Je pose la question autour de moi et j'obtiens des réponses de toutes natures, parfois diamétralement opposées. Comment le Canadien peut-il avoir renversé la tendance de façon aussi radicale, en l'espace de 24 heures? Le renvoi de Perry Pearn a-t-il eu l'effet d'un traitement-choc? Certains joueurs ont-ils décidé de « brasser » la marmite au sein du groupe? Et si ce n'était qu'une question ce temps avant que le déblocage ne survienne? Il faut probablement se rabattre sur l'ensemble de ces facteurs pour trouver la réponse. Mais ne négligeons pas le dernier.

Honnêtement, quand on analyse la situation de près, force est d'admettre que la fiche de l'équipe aurait pu être supérieure à ce qu'elle est présentement. Les matchs contre Colorado, Buffalo et la Floride auraient pu se solder par un résultat différent, mais ce fut l'échec en bout de ligne. Par contre, jeudi contre Boston, la victoire aurait pu se transformer en défaite si Carey Price n'avait pas été aussi brillant après avoir accordé un mauvais but. Alors?

Alors, la réalité, c'est que dans le hockey d'aujourd'hui, de façon générale, la ligne de démarcation est extrêmement mince entre le succès et l'échec. Je parle régulièrement aux entraîneurs de la LNH, à leurs patrons, aux adjoints, aux joueurs, anciens et actuels, dans différentes circonstances et tous me ramènent à cette réalité qui, j'en conviens, peut sembler plutôt banale pour un grand partisan d'une équipe.

Il existe, depuis quelques années, une parité sans précédent dans la LNH, parité résultant en grande partie de la présente structure de la ligue. Cette même structure fait aussi en sorte que les formations ne peuvent plus emmagasiner de la profondeur comme à une certaine époque. Une blessure à un joueur régulier peut tout faire basculer, du moins à court terme. Regardez ce qui arrive aux Flyers de Philadelphie sans Chris Pronger. Ils viennent d'accorder 14 buts en 24 heures à deux adversaires (Canadiens et Jets) qui occupaient les bas-fonds du classement au moment de la rencontre! Pourtant, collectivement et sur papier, ils représentent encore une équipe redoutable, l'une des meilleures de l'Association Est.

Pression sur les équipes

Autre facteur non négligeable : la patience des amateurs, qui est de plus en plus fragile. Une soirée en famille, en couple ou entre amis, dans n'importe quel amphithéâtre de la Ligue nationale, coûte une petite fortune et les acheteurs de billets s'attendent à un rendement minimum de la part de leurs favoris. Dans les marchés moins traditionnels, une séquence d'insuccès ou d'incertitude par rapport à une formation se traduit par des gradins vides. Dans les marchés passionnés par le hockey, cela se traduit par une grogne généralisée, alimentée encore plus, de nos jours, par tous les médias sociaux.

Dans un cas comme dans l'autre, cela produit une pression énorme sur une équipe, d'abord sur les joueurs qui, quoi qu'ils en disent, ressentent cette insatisfaction à leur égard. Ils se mettent à douter à chaque présence sur la glace, ils perdent cette fluidité, cet instinct naturel, cette approche collective qui sont des facteurs essentiels pour connaître du succès au hockey et il devient alors très facile de s'enliser davantage. L'inverse est aussi vrai : le moindre signe encourageant peut provoquer un revirement aussi spectaculaire qu'inattendu. En une période, le Canadien était méconnaissable face aux Flyers, mercredi.

La pression est aussi énorme sur les propriétaires qui, faut-il le rappeler, tirent surtout leurs revenus de la vente de billets dans la LNH. Or, étant très sensibles aux humeurs du public, ils transmettent naturellement cette pression à leur personnel et exigent des redressements. Et cela commence, d'abord et avant tout, au niveau du produit. Vice-présidents, directeurs généraux et entraîneurs se retrouvent alors dans une chaîne de responsabilités qui les oblige parfois à prendre des décisions douloureuses. Comme ce fut le cas mercredi, dans le cas de Perry Pearn, qui fut relevé de ses fonctions.

Dans d'autres circonstances, l'issue est différente, mais elle tient toujours de la même ligne très, très mince. Je vous cite un seul exemple : celui de Claude Julien, qui est probablement venu à un but près d'être congédié par les Bruins, en avril dernier. En lieu et place, il porte aujourd'hui la bague de la Coupe Stanley! Or, pour combien de temps encore jouira-t-il de l'immunité auprès des fanatiques de Boston après un début de saison de 3-6-0 ?

Ainsi tourne la roue dans le merveilleux monde du sport, mes amis!