015 à Olivier Hanlan aujourd’hui?

C’est le jour et la nuit je crois. Je suis en mesure de mieux lire les situations de jeu et de prendre de meilleures décisions avec le ballon. À l’université, je pouvais me démarquer avec mes aptitudes physiques. Chez les pros, c’est insuffisant. J’ai acquis beaucoup de maturité depuis deux ans et demi à force de jouer avec des hommes. Je suis devenu un professionnel.

En terminant, je te pose la question suivante : dans ton esprit, es-tu un joueur NBA? Est-ce une question de temps avant qu’on t’offre ta chance?

Définitivement! Je crois que ça va arriver bientôt. Chacun doit paver sa propre voie et y arriver à sa façon. Je travaille fort tous les jours. Mon niveau de confiance est très élevé et je crois qu’une porte va s’ouvrir prochainement.

Merci Olivier et bonne chance pour la suite! Les mordus de basket du Québec te surveilleront avec intérêt.