La situation difficile que vivent les Canadiens de Montréal actuellement nous rappelle comment il est difficile de gagner dans le sport professionnel. Approximativement 30 équipes se battent dans chacune des quatre grandes ligues en Amérique du Nord pour atteindre l’objectif suprême de gagner le titre. Seulement une y parvient chaque année! La parité est omniprésente et une très mince différence existe entre le champion d’une ligue et les aspirants. 

Imaginez donc la fiche de 9-0 des Canadiens en début de saison comparée à une fiche de 4-15-1 depuis le 3 décembre. Presque le meilleur début de saison de l’histoire de la LNH face maintenant à la pire léthargie du club en 70 ans! Mais considérons également le fait qu’ils n’ont participé qu’à deux finales d’association depuis la coupe Stanley gagnée en 1993. Parmi les six équipes originales, les Maple Leafs n’ont pas remporté la coupe Stanley depuis 1967, les Canadiens depuis 1993 et les Rangers de New York depuis 1994. Et quand les Blackhawks ont remporté la coupe en 2010, ils mettaient fin à une disette de 49 ans. Les Bruins, quant à eux, ont gagné la coupe en 2011 après 39 ans d’insuccès. Oh que c’est difficile de gagner!

Mis à part la grande passion que le public au Québec possède pour les Canadiens, si on prend un peu de recul pour bien regarder autour de nous dans l’industrie du sport, on peut davantage apprécier la dure réalité du sport professionnel. Parce que la compétition est tellement intense et que toutes les équipes sont déterminées à gagner.

Lundi soir

Ce qui m’amène à transiter vers la NBA et vous rappeler l'affrontement titanesque du lundi 25 janvier prochain à Oakland entre les Spurs de San Antonio (38-6) et les Warriors de Golden State (40-4), les deux équipes avec le début de saison le plus dominant depuis l’ère des Bulls de Chicago de Michael Jordan dans les années 1990. 

La première rencontre entre ces deux géants est le match le plus attendu de l'année dans la NBA. Les Warriors sont les champions en titre de la ligue, menés par le phénoménal Stephen Curry. Ils ont une fiche de 20-0 à domicile et ont subi leur premier revers de la saison le 12 décembre après une séquence de 24-0. Les Spurs ont remporté leurs 13 derniers matchs et ont une fiche de 24-0 à San Antonio. 

Spurs : l’exception

Mais lorsqu’on parle des défis d’une franchise de sport professionnel et de la parité dans le sport, avec les cycles de périodes autant creuses que productives pour une équipe au fil des ans, on ne peut trouver un meilleur exemple que les Spurs de San Antonio pour nous contredire.

Peu en sont conscients au Québec et au Canada, mais les Spurs de San Antonio représentent sans contredit le modèle des franchises de sport sur le continent. Ils sont l’équipe la plus performante du sport professionnel en Amérique du Nord depuis 17 ans. Ils symbolisent l’excellence silencieuse de la génération actuelle du sport.

Gregg PopovichDepuis la saison 1998-1999, les Spurs ont remporté cinq championnats. Les Celtics de Boston, malgré leurs 17 championnats dans leur histoire et une séquence de 11 titres en 13 ans entre 1956 et 1969, n’ont qu’un seul titre (2007-2008) depuis la saison 1985-1986. Les célèbres Lakers de Los Angeles ont 16 titres de champions NBA et également cinq championnats remportés depuis 1999, mais leur fiche de 9-36 cette saison et celles de 21-61 l’an dernier et 27-55 en 2013-2014 témoignent de leur profonde léthargie actuelle.  

De leur côté, les Spurs se rebâtissent de saison en saison et continue de gagner à un rythme impressionnant. Les Spurs sont la franchise professionnelle la mieux gérée de tous les sports, et ce, pour plusieurs raisons. Stabilité, gestion efficace, générosité, engagement communautaire et développement des joueurs sont les principales raisons. Le propriétaire est Peter Holt, un homme d’affaires qui a grandi au Texas, qui est décoré de la guerre du Vietnam et qui est un grand philanthrope communautaire dans la région de San Antonio depuis qu’il a acheté l’équipe en 1996. Il est lui-même détenteur de billets de saison des Spurs depuis 1988. Son directeur général est R.C. Buford, en poste depuis 2002, mais avec l’organisation depuis 24 ans. C’est un homme patient, un dépisteur extraordinaire et un gestionnaire hors pair qui fut promu en 2008 comme président des quatre franchises de sports détenues par M. Holt. Finalement, l’entraîneur des Spurs est le célèbre Gregg Popovich, aux commandes depuis 20 ans. Il est l’entraîneur avec le plus d’ancienneté avec une seule équipe de tous les sports professionnels nord-américains, soit la NBA, la NFL, la MLB et la LNH. 

Tenant compte de plusieurs critères d’affaires du sport tels que le personnel de joueurs, l’expérience des partisans dans l’aréna, la mise en marché, le propriétaire, etc., les Spurs furent nommés la meilleure franchise du sport en 2003, 2005, 2014 et 2015 par le magazine ESPN, en plus d’être choisis à huit occasions comme la meilleure franchise de la NBA durant cette même période. Leur fiche de 1005-423 (taux d’efficacité de ,704) depuis l’arrivée de leur joueur étoile Tim Duncan est la meilleure des quatre grandes ligues depuis 18 ans. 

Continuité et stabilité

Avant toute chose, le succès des Spurs s'explique par la stabilité de la direction basketball et du personnel d'entraîneurs. Popovich a mené les Spurs à 18 saisons avec des fiches gagnantes et fait partie d'un club sélect d'entraîneurs ayant remporté plus de 1000 victoires. On retrouve aussi son nom sur une liste exclusive d’entraîneurs légendaires gagnants de cinq championnats de la NBA et plus avec Phil Jackson, Pat Riley, Red Auerbach et John Kundla.

San Antonio est aussi l'organisation qui réussit le mieux à dépister, développer et surtout conserver ses joueurs. Son succès s'explique par la qualité de son repêchage et son concept d'équipe. Comme fondation, le « Big Three », composé de Tim Duncan, Tony Parker et Manu Ginobili, sont ensemble depuis 13 ans. Ils ont surpassé le 1er novembre dernier le record de victoires pour un trio de joueurs de la même équipe dans l’histoire de la NBA. Ils ont accumulé plus de 541 victoires ensemble, surpassant la fiche de Larry Bird, Kevin McHale et Robert Parish des Celtics des années 1980. Les Spurs n’hésitent pas non plus à dépister le meilleur talent au monde, loin des États-Unis, pour identifier des joueurs comme Parker de la France, Ginobili de l’Argentine, Patty Mills de l’Australie, Boris Diaw de la France et Boban Marjanovic de la Serbie. 

L’arrivée de Tim Duncan

Tim Duncan fut le premier choix de l'équipe et de la NBA en 1997 et est le cœur de la formation depuis. Maintenant à sa 18e saison, avec 5 titres et 15 sélections comme joueur étoile de la NBA, Duncan sera un choix unanime pour le Temple de la renommée du basketball dès son admissibilité. Il symbolise le joueur d’équipe par excellence. Par exemple, Duncan a mérité des salaires de 19, 22 et 21 millions de dollars entre 2007 et 2009, mais lors des deux dernières négociations de contrat, il a préféré réduire son salaire pour permettre plus de flexibilité à son DG, R.C. Buford, pour attirer les meilleurs joueurs et gagner d’autres championnats. Il a signé un contrat de trois ans pour une moyenne de 10 millions de dollars par saison en 2012 alors qu’il aurait pu recevoir une offre de plus de 20 millions d’un autre club. Et son contrat signé l’an dernier pour deux ans ne vaut que 5,4 millions par saison. À la veille d’une retraite prochaine, et sans égoïsme, Duncan a également laissé beaucoup de place pour le jeune Kawhi Leonard, repêché par les Pacers de l'Indiana en 2011, mais échangé aux Spurs le jour même. Leonard est une vedette montante de la NBA qui bénéficie depuis quelques années de la présence de Duncan autour de lui. Élu meilleur joueur défensif de la NBA en 2014-2015, Leonard est le seul joueur de la ligue pouvant défendre efficacement LeBron James des Cavaliers. Lorsque les Spurs ont affronté le Heat de Miami de LeBron James en finale en 2013 et 2014, les Spurs pouvaient contrer James et le Heat grâce à Kawhi Leonard. 

L’équipe avant tout

C’est le concept d'équipe poussé à l'extrême. Menés de main de maître par Popovich depuis 1996, rien n'est fait dans l'environnement des Spurs sans que le tout soit décortiqué, analysé et implanté en rapport avec cette quasi-religion du concept d'équipe. Rien n'est fait à la légère. Aucun laissez-passer n'est donné par les entraîneurs ou attendu par les leaders de l'équipe. C'est la vieille maxime du « un pour tous et tous pour un » de nos célèbres mousquetaires. Par exemple, les joueurs les plus importants se voient forcés de prendre des congés occasionnels durant la saison pour ainsi s’assurer d’être frais et dispo pour les séries éliminatoires, mais aussi pour permettre aux jeunes talents d'obtenir des opportunités de performer et de se développer.

Le résultat de tous ces succès a fait des Spurs de San Antonio la franchise de sport modèle dans le monde. Avec la popularité de la NBA sur la planète, les Spurs sont maintenant mondialement reconnus. Mondialement, mais aussi toujours aussi silencieusement.