Je n'ai jamais oublié un moment très intime qui s'est déroulé entre un enfant et ses idoles. C'était à l'occasion de la visite annuelle des joueurs du Canadien à Sainte-Justine, à quelques jours de Noël, il y a trois ou quatre ans.

Maxime qu'il s'appelait. Il avait 15 ans. Atteint d'un cancer des os à la jambe, on avait dû l'amputer. Quelques mois plus tard, le cancer avait poursuivi ses ravages quand des métastases avaient attaqué ses poumons.

À cet âge, les enfants savent tout de leur état. Ils vous en parlent dans des termes très précis, comme s'ils se faisaient l'écho de leurs médecins. L'état de santé de Maxime s'était sérieusement détérioré. Il se doutait sans doute qu'un sort cruel l'attendait. Ce qui ne l'avait pas empêché de s'accrocher très fort à la vie, car il avait un objectif personnel en tête. Il avait à son agenda un rendez-vous avec les joueurs du Canadien qu'il ne voulait pas rater. Qu'il ne pouvait pas rater.

Quand décembre est arrivé, il avait compté les dodos jusqu'au jour magique. Ce jour-là, il était si affaibli qu'on avait dû lui assigner une chambre hermétique et l'affubler d'un masque à oxygène pour lui permettre de maintenir sa respiration. Puis, il avait attendu fébrilement ses héros en compagnie de sa mère.

Les joueurs s'étaient finalement présentés en groupe à l'hôpital. Quelques-uns d'entre eux étaient apparus de l'autre côté de la vitre. Maxime et les idoles s'étaient mutuellement salués de la main. Les joueurs lui avaient remis une casquette signée par toute l'équipe et une couverture aux couleurs du Canadien.

Il avait déposé fièrement la casquette sur sa tête et s'était enroulé dans la couverture. Les joueurs l'avaient salué de la main avant de repartir.

Après leur départ, Maxime avait laissé échapper un long soupir, témoignant de l'effort intense qu'il avait dû déployer dans l'attente de ses héros. Il avait avoué à sa mère ressentir une grande fatigue. Elle avait compris que la fin était proche.

Il avait rendu l'âme le jour même, enroulé chaudement dans sa doudou aux couleurs du CH. Affirmer qu'il est parti heureux est un euphémisme. Aux yeux de ses parents, il n'y avait aucun doute que sa mort avait été précédée d'un grand bonheur.

Les joueurs du Canadien, souvent critiqués à la suite de contre-performances, n'ont aucune idée du pouvoir qu'ils exercent sur les enfants. Pendant que les adultes s'amusent à décortiquer et à critiquer leurs soirées de travail, pendant qu'ils s'inquiètent de Carey Price dès qu'il connaît une mauvaise sortie, qu'ils en veulent à Scott Gomez d'être là ou à la direction de l'équipe de ne pas faire plus pour leur offrir une coupe Stanley, les enfants, eux, ne font que les aimer et les aduler. Les joueurs sont des amis.

Quand ils visitent les hôpitaux, ils savent qu'ils sèment du bonheur, mais ça va plus loin que cela. Pendant qu'ils sont là, les enfants n'ont plus mal. Ils oublient que des pépins plus graves encore les attendent. Et, comme ça s'est passé dans le cas de Maxime, il leur arrive de prolonger leur vie de quelques jours, voire de quelques semaines, pour le simple plaisir de les voir.

Le printemps dernier, on a porté à mon attention tout le chagrin que ressentaient deux garçonnets âgés respectivement de huit et 10 ans, Thomas et Louis-Antony Tétreault, de Saint-Constant, dont la mère était atteinte de la leucémie.

Pendant qu'elle passait des semaines loin des siens à l'hôpital, le hockey continuait de distraire les garçons que cette malchance familiale perturbait, néanmoins. Thomas est gardien de but et Louis-Antony un attaquant. Sans le hockey et sans l'attrait que le Canadien exerce sur eux, ils auraient pleuré plus souvent encore.

Le hasard a voulu qu'ils reçoivent deux cadeaux inattendus qui sont venus mettre de la joie dans leur quotidien. Thomas a reçu un t-shirt de Price et Louis Antony une casquette de P.K. Subban. Vous dire leur bonheur. Ils étaient presque devenus quelqu'un. Après tout, qui à leur école pouvait se vanter de posséder des objets signés de la main de Price et de Subban?

De voir ses fils aussi heureux avait contribué à réchauffer le coeur de cette jeune maman gravement malade, mais ravie par tant de générosité du Canadien. Comme quoi les grands bonheurs tiennent parfois à bien peu de choses.

Samedi, on a célébré les funérailles de leur mère. Durant la cérémonie, ils ont refoulé leur peine, le corps droit, la tête bien haute, comme des grands.

Quand le Canadien tire profit de son image et du pouvoir magique qu'il exerce sur ses fans, il réussit parfois de petits miracles. Comme celui de semer de l'espoir dans le coeur d'enfants qui se battent pour leur vie ou, dans certains cas, pour celle de leur mère.

Anthony Calvillo: réputation intacte

Il y a au moins un aspect positif dans l'élimination hâtive des Alouettes. Le quart Anthony Calvillo n'aura pas à porter seul l'odieux d'un tel échec comme c'était la coutume en pareilles circonstances. Plus personne ne peut s'aventurer à le qualifier de «choker» puisqu'il a réalisé dimanche sa plus grande performance dans l'uniforme des Alouettes. Il a même été proclamé le joueur offensif de la semaine à la suite de cette défaite.

Auparavant, quand Calvillo perdait un match des éliminatoires ou la finale de la coupe Grey, on le disait incapable de s'affirmer dans les moments importants. Ses deux dernières coupes Grey ont contribué à le blanchir et l'ont ramené au rang des grands quarts-arrières de la ligue. D'ailleurs, ses derniers records ne l'ont-ils confirmé comme le plus grand de tous? Néanmoins, il n'aurait pas fallu que les Alouettes subissent l'élimination après un rendement de 250 verges de sa part.

Bien sûr, Calvillo aurait souhaité que les choses se passent différemment. Il rêvait d'une troisième bague de suite, mais ce qu'il a accompli dans cette défaite crève-coeur lui donnera sûrement le goût d'étirer sa carrière d'une autre saison. Un quart-arrière ne tire pas sa révérence après avoir connu un match offensif de 578 verges, dont 513 par la voie des airs.

Les Calvillo sont des gens courageux. Mari et femme se sont relevés dignement d'un cancer, ce qui leur permettra d'analyser la suite des choses avec toute la perspective nécessaire. C'est d'ailleurs ce qui explique pourquoi le recordman de tous les temps désire s'offrir du temps pour pouvoir accoucher d'une décision éclairée sur son avenir.

Il n'a pas du tout aimé sa perte de conscience sur le terrain après avoir été frappé durement cette saison. L'incident constitue l'élément majeur dans sa prise de décision. Il veut pouvoir profiter pleinement de la vie avec sa femme et ses enfants dans un proche avenir, ce qui signifie qu'il ne veut pas d'une autre blessure à la tête qui le laisserait avec des séquelles permanentes.
Sa décision est cruciale pour l'avenir immédiat des Alouettes. L'équipe, qui a déjà vu Bryan Chiu et Ben Cahoon filer vers la retraite, ne rajeunit pas à des postes clés. Avant longtemps, ce sera le tour d'Anwar Stewart, de Scott Flory et de Calvillo. L'après-Calvillo représente donc une bonne source d'inquiétude.

Malgré les championnats, la situation des Alouettes reste fragile. Une ou deux saisons perdantes et les amateurs ne se bousculeraient plus aux guichets pour les applaudir. Jim Popp, le meilleur de sa profession dans la Ligue canadienne, a toute une responsabilité sur les bras, celle de maintenir un haut niveau d'excellence quand son quart vedette rentrera définitivement à la maison.

La guigne?

Une dernière observation sur la saison des Alouettes. Le président Ray Lalonde doit se demander s'il est né pour gagner. Il a passé 10 saisons dans un rôle important chez le Canadien sans jamais rien gagner. Il arrive à la tête des Alouettes et l'équipe pique du nez.

En guise de consolation, il peut toujours reprendre une excuse souvent entendue au Centre Bell au lendemain d'une élimination.
«S'il n'y avait pas eu tous ces blessés, peut-être que...»