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MONTRÉAL – L’histoire, telle que racontée par Yvon Michel, va comme suit : il y a une dizaine d’années, le promoteur avait reçu un courriel de Steve Bossé, un joueur de hockey avec une solide réputation de bagarreur qui lui signifiait son intérêt pour amorcer une carrière de boxeur professionnel.

 

Les discussions n’avaient pas abouti. Michel affirme qu’à l’époque, Bossé était déjà lié par un contrat trop contraignant au promoteur d’une organisation d’arts martiaux mixtes. Peut-être que Michel, qui gérait alors la carrière d’un champion du monde (Joachim Alcine) et de charismatiques pur-sang (Jean Pascal et David Lemieux), jugeait qu’il avait d’autres chats à fouetter. Peut-être aussi avait-il sous-estimé la popularité du « Boss ».

 

Dix ans plus tard, quand le président de GYM a reçu l’appel de Dan Fontaine, un homme se présentant comme l’agent de Steve Bossé, il a vu une opportunité à saisir.

 

« J’étais curieux au début, a dit Michel jeudi dans ses bureaux du Vieux-Montréal. Rapidement, on a réalisé que nos visions allaient dans la même direction. »

 

On peut présumer que la vision de Bossé est la suivante : monnayer au maximum ses qualités athlétiques et son statut de demi-dieu aux yeux de nombreux amateurs de sports de combat québécois avant que son corps, usé par le style spectaculaire qui lui a permis d’atteindre l’UFC, ne lui permette plus de le faire.

 

On peut présumer que la vision de Michel est la suivante : trouver une vedette locale qui lui permettra d’engranger des recettes intéressantes dans une business qui ne garnit plus ses coffres comme elle le faisait dans le passé.

 

À l’intersection de ces deux intérêts, un résultat : Bossé, 36 ans, fera ses débuts dans un ring en avril dans un amphithéâtre de Laval ou de Montréal. L’identité de son premier adversaire est toujours inconnue, mais le populaire pugiliste promet qu’il ne sera pas nécessaire de rechercher son nom sur « Google » lorsqu’il sera dévoilé.

 

Bossé débarque dans le monde de la boxe non pas dans le but d’en gravir patiemment les échelons, mais d’y faire sa marque instantanément.

 

« Je suis prêt à affronter tous les adversaires qui vont m’être proposés, je ne reculerai devant aucun défi, a claironné l’ambitieux athlète en point de presse. Je veux vraiment viser la crème au niveau international : Jean Pascal, Lucian Bute, Bernard Hopkins ou même Roy Jones Jr, ça serait intéressant. Je suis là pour donner un show et prouver que j’ai ma place. »

 

« Il veut aller vite et il n’a peur de personne », a résumé Yvon Michel, « convaincu » que Bossé peut tirer son épingle du jeu contre des boxeurs d’expérience.

 

« Il y a une chose qui est certaine, ça amènerait de l’intérêt et les gens seraient très partagés quant à savoir qui pourrait gagner ce genre de combat. Et quand les gens sont partagés et qu’ils connaissent bien les deux pugilistes, ça amène beaucoup de succès. [...] Est-ce qu’il battrait Jean Pascal? Est-ce qu’il battrait Roy Jones? Je ne sais pas, mais on veut lui en donner la chance. »

 

Tête d’affiche instantanée

 

Le plan de Michel n’est pas de placer son nouveau poulain en sous-carte de l’un de ses galas. « Il n’est pas question que Steve commence à faire des quatre rounds contre des Mexicains », a-t-il insisté dans ses propres mots.

 

« On pense que Steve a la notoriété et la popularité requises, [...] qu’il est une célébrité et on est convaincu qu’il mérite, dès ses débuts, de faire les frais du combat principal d’un événement », a mis au clair le promoteur.

 

D’un point de vue promotionnel, la stratégie se défend. Depuis qu’il a décidé de gagner sa vie avec ses poings, le pouvoir d’attraction de Bossé a été utilisé afin de mousser la vente de billets de multiples événements. Il serait contre-productif de lui verser un salaire sans s’assurer que sa mâchoire d’acier soit sur tous les posters.  

 

Mais d’un point de vue purement sportif, il est normal de se questionner sur la légitimité du projet. L’expérience de Steve Bossé dans une arène de boxe se résume à quelques combats amateurs contre des confrères hockeyeurs à l’époque où il était l’un des plus redoutables bagarreurs de la Ligue nord-américaine de hockey. Son parcours l’a ensuite fait dévier vers les arts martiaux mixtes, un sport dont il a atteint les ligues majeures en 2015. Mais sans rien enlever à ses réalisations antérieures, il est improbable qu’il puisse tenir tête à un boxeur de métier, un ancien champion du monde de surcroit, dans le contexte qui nous est présenté.

 

« Vous savez, quand on commence avec un boxeur professionnel, le défi qu’on a habituellement, c’est de bâtir un boxeur pour en faire une célébrité. Maintenant, on part avec une célébrité et on va en faire un boxeur professionnel », a promis Yvon Michel.

 

Michel dit avoir amorcé des discussions avec un entraîneur expérimenté et renommé afin d’offrir un encadrement adéquat à son néophyte. Son identité demeure pour l’instant secrète, mais on sait qu’il n’est pas Québécois.

 

« Ce n’est pas quelqu’un qui va essayer de repartir à zéro, mais qui va plutôt être capable d’exploiter ses forces au maximum, avance Michel. Steve est un gars qui met de la pression et qui frappe avec beaucoup de puissance. Il s’agissait donc de trouver un entraîneur qui va être capable de lui faire des propositions afin qu’il puisse utiliser ça au maximum. »

 

Une croix sur les MMA

 

Bossé, qui a remporté deux de ses trois combats à l’UFC, se retire du monde des MMA avec une fiche de 12-2. Il dit avoir demandé et obtenu sa libération de l’organisation même s’il venait d’apposer sa signature au bas d’une nouvelle entente.

 

« J’étais supposé me battre le 7 juillet à Las Vegas contre Jared Cannonier, mais une bonne blessure à l’épaule m’a fait prendre la décision de me concentrer davantage sur mon standup », explique-t-il.

 

Bossé s’était déjà montré attiré vers la boxe avant d’être embauché par l’UFC. À l’hiver 2015, il avait signé une entente pour affronter le poids lourd Éric Barrak, mais une offre inattendue de l’organisation de Dana White avait provoqué un conflit d’intérêt qui l’avait forcé à déclarer forfait.

 

Selon un article publié le 1er octobre 2015 dans le Journal de Montréal, Bossé fait depuis l’objet d’une poursuite intentée par le promoteur Michel Croteau, qui réclame au combattant la somme de 180 000 $ pour avoir failli à ses engagements. Jeudi, Bossé a affirmé que l’affaire était toujours devant les tribunaux.

 

Inscrit chez les mi-lourds – c’est-à-dire à un poids officiel de 205 livres – pour la majeure partie de sa carrière en arts martiaux mixtes, Bossé s’est dit ouvert à explorer différentes divisions en boxe. Michel a toutefois précisé que sa recrue combattrait idéalement chez les lourds-légers, soit à un poids maximal de 200 livres.

 

« Je pense que je peux apporter des belles choses en boxe, estime Bossé. Je suis conscient que ça va faire parler beaucoup, mais j’ai toujours vécu avec cette pression. Je carbure à ça. Je suis là pour faire mes preuves et donner un bon spectacle. »