Samedi soir, pendant qu'une poignée de manifestants tentaient de se faire voir ou de se faire entendre à la porte du Centre Bell concernant l'embauche d'un entraîneur unilingue anglophone, à l'intérieur de l'édifice, bien au chaud, plus de 21 000 personnes répondaient bruyamment à l'invitation de l'annonceur-maison Michel Lacroix d'accueillir frénétiquement NOS Canadiens.

Deux événements difficiles à saisir dans les circonstances. Dehors, la manifestation arrivait plutôt sur le tard. Comme un ballon qu'on cherchait à regonfler. À l'intérieur, on se levait pour applaudir à tout rompre une équipe qui connaît une saison misérable et qui était sur une lancée d'une victoire de suite. Pas toujours facile à suivre, les Québécois, surtout quand il est question de leur attachement à une organisation qui n'en finit plus de décevoir.

Difficile à suivre également ce mouvement de protestation organisé trois semaines, jour pour jour, après la nomination de Randy Cunneyworth. Tout avait déjà été dit, il me semble. Toutes les protestations avaient été entendues en haut lieu. On savait tous que cette décision irréfléchie ne faisait aucun sens et on l'avait claironné sur toutes les tribunes.

Le propriétaire Geoff Molson et le directeur général Pierre Gauthier, responsables de cette gaffe disgracieuse, avaient encaissé une bonne volée de critiques et même d'injures dans certains cas. Dans un communiqué laconique, M. Molson avait présenté une certaine forme d'excuse. Il avait écrit à mots à peine couverts que l'erreur sera corrigée et que Cunneyworth ne sera pas derrière le banc quand s'amorcera la prochaine saison. Une remarque que Gauthier s'était senti obligé d'appuyer dans son dernier point de presse.

Qu'est-ce que le Mouvement Québec français et le Mouvement Montréal français voulaient de plus, samedi soir? Que Molson et Gauthier viennent s'immoler devant eux sur le trottoir? Ils avaient compris qu'ils avaient erré bien avant que ces deux organismes en mal de visibilité s'amènent avec leurs pancartes et leurs petits drapeaux.

S'ils avaient déclaré que c'était à prendre ou à laisser et que Cunneyworth était leur homme, que cela plaise ou non à leur clientèle, cette manifestation aurait été 100 fois plus enflammée et justifiée. Ils avaient déjà avoué leur erreur. Parce qu'il n'y avait pas de solutions miracles dans les circonstances, ils s'étaient joyeusement mis les pieds dans le plat. Pensez-vous qu'ils n'en sont pas conscients encore aujourd'hui?

Le problème au départ, c'est que le Canadien n'avait pas jugé bon de placer un adjoint francophone derrière le banc, un manque assez évident de clairvoyance du duo Gainey-Gauthier. L'unique coach québécois au sein de l'organisation, Clément Jodoin, était à Hamilton. S'ils avaient seulement prévu le tumulte que l'entrée en scène de Cunneyworth allait créer, ils auraient peut-être fait appel à Jodoin, ce qui leur aurait évité d'effriter l'image de l'organisation encore davantage.

Peut-être ont-ils cru qu'un entraîneur de la Ligue américaine, à peine sorti des rangs juniors, ne connaissait pas suffisamment la Ligue nationale pour être à la hauteur d'un tel vote de confiance. Peut-être aussi que Gauthier attendait le moment propice pour placer son homme derrière le banc.

Jodoin aurait quand même pu compter sur deux adjoints d'expérience, Cunneyworth et Randy Ladouceur, pour le seconder dans ses préparations de matchs. Un coach est un coach, peu importe l'endroit. Jodoin, qui a déjà travaillé derrière le banc du Canadien à titre d'adjoint durant cinq saisons, a effectué des changements de trios un peu partout depuis 11 ans.

À deux points de l'objectif

Quand on y pense, la vraie bêtise a été celle de remercier Jacques Martin alors que le Canadien était posté à deux points du huitième rang. Je veux bien croire que Gauthier et Martin, qui venaient d'avoir une engueulade, n'étaient plus sur la même longueur d'onde, mais quand tu n'as aucune solution de rechange logique sous la main, quand tu n'as jamais songé à te doter d'un plan B, il est préférable de marcher sur son orgueil et d'acheter du temps.

N'aurait-il pas été plus mature que ces deux-là mettent leur différend en veilleuse pour mieux protéger les intérêts de l'équipe à court terme? En ignorant cette possibilité, Gauthier a-t-il fait passer sa propre tranquillité d'esprit avant l'équipe?

Quand Yvan Cournoyer affirme que toute cette chicane autour de la langue n'aide pas les joueurs, il vise les mauvaises personnes en faisant allusion à la contestation du public. Les vrais et seuls responsables de cette situation sont Gauthier, qui a fait sauter son coach trop hâtivement, et Molson qui a entériné cette décision sans égard pour la langue de Maurice Richard.

Ce qui a incité quelques personnes, dont Mario Beaulieu, président du Mouvement Québec français, Jean-Paul Perreault, président d'Impératif français, et Gilles Rhéaume, de la Ligue québécoise contre la francophobie canadienne, à aller chercher leur petit moment de gloire devant les caméras.

Si on fait exception de M.Perreault, qui a réclamé qu'on boycotte les produits Molson, une menace vieille comme le monde qui n'a jamais vraiment eu d'effet sur le plan sportif, la remarque la plus insipide est venue de M.Rhéaume qui, dès l'annonce de la nomination de Conneyworth, a trouvé le moyen de se couvrir de ridicule en l'espace de deux minutes.

«Des Francophones qui peuvent diriger le Canadien, il y en a partout, a-t-il clamé du haut de son manque d'expertise. Il y en a à Montréal et à Québec. Il y en a partout dans la Ligue nationale. Il y en a des dizaines, voire des centaines.»

Comme si diriger le Canadien était un job donné à tout le monde. C'est drôle, mais il semble qu'il y ait de moins en moins de candidats francophones capables de remplir ce rôle, notamment parce que le Canadien en a déjà «brûlé» cinq: Alain Vigneault, Michel Therrien, Claude Julien, Guy Carbonneau et Jacques Martin, depuis une dizaine d'années.

Une banque qui s'assèche

Bizarrement, même si la banque d'entraîneurs francophones s'assèche progressivement, l'unique coach québécois de toute l'organisation, Clément Jodoin, n'a pas la moindre chance de diriger le Canadien. S'il en avait eu juste une, il serait déjà là.

C'est un peu cela qui a valu au Canadien de commettre la gaffe qui a provoqué l'élan nationaliste de samedi. Un événement devenu futile après tous les mea-culpa et de la promesse de Geoff Molson de corriger cette situation dans trois mois.

D'ici là, laissons Randy Cunneyworth profiter d'une rampe de lancement qui devrait le conduire ailleurs l'an prochain.

Salut, le Prof

Le Prof est un surnom qui a servi à identifier respectueusement l'un des hommes de hockey les plus colorés que la Ligue nationale ait connus. Un sobriquet qui a pris une signification particulière pour moi quand Ronald Caron m'a pris sous son aile il y a quelques décennies.


Le Prof Caron est décédé à l'âge de 82 ans. (PC)

Caron a été baptisé le prof parce qu'il a été, dans une première vie, professeur d'anglais au Collège Saint-Laurent. Déjà, il était une entité rare dans le sport professionnel. On ne se souvient pas d'un enseignant qui soit devenu successivement recruteur, directeur du recrutement, directeur du personnel des joueurs, entraîneur et directeur général. Toutes des fonctions qu'il n'avait pas volées parce qu'il était un travailleur acharné qui, sans femme ni enfant, avait décidé très tôt que le hockey occuperait toute la place dans sa vie.

Il a été mon premier prof dans le hockey. Quand je suis débarqué de Chicoutimi en 1969 et que Jacques Beauchamp m'a assigné à la couverture des Voyageurs de Montréal, la filiale du Canadien, j'ai vu tous les matchs de cette équipe, à l'étranger comme à domicile.

J'ai passé des heures dans les autocars entre le Forum et Buffalo, Rochester, Baltimore, Springfield, Providence et toutes les autres villes exotiques de la Ligue américaine. Caron aimait jaser, c'est bien connu. Il n'avait pas le moindre problème à partager sa banquette d'autocar avec le ti-cul que j'étais. Il lui arrivait même de m'accueillir à sa table pour le petit déjeuner dans les restaurants deux ou trois étoiles des hôtels que nous habitions. Cette saison-là, j'ai eu droit à un cours accéléré de hockey. Je lui en serai à jamais reconnaissant.

Je reviendrai sur le parcours très particulier de ce professeur et homme de hockey légendaire à l'occasion de ses funérailles.