« Puis Mathieu, les Raptors ont-ils une chance contre LeBron ? »

Voilà la question qui m’a été posée à répétition par amis et collègues en début de semaine, à l’aube de la série Toronto/Cleveland. Et ma réponse à tous ces gens, aussi plate soit-elle : « Non. » Je voyais mal comment ils arriveraient à arracher plus d’un match aux Cavs durant ce quatre de sept. Et mon point de vue n’a pas changé après les deux premiers chapitres du récit.

Loin de moi de vouloir être défaitiste et encore plus loin de moi de vouloir dénigrer le superbe parcours des représentants du mouvement We the North en séries 2016, mais ils ne disposent tout simplement pas des outils pour venir à bout de la superpuissance de l’Est au cours de la prochaine semaine. Si vous m’aviez posé la question en février dernier, peu de temps après le congédiement de David Blatt, alors que Cleveland se cherchait une identité et une chimie d’équipe (le nom de Kevin Love émergeait souvent dans les rumeurs d’échange), mes prévisions auraient sans doute été différentes.

Mais Tyronn Lue (l’entraîneur-chef sans expérience qui est venu remplacer Blatt) aura su rallier les troupes à temps, tout en faisant revenir le sourire sur les lèvres du roi LeBron. Ce dernier aura d’ailleurs goûté la défaite une seule fois depuis la fin mars tout en bénéficiant de plusieurs jours de repos fort utiles.

Bref, les Cavs ont plus de profondeur, plus d’équilibre offensif, plus d’expérience et sont beaucoup plus reposés que les Raptors (avec six matchs de moins dans les jambes à ce stade des séries). En 2015, rappelez-vous que King James avait eu à tout faire seul en l’absence de Kevin Love pendant toutes les séries et Kyrie Irving pendant 7 des 10 derniers matchs. Cette année, tout le monde maintient la forme et ils ont remporté chacun de leurs 10 matchs par une marge moyenne de 14 points.

Lors du premier duel, l’absence d’énergie et de temps de préparation de Toronto sautait aux yeux. La stratégie de limiter l’espace de manœuvre des Cavs autour de la ligne de trois points était compréhensible (eux qui sont en feu du centre-ville en séries)…mais si la défensive ne s’aide pas et perd son allure compacte, ça donne les résultats catastrophiques que l’on a vu. Ils manquaient visiblement d’entrain et permettaient beaucoup trop de dunks et de tirs en foulée. D’ailleurs, si vous cherchez à connaître le niveau d’engagement de LeBron durant un match, je vous invite à consulter sa charte de tirs en première demie. Quand il attaque le panier à répétition comme il l’a fait mardi, il donne le ton au match et ses coéquipiers emboitent le pas. Quand il se contente de tirer de 15 pieds ou plus, ça change l’allure de la soirée. Le LeBron des dernières semaines semble aussi motivé que jamais, au grand dam des partisans des Raptors. Bref, ce fut une défaite par 31 points qui frôlait l’humiliation mardi pour nos dinos canadiens et laissait présager peu de positif à l’horizon. Ils ont tout de même tenté de nous rappeler après le match, avec une certaine justesse, qu’une défaite par 1 point ou 31 points, ça revient au même en bout du compte.

Le deuxième match a beaucoup mieux débuté pour Toronto à plusieurs niveaux : Biyombo était d’attaque dans la clé, Ross et Joseph offraient un peu de punch offensif en provenance du banc et DeRozan paraissait serein et fluide du périmètre. Mais ultimement, deux problèmes majeurs ont causé leur perte :

1) L’inefficacité totale de Kyle Lowry, qui n’arrivait ni à s’établir du périmètre ni à protéger le ballon. Quand ton meneur de jeu termine le match avec plus de revirements (5) que de tirs réussis (4), tu sais d’emblée que la soirée sera pénible.

2) Un effort défensif louable mais solidement inefficace. Les Cavs avaient des solutions offensives à tout et n’avaient pas à se surpasser pour trouver le fond du panier. Le 5 partant des Cavs a terminé le match #2 avec 89 points. Celui des Raptors : 48 points.

Pour moi, peu importe l’issu de la confrontation en cours, le parcours des Raptors en séries 2016 sera qualifié de réussite historique. Il s’agit d’un gigantesque pas vers l’avant pour une organisation patiente, méthodique et astucieuse depuis quelques années. Ne perdons surtout pas de vue qu’ils ont atteint le carré d’as en 2016 avec la 24e plus haute masse salariale du circuit, dépensant 37 millions de moins que Cleveland ! A défaut de pouvoir attirer les agents libres les plus convoités dans la ville reine, le DG Masai Ujiri aura surtout établi ses fondations sur des choix au repêchage et des transactions sous-estimées.

Chapeau également à Dwane Casey pour avoir mené de main de maître un noyau jeune et inexpérimenté. Les deux victoires obtenues lors de matchs sans lendemain face aux Pacers et au Heat seront d’une valeur inestimable pour la suite des choses. Maintenant, il leur manque assurément un ailier de puissance capable de marquer entre 18 et 20 points par rencontre avec régularité s’ils souhaitent détrôner les Cavaliers lors des prochaines années. Ils dépendent beaucoup trop du brio offensif de Kyle Lowry et Demar DeRozan. Dès qu’un des deux connait une soirée difficile, la montagne devient soudainement très ardue à escalader.

Entre-temps, je souhaite que le mouvement We the North garde la tête haute en vue du retour à la maison samedi soir. En y allant une possession à la fois, un quart à la fois, on ne sait jamais ce qui peut arriver au basket. On aura déjà vu des revirements de situation plus fous que ça, ou presque…