Diriger le Canadien a été un cadeau du ciel pour moi et ma famille. Pour les partisans de l'équipe, je suis encore l'entraîneur qui a gagné la dernière coupe Stanley. J'en suis fier c'est vrai mais je demeure modeste aussi.

Les amateurs se souviennent que j'étais derrière le banc de l'équipe lors de la dernière conquête. La journée où le Canadien va remporter une autre coupe, celle de 1993 sera simplement reléguée dans les souvenirs des gens.

J'ai sans doute connu mes meilleures années avant de débarquer derrière le banc du Canadien alors que j'étais à Detroit mais c'est à Montréal que j'ai gagné la coupe, dans ma ville. C'est quelque chose avec quoi je vais vivre le reste de mes jours.

Si vous saviez le nombre d'appels que j'ai reçus au cours de la dernière semaine. Les gens ne me téléphonent pas pour me parler du Sénat, ils communiquent avec moi pour me parler de la coupe de 93 parce qu'il n'y en a pas eu d'autres depuis.

Comme petit garçon, je rêvais de jouer pour le Canadien. Mon joueur préféré était Henri Richard et il l'est toujours. J'aimais sa façon de jouer. Je n'ai pas joué longtemps mais c'était comme lui que je voulais être sur la glace. Je l'admirais. Henri ne prenait pas de raccourci et il fonçait toujours tout droit. Quand je suis devenu entraîneur du Canadien, j'ai appris à le connaître et mon respect pour lui a grandi.

Dans ma jeunesse, j'avais beaucoup de plaisir et de fierté à porter le chandail du Canadien. J'ai aussi eu la chance d'assister à quelques séances d'entraînement. Plus vieux, j'ai eu l'opportunité de voir des matchs au Forum en me procurant des billets pour les places debout. J'étais tellement partisan. J'ai vu les fins de carrière de Jean Béliveau, de Henri Richard et un brin de celle du Rocket.

J'ai grandi avec Guy Lafleur, qui a redonné le goût aux partisans. J'ai été émerveillé par le Bib Three. Je suis convaincu que dans l'histoire de la LNH, aucune équipe ne comptera en même temps sur des défenseurs comme Larry Robinson, Guy Lapointe et Serge Savard. C'était unique de voir ces trois joueurs dominer un match comme eux.

Du premier jour de mon embauche jusqu'à celui qui va clôturer les activités du centenaire, je me suis toujours senti membre de cette organisation à part entière. Je n'avais pas le talent pour jouer au hockey au niveau de la LNH mais mon rêve s'est transformé en celui d'entraîneur. J'ai eu besoin d'au moins 700 matchs pour avoir le privilège de piloter l'équipe de ma ville. J'en suis très fier mais le plus important à mes yeux, c'est d'avoir le sentiment de ne pas avoir laissé tomber Serge Savard en gagnant la coupe Stanley.

On s'attache aux gagnants

Les partisans s'attachent beaucoup aux anciens parce qu'ils ont gagné. Il y a eu Patrick Roy et des grands capitaines comme Guy Carbonneau, Vincent Damphousse ou Kirk Muller. Ce sont des gagnants mais quand tu ne gagnes pas la coupe ou que tu ne passes pas la première ronde, les gens s'attachent moins aux joueurs.

Si le Canadien gagnait en 2010 par exemple, les amateurs relégueraient rapidement 1993 dans le tiroir des souvenirs. Les anciens joueurs sont appréciés parce qu'ils ont donné des coupes à cette ville. Quand les joueurs modernes le feront, ils seront adulés et feront partie de l'histoire à leur tour.

Saku Koivu a donné tout ce qu'il pouvait pour le Canadien. Il a été un joueur courageux et un capitaine mais il n'a pas amené de coupe Stanley. Il va simplement rester aux yeux des gens, un joueur aimé, qui a été courageux.

Les capitaines qui donnent une coupe Stanley à un public au sang latin comme au Québec, ne sont jamais oubliés. Quand on applaudi Guy Carbonneau, ce n'est pas l'entraîneur qu'on applaudi mais le capitaine qui a gagné. Même chose pour Bob Gainey ou Yvan Cournoyer.

Une génération moins exigeante

La nouvelle génération de partisans est moins exigeante. Dans mon temps, on visait la coupe Stanley et rien d'autre. Aujourd'hui, on se contente de faire les séries. Partout où j'ai travaillé, on me donnait un boni quand je gagnais une série mais quand je suis arrivé à Montréal, Serge Savard a refusé de me donner une clause de boni pour la première ronde parce qu'il disait que lui, il visait plus haut. Je n'ai pas été insulté. J'ai juste compris qu'à Montréal, on visait toujours plus haut. Avec Serge, moi et Ronald Corey, on visait la coupe Stanley, rien de moins.

J'ai été engagé pour gagner la coupe Stanley, pas seulement pour faire les séries. Les gens des autres époques étaient gâtés par les nombreuses conquêtes alors que de nos jours, on apprécie simplement de se tailler une place en séries. Il faut viser plus haut. J'espère une coupe dans un avenir rapproché au Canadien.

*propos recueillis par Robert Latendresse