La question a été débattue des centaines de fois, sur à peu près toutes les tribunes, depuis quelques semaines. Comment peut-on expliquer les problèmes du Canadien à domicile?

Je ne prétends pas détenir la science infuse, mais j'ai ma propre hypothèse sur le sujet. Selon moi, le Canadien est victime de son manque d'expérience collectif. Jamais, au cours de ma carrière d'entraîneur, je n'ai fait face au problème auquel est confronté Guy Carbonneau présentement et selon moi, c'est parce que je n'ai jamais dirigé une équipe aussi jeune que celle qu'il a sous la main.

Un vétéran aguerri, qui joue depuis longtemps dans la Ligue nationale, a une façon bien particulière de se préparer pour un match à la maison. Carbo le sait très bien et c'est ce qu'il veut dire quand il parle des nombreuses distractions auxquelles sont confrontés ses joueurs à Montréal. Il sait que les jeunes n'ont pas la même approche à ce stade de leur carrière. À l'étranger, le Canadien joue sans pression, les gars n'ont pas peur de faire des erreurs. C'est un signe qui ne ment pas. Le Tricolore forme l'une des plus jeunes équipes du circuit Bettman. Il faut donc s'attendre à ce qu'elle rencontre ce genre de problème.

Ça n'empêche probablement pas le coach de se poser un paquet de questions. Je ferais la même chose à sa place, mais il faut surtout se dire que ça va se replacer. Il faut aussi se rendre compte qu'une équipe qui connaît autant de succès sur la route ne doit pas être si mauvaise que certains peuvent le croire. Pour l'instant, la chose la plus simple que peut faire Carbo c'est d'insister auprès de ses joueurs pour qu'ils apportent la même énergie et la même passion d'un aréna à l'autre.

Le problème serait-il de la même ampleur si une équipe qui évolue, disons à Tampa Bay, y était confrontée? Évidemment pas. À Montréal, les gens ont été habitués à encourager des équipes gagnantes. Souvent, ils ne voyaient pas dix défaites par année à Montréal. Hey! Ils ne voyaient même pas dix défaites dans une saison complète! Les temps ont bien changé, mais les exigences des partisans sont toujours aussi élevées.

Ça va se compliquer à l'étranger

Le Canadien en a impressionné plus d'un, mois le premier, en allant chercher une victoire qu'on peut presque qualifier de facile à Philadelphie. Cela dit, je suis impressionné, mais j'émets quand même des réserves. Une victoire se prend toujours bien, donc on va prendre celle-là avec un grand sourire, mais ce n'est qu'un match.

Le Canadien fera face à une séquence difficile dans les dernières semaines de l'année 2007 et j'ai hâte de voir comment il va répondre. Il ne faut pas s'emporter, parce qu'il y a encore beaucoup de travail à faire. C'est bien de se réjouir des succès de l'équipe à l'étranger, mais il faut s'attendre à ce que ce soit encore plus difficile d'aller gagner sur la route dans les prochains mois. En deuxième moitié de saison, les équipes sont toujours mieux préparées à domicile. La pression monte, on commence à parler de match de quatre points…

Il y a toutefois une conclusion que même les plus pessimistes peuvent tirer du match à Philadelphie. Quand cette bande de joueurs se décide à jouer ensemble et que tout le monde pousse dans la même direction, alors là tout est possible.

Un A pour Sergei, un F pour Michael

Un autre point positif à retenir de cette victoire contre les Flyers, c'est le rendement du jeune Sergei Kostitsyn, qui disputait son premier match dans la LNH. Encore une fois, ce n'est qu'une rencontre, mais il a bien fait, très bien fait. Est-il le joueur que le Canadien cherche pour prendre la place de Michael Ryder et relancer son premier trio? Il est beaucoup trop tôt pour en juger.

Les jeunes vont faire des erreurs. Il faut s'y en attendre et accepter ce risque quand on décide de leur faire confiance. Le meilleur exemple, c'est l'utilisation que fait Carbonneau de Ryan O'Byrne. Je l'ai dit et je le répète, j'aime la façon dont l'entraîneur gère les ressources qu'on lui donne sous la main.

Que va-t-il arriver avec Ryder? Parce qu'il avait marqué plus de 60 buts lors des deux dernières saisons, j'ai toujours prôné la patience dans son cas. Après dix matchs, 15 matchs, 20 matchs, je persistais à dire qu'il allait s'en sortir.

Maintenant, je ne le sais plus.

Je ne connais pas assez l'athlète pour le comprendre. Au moins, pour la première fois de la saison, il a l'air frustré par ce qui lui arrive. Il n'accepte pas de voir un jeune tout droit sorti des rangs juniors prendre sa place et le reléguer aux oubliettes. Il est à peu près temps. Arrête de dire qu'il fait froid sur la galerie de presse et de te contenter de ta bonne fiche au niveau des +/-. Tu es un marqueur, mets-là dedans!

Ses jours à Montréal sont-ils comptés? Je l'ignore, mais ça n'a jamais été aussi mal pour lui.

Le hockey : pas propre, mais pas si sale

Comme un peu tout le monde, j'ai été un peu secoué par les conclusions du rapport Mitchell, qui a dévoilé au grand jour les noms de certains gros joueurs, dont le Québécois Éric Gagné, qui ont fait usage de stéroïdes.

Je ne suis pas convaincu que des gros noms feraient les manchettes si une enquête semblable était menée à travers la LNH, mais je ne veux pas jouer à l'autruche non plus et dire que ça n'existe pas au hockey. Ce serait insensé et très malhabile de ma part de penser qu'il n'y a pas de problème dans ce sport.

On dit qu'environ 7% des joueurs de baseball touchent aux stéroïdes. Dans la Ligue nationale, je dirais qu'entre 2% et 3% des joueurs trichent. Sur 700 joueurs, ce n'est pas beaucoup, même assez minime, mais c'est assez pour faire réfléchir.

J'ai été témoin de certaines choses dans ma carrière d'entraîneur. Des doutes, c'est certain que j'en avais, mais les droits de l'homme, lire la présomption d'innocence, doit toujours primer sur les doutes.

Pour revenir à Gagné, un homme pour qui j'avais beaucoup d'admiration et de respect, j'ai été très déçu d'entendre de telles choses à son sujet. Reste que, et je tiens à être clair là-dessus, je n'ai pas la prétention de le juger pour ses actions.

Propos recueillis par Nicolas Landry.