Il y a 5 ans, presque jour pour jour, les amateurs de boxe québécois vivaient l‘un des moments les plus dramatiques et controversés de l‘histoire de ce sport ici.

Le 24 octobre 2008, le champion du monde Lucian Bute effectuait la défense de son titre IBF contre l‘aspirant obligatoire Librado Andrade. Bute procédait à la deuxième défense de son titre, acquis un an plus tôt contre Alejandro Berrio. En février 2008, la première défense de la ceinture du gaucher de 28 ans s‘était effectuée sans trop de difficultés contre William Joppy. L‘arbitre Marlon B. Wright a décidé d‘arrêter le combat après la deuxième chute de l‘aspirant au 10e round.

En mars 2008, Librado Andrade passe le K.-O. à Robert Stieglitz et mérite le statut d‘aspirant obligatoire qui lui vaut une seconde chance de devenir champion du monde. Sa première chance, contre Mikkel Kessler, s‘est traduite par une défaite par décision unanime dans un combat à sens unique. Mais on sait qu‘Andrade est solide, qu‘il peut encaisser et faire mal. Les Montréalais le connaissent déjà puisque le boxeur d‘origine mexicaine a déjà triompré au Québec, en mettant un terme à la carrière d‘Otis Grant.

Pour ce combat contre Bute, Andrade est entraîné par le frère d‘Otis Grant, le Montréalais Howard Grant. Andrade est le protégé de Golden Boy Promotions, et le puissant promoteur fait des siennes la veille du combat, qu‘il menace d‘annuler en raison d‘un conflit sur le choix des gants.

Pour ce duel, Bute semble en forme. Plus tard, Interbox expliquera que Bute a souffert d‘un léger problème de santé qui a expliqué sa perte d‘énergie dès le 11e round.

Bute a dominé l‘aspirant obligatoire et l‘a envoyé au tapis au 10e round. Librado Andrade reste debout et se montre menaçant au 11e et particulièrement au 12e round. On connaît la suite de l‘histoire, lors de la deuxième moitié du dernier round, Bute est mou comme de la guenille, presque K.-O. debout. Il recule d‘un coin du ring à un autre. Dans les toutes dernières secondes, Andrade parvient enfin à coucher le champion. Excité, Andrade n‘écoute pas la consigne de l‘arbitre Marlon B. Wright d‘attendre la fin du compte dans son coin. Bute obtient de précieuses secondes de récupération. Après un très looooong compte de 10, Bute se relève. Marlon B. Wright estime que celui qui a mené toute la bataille serait en mesure de poursuivre les hostilités. L‘action peut reprendre, et la fin du combat est aussitôt marquée. Bute l‘emporte par décision unanime. Toutefois un doute est créé dans l‘esprit des gens. Est-ce que cette victoire est légitime?

Cinq ans plus tard on peut mesurer l‘impact de ces minutes infernales pour les acteurs impliqués dans ce combat :

Librado Andrade a raté la meilleure chance de sa vie de devenir champion du monde. Après sa défaite contre Bute, il est redevenu aspirant obligatoire, mais son deuxième affrontement contre Bute un an plus tard a été dévastateur pour lui.

Marlon B. Wright a été fortement critiqué pour son travail. Au cours des 5 dernières années, il n‘a arbitré que 5 combats de championnat du monde. Les choses semblent se replacer pour lui depuis 6 mois, alors qu‘en juin, il a arbitré le combat entre Yuriorkis Gamboa et Darleys Perez. Puis en juillet, ses services ont été requis en Allemagne pour le duel entre Felix Sturm et Predrag Radosevic.

Howard Grant avait été suspendu pour avoir bousculé l‘arbitre à la fin du combat. Il a donc été tenu à l‘écart du coin lorsqu‘un autre de ses protégés, Hermann Ngoudjo, s‘est incliné en combat de championnat du monde contre Juan Urango. Peu avant la défaite controversée d‘Andrade, Howard Grant avait vu son protégé Joachim Alcine perdre son titre mondial contre Daniel Santos.

Golden Boy Promotions a décrié le travail du juge en plus d‘envisager le dépot d‘un protêt, ce qui n‘a jamais été fait. Deux ans plus tard, GBP s‘est de nouveau retrouvé au Québec à déplorer une décision qui leur déplaisait, soit le verdict nul majoritaire à l‘issue du premier duel entre Bernard Hopkins et Jean Pascal. Hopkins a obtenu un combat revanche qu‘il a remporté par décision unanime, même si ce combat était lui aussi assez partagé.

Lucian Bute a conservé sa ceinture mais, bien conscient du doute généralisé, il a tenu à prendre sa revanche sur Andrade. Cet entêtement à régler ses comptes de manière décisive lui a fait rater une participation au tournoi des Super 6. Qui sait ce que Bute aurait pu accomplir dans ce tournoi. Il aurait peut-être pu battre les Andre Ward et même, pourquoi pas, Carl Froch dans un contexte différent. Mais plutôt que d‘affronter les meilleurs de la division des supers-moyens, Bute a perdu deux années à affronter des boxeurs comme Jean-Paul Mendy, Jesse Brinkley et Fulgencio Zuniga.

Les défenses obligatoires

Bref, les combats de défenses obligatoires n‘auront jamais été faciles pour les boxeurs québécois. On n‘a qu‘à penser aux combats suivants :

Bute contre Andrade

Bute contre Carl Froch

Joachim Alcine, défaite par K.-O. contre Daniel Santos

Eric Lucas a perdu son combat contre son adversaire obligatoire Marcus Beyer.

Il y une exception à cette règle (et je ne parle pas de Bute contre Mendy), c'est la victoire méritée de Jean Pascal sur Chad Dawson.

La défense obligatoire de Stevenson

Le prochain combat de notre champion mondial Adonis Stevenson sera justement un combat de défense obligatoire. Mais il y a une grande différence entre ce combat contre Tony Bellew et les autres défenses obligatoires que nous avons vues de nos précédents champions québécois.

Auparavant, lorsqu‘un boxeur devenait champion, il profitait de l‘occasion pour « rentabiliser » son titre dans des défenses pas trop dangereuses, en attendant le combat plus risqué contre l‘adversaire obligatoire.

Sauf qu'Adonis Stevenson bouleverse complètement ce modèle conservateur. Probablement à cause de son âge avancé et de l'attrait qu'il représente pour la riche télévision américaine, ce troisième combat de championnat de Stevenson sera peut-être son moins intéressant, en terme d'opposition. Après avoir vaincu des gros noms comme Dawson et Tavoris Cloud, la défense obligatoire imposée par le WBC apparaît comme une pause imposée avant de reprendre les batailles contre des adversaires plus prestigieux.

C‘est le monde à l‘envers, mais merci Adonis de rendre les choses aussi intéressantes!