Les Bruins de Boston ont de bien belles évidences à jeter à la face du Canadien avant cette série qui s'annonce excitante...

Le gardien de but de l'année en Tim Thomas, le joueur le plus intimidant du circuit en Zdeno Chara, quatre trios nettement mieux équilibrés que ceux de leurs éternels rivaux de Montréal, une défense et une attaque supérieures, de la robustesse à revendre et des gars menaçants au bout du poing qui ont laissé des messages très clairs aux petits joueurs du Canadien durant leurs plus récents rendez-vous.

Le 9 février, fatigués de la domination exercée jusque-là par le Canadien, les Bruins, avec le feu vert de leur entraîneur Claude Julien, ont viré le Canadien cul par-dessus tête en jouant des bras et des poings pour démontrer à la face de la ligue que la meilleure façon de stopper cette petite formation composée de joueurs rapides est de la brasser joyeusement. À ce chapitre, peu importe ce qu'en disent les joueurs du Canadien, ils ne font pas le poids.

Ce n'est quand même pas de leur faute si cette réunion de schtroumpfs doit s'en remettre à sa vitesse et à une certaine dose de courage pour gagner en territoire ennemi certains soirs. Ça, c'est l'oeuvre de Bob Gainey. C'est lui qui a bâti cette petite équipe, une vision que Pierre Gauthier a endossée en lui succédant.

Sans le savoir, le 8 mars dernier, Chara a préparé l'élimination du Canadien en blessant sérieusement Max Pacioretty dans une charge sauvage et un règlement de compte que les autorités de la ligue ont refusé de reconnaître. Chara a mis hors d'état de nuire un joueur gros, grand et fort qu'il était incapable d'intimider, et ce, même s'il lui courait après depuis longtemps. Le seul attaquant de puissance du Canadien, fait sur mesures pour une série comme celle-là, sera malheureusement forcé à un rôle de spectateur durant toute la série.

Ce soir-là, le geste brutal de Chara et la vue de Pacioretty inconscient sur la glace ont laissé dans la tête de ses coéquipiers une impression de danger que certains d'entre eux traînent probablement encore dans leur subconscient. Après les batailles inégales qui avaient ponctué l'affrontement précédent entre ces deux équipes et après le coup assommoir servi par le King Kong de la défense bostonnaise, ils sont sûrement quelques-uns à croire qu'il sera moins douloureux de longer les bandes plutôt que d'aller se mettre le nez au coeur de l'action à Boston.

Dans le match suivant, c'est d'ailleurs ce qu'a fait la majorité de l'équipe en abandonnant Carey Price et Alex Auld à eux-mêmes dans un revers de 7-0 au cours duquel il aurait été préférable que certains joueurs ne fassent pas le voyage tellement ils ont été invisibles. Appelez cela «l'effet Zdeno Chara».

Depuis que Pacioretty a quitté la patinoire sur une civière, le Canadien n'a pas marqué un seul but en quatre périodes de jeu contre Boston. Boston 8, Canadien 0. Les Bruins ont obtenu 54 tirs au but et le Canadien 30. Chara était loin d'imaginer qu'il affecterait le Canadien à ce point en assommant son unique attaquant de puissance.

Ce ne sont pas tous les joueurs du Canadien qui joueront sur le bout du bâton à Boston, mais il y en a sûrement quelques-uns qui auraient eu avantage à visiter leur concessionnaire automobile cette semaine afin de faire vérifier l'état de leurs freins, car j'ai l'impression qu'ils vont les utiliser.

Le Canadien peut-il gagner cette série? Bien sûr qu'une surprise est possible. Possible, mais peu probable.

Ils vont s'ennuyer des trois joueurs indispensables qui sont sur la touche. On dira qu'ils ne s'en sont pas trop mal tirés sans Andrei Markov, Josh Gorges et Pacioretty cette saison, mais dans une courte série, où les détails les plus minuscules risquent de prendre une énorme importance, une équipe ne peut pas se défendre aussi efficacement sans son quart-arrière (Markov), sans un véritable guerrier dont on est certain de la contribution soir après soir (Gorges) et sans un grand gars courageux qui était en train de s'établir comme une valeur sûre pour les années à venir (Pacioretty).

Le Canadien peut gagner, mais quelles sont ses chances d'y arriver quand un seul de ses attaquants, Tomas Plekanec, a connu une saison de plus de 50 points. Un joueur qui a tout juste franchi la barre de la cinquantaine après avoir fraîchement signé un contrat de cinq millions par saison l'été dernier. Gainey, de son côté, ne croyait certainement pas fabriquer une attaque aussi anémique quand il a investi 88.5 millions de dollars sur le trio Gomez-Gionta-Cammalleri.

Partout à travers la ligue, on dit que l'unique chance du Canadien de causer une surprise repose sur Carey Price. Dans le cas des Bruins, on ne dit jamais que le salut de l'équipe doit passer par Thomas. On parle de l'émergence de Milan Lucic, du talent indéniable de Chara qui s'est hissé parmi les candidats au trophée Norris, du productif David Krejci, de Patrice Bergeron, efficace dans les deux sens de la patinoire, et d'une attaque mieux diversifiée que celle de leurs adversaires. Et on ne parle même pas de l'intimidant Shawn Thornton qui, au sein d'un quatrième trio, a obtenu plus de buts que Gomez tout en étant le joueur le plus pénalisé de son équipe.

Une bonne saison malgré tout

Le Canadien a connu une saison assez étonnante compte tenu des coups durs qu'il a encaissés. Son bilan final a toutefois été faussé par les nombreux petits miracles réussis par Price. L'équipe a obtenu son plus grand nombre de victoires et de points au classement en trois ans. Son attaque a été la plus faible des six dernières années, mais sur le plan des buts accordés, le Canadien a connu son plus beau résultat en sept ans.

Pas mauvais pour une équipe qui n'a pas de système, comme l'a prétendu un ancien joueur qui avait probablement des comptes à régler avec Jacques Martin. En fait, quand on analyse les chiffres, on se demande pourquoi le Canadien reçoit si peu de considération à la veille de se mesurer aux Bruins. Après tout, il n'a obtenu que deux victoires et sept points de moins que Boston cette saison.

La différence se situe au niveau du talent mieux diversifié et de la robustesse des Bruins alors que le Canadien ne peut opposer qu'un seul atout vraiment marquant à leur prochain adversaire : Carey Price.

Price, qui sait fort bien que le sort des siens repose sur lui, ne risque pas de s'écrouler sous la pression. Ce n'est rien de neuf pour lui puisque c'est un rôle qu'il a tenté de jouer durant 72 matchs cette saison. Cela dit, c'est beaucoup demandé à un athlète de faire la différence à lui seul dans le moment le plus important de la saison.

Peu importe ce qui se passera dans son cas, il faudra se rappeler que sans lui, le Québec traverserait actuellement une profonde période de déprime alors que la glace aurait déjà quitté le plancher du Centre Bell.

Prédiction : les Bruins en 6.