Pourtant, la soirée s'annonçait magnifique dans les Studios Mel's pour cette grande première de Strike Box.

Les ring girls étaient vraiment belles. La foule de 2100 personnes, dont plusieurs debout, criait des encouragements à ses favoris au fur et à mesure que se déroulaient les combats.

Pas de problème de chronométrage, aucun pépin, pas d'accrochage des arbitres... jusqu'au dernier combat de la soirée. Jusque-là, sept rencontres avaient été présentées et quatre s'étaient soldées par des K.-O., dont trois au premier round.

Puis, ce fut la finale. Enfin, Steve Bossé affrontait une armoire à glace du nom de James Thompson. Vous savez, le genre Wladek Kowalski, avec les oreilles en chou-fleur.

Jusque-là, personne ne s'était battu au sol. Si un combattant chutait, aussitôt il se relevait et poursuivait le combat debout, sans aucune intervention de l'arbitre. C'était une sorte de gentlemen agreement.

Mais le géant de 6 pieds 5 pouces, natif de Londres en Angleterre, surnommé The Colossus, n'entendait pas se mesurer à Bossé strictement debout.

« Ce qu'il faut comprendre, c'est que les règlements MMA étaient en vigueur à 100%, soutient l'arbitre Yves Lavigne, un expert qui se retrouve régulièrement sur les programmes du UFC. Je ne pouvais pas séparer les deux hommes. Tout ce que je peux croire, c'est que le géant a manqué à sa parole. Mais comme arbitre, je ne pouvais faire autrement. »

Lavigne n'a pas erré

Pour le cadre-conseil des sports de combat, casinos d'État et ALV, Richard Renaud, c'est une autre tuile qui lui tombe sur la tête. Mais le successeur de Mario Latraverse est fait fort, soyez-en sûr.

En poste depuis octobre 2008, il a dû gérer quelques situations difficiles. « Ce fut tout d'abord l'histoire des gants, lors de l'affrontement Bute-Andrade, se souvient-t-il. Puis ce fut le fameux douzième round de ce combat. Ensuite, il y a eu ce round de plus de cinq minutes durant l'affrontement entre Ngoudjo et Urango et maintenant cette controverse qui s'est soldée par un no contest entre Bossé et Thompson. »

« Tout ce qui m'intéresse, c'est que les règlements aient été interprétés à la lettre. Immédiatement après la bataille, j'ai rencontré tous les officiels et tous et chacun étaient d'accord. Yves Lavigne a fait exactement ce qu'il devait faire. »

Quant au promoteur Stéphane Patry, il n'est pas tout à fait d'accord avec le patron des combats.

« Je demeure convaincu qu'Yves Lavigne pouvait remettre les deux combattants debout, lance-t-il d'un ton agacé. Vous n'avez qu'à lire le règlement 195.31 de la régie et vous allez comprendre mon argument. »

Le règlement

Au règlement 195.31, il est inscrit que lorsqu'un concurrent maintient une prise à son adversaire, l'arbitre peut en tout temps faire lâcher la prise et faire reprendre le combat debout.

« C'était à Patry qu'incombait la tâche d'informer les amateurs présents, soutient l'adjoint aux sports de combat, Jean Douville. Il aurait dû demander à son annonceur maison d'informer les gens présents que les règlements en vigueur pour les combats d'arts martiaux étaient les mêmes de A à Z ce soir, même si plusieurs croyaient le contraire. »

« Je peux comprendre Stéphane Patry, admet Richard Renaud, de sa résidence à Québec. Ça faisait cinq ou six mois qu'il travaillait sur la présentation de son nouveau sport. Je trouvais que sa présentation avait de l'allure. J'ai dit ‘Ok, ça pourrait marcher'. J'avais même l'intention d'envoyer Yves Lavigne à sa conférence de presse pour expliquer son nouveau sport. Mais quand j'ai fait les démarches auprès de mes supérieurs, ils ont dit ‘Non, pas question'. ¨

Ce qu'il faut retenir, c'est que le sport des combats d'arts martiaux mixtes a beaucoup évolué au cours des dix ou douze dernières années.

« Des règlements ont été institués en vitesse après la fameuse soirée de combats ultimes sur la réserve de Kanawake il y a une douzaine d'années. Et ils n'ont jamais été amendés, enchaîne Richard Renaud. Le sport a évolué, mais pas les règlements. Si on évalue ce qui s'est passé au Studio Mel's, c'est un peu comme de la boxe, mais avec des gants de quatre onces et demie, sans compte de neuf et sans stratégie au sol. Si ce sont des batailles de rue qu'on veut nous présenter, alors il faudra exiger des gants de boxe. »

Et Bossé, dans tout ça?

Le principal intéressé dans tout ce brouhaha, Steve Bossé, avait l'air démoralisé après le combat. Assis dans un coin de son vestiaire avec ses seconds autour de lui, il ne disait pas un mot.

« Quand nous sommes tombés au sol, j'ai tout de suite saisi une prise d'étranglement, mais je l'ai laissé aller, prétend-il. Nous avions une entente verbale et je la respectais à la lettre. Mais dès que j'ai lâché ma prise, Tompson a commencé à me frapper dessus. Je me demandais vraiment ce qui se passait. »

« Maintenant, j'ignore ce qui va se passer. Moi, je suis toujours prêt à me battre, mais selon ce qui était convenu avant l'affrontement. »

C'est en voyant l'arbitre ne pas obliger les deux hommes à se relever que les choses se sont gâtées. Les amateurs ont commencé à lancer des cannettes de bière sur le ring. Même une chaise a été projetée par-dessus la clôture. Ça devenait dangereux pour les combattants et tout le monde assis près du ring.

C'est la seule fausse note de la soirée.

J'ignore vraiment où tout cela va nous mener. Tout ce que je peux dire, c'est que j'ai adoré ma soirée. Ce n'est pas un sport pour les faibles de cœur, mais c'est un sport qui va devenir très populaire auprès des amateurs de sports de combat. C'est un mélange de boxe, de kickboxing, de muay thai et d'arts martiaux.

Bon strikebox!