Comme soirée décevante, ce fut parfaitement réussi. Pas parce que le favori de la foule Lucian Bute a perdu, mais parce qu'on n'a jamais eu le combat qu'on nous avait promis.

On s'attendait à une guerre, à une bataille au cours de laquelle les deux combattants allaient devoir souffrir pour l'emporter. On n'a rien vu de tout ça. Si Bute est allé à la guerre, il a utilisé des fusils à eau parce que Jean Pascal n'a jamais été écorché. Sa stratégie a été la bonne. Au lieu de foncer sur son rival comme une bête assoiffée de sang, il a attendu que Bute vienne à lui. Cette attitude a totalement décontenancé Bute qui a semblé anticiper un piège quelconque.

Bute avait prédit une destruction. C'est le seul moment de la semaine où il a vraiment osé quelque chose. Durant cette bataille, il n'a jamais provoqué quoi que ce soit. Et disons-le, s'il y a eu une destruction hier soir, ce sont les espoirs de ses milliers d'admirateurs que le boxeur roumain a détruits.

Bute a reconnu avoir été paralysé, une réaction qu'il n'était pas en mesure d'expliquer. Il a toutefois admis que Pascal avait élaboré une stratégie gagnante. Il était déçu, mais il ne parlait pas de retraite, une perspective qui ne lui a jamais effleuré l'esprit.

L'entraîneur Stéphan Larouche avait révélé durant la semaine que si son boxeur laissait aller ses mains durant le combat, il allait bien s'en tirer. Ses mains, Bute les a gardées pour lui. Il n'a jamais foncé dans les ouvertures béantes que Pascal lui a offertes. Ce dernier a passé une bonne partie du combat les bras pendants, le menton avancé, l'air de dire: «Allez, vas-y, frappe-moi.» Les coups ne sont jamais venus. Comme si Bute craignait la riposte de Pascal. J'ignore si c'est le cas, mais Bute s'est battu comme s'il avait eu peur. Peur de son rival, peur de sa puissance, peur que ça tourne mal une autre fois, peut-être.

Il a encaissé plusieurs coups. Des solides. Des coups qui l'ont ébranlé. Si Pascal voulait se faire plaisir, il dirait sûrement qu'il lui en a mis plein la gueule.

Le combat, mené de bout en bout par Pascal, s'est terminé dans l'arrogance, cependant. Vers la fin, le vainqueur a levé les bras en se moquant de Bute. Il l'a contrôlé comme s'il avait eu une marionnette entre les mains. Il a même commis l'affront de lui asséner des jabs (qui touchaient la cible) même s'il le frappait tout en regardant ailleurs.

C'est une victoire sans équivoque qu'il a remportée. Après avoir réclamé ce face à face depuis cinq ans, il n'a pas mis de temps à se proclamer le « King du Québec », une déclaration qu'il a faite à quelques pieds d'Adonis Stevenson, l'unique champion mondial en terre québécoise.
Le seul moment où Bute n'a pas paru amorphe, c'est quand il a martelé son rival de coups à la tête dans le coin des câbles à l'occasion du dernier round. Pendant un moment, les spectateurs ont cru au miracle. Pascal semblait sans défense pendant que Bute vidait son réservoir d'énergie à le frapper. Il s'est sorti de là sans trop de mal et a échangé quelques coups avec un gars perdu d'avance, pour la forme, avant que la cloche confirme sa victoire.

Quand on lui a demandé ce qui s'est passé durant ce moment en apparence inquiétant pour lui, Pascal a été égal à lui-même. Devant la caméra de HBO, il a expliqué au commentateur maison qu'il s'était laissé frapper volontairement pour rendre la fin intéressante et s'assurer ainsi d'une revanche.

« Je ne sais pas pourquoi »

Pris par surprise, le commentateur lui a demandé si c'était une blague? On ne peut logiquement se laisser frapper de cette façon sans courir un certain risque. Pourtant, Pascal lui a confirmé qu'il avait vraiment agi avec cette intention en tête.

C'est une déclaration qui a contribué à retirer tout crédit à Bute pour son unique barrage de coups de la soirée. Stéphan Larouche n'a pas paru impressionné.
« Pascal dit parfois des choses étranges, a-t-il mentionné. S'il a vraiment agi de cette façon, il a joué avec le feu parce que l'arbitre a le loisir d'arrêter le combat quand un boxeur semble sans défense dans les câbles. »

Pour les spectateurs, le simple fait que la bataille ait duré 12 rounds justifie un combat revanche. D'ailleurs, quand Bute a déclaré dans le ring qu'il souhaitait une revanche, la foule a réagi positivement.

La réponse est davantage entre les mains du gagnant de ce combat. Le Groupe GYM n'a pas l'obligation d'organiser sur-le-champ un autre affrontement entre les deux hommes. Il peut aller voir ce qui se passe ailleurs avant de revenir vers Bute. S'il revient un jour, évidemment. Il peut aussi aller se mesurer à Adonis Stevenson, mais il serait étonnant qu'on s'attaque au vrai monarque du Québec qui terrasse tout ce qu'il voit devant lui.

L'explication que le promoteur Yvon Michel a donné au sujet de cette possibilité a de quoi refroidir la partie adverse. Ce ne sera certainement pas à la prochaine occasion, a fait remarquer Michel. Pascal va recevoir des propositions. Pendant ce temps, Bute va devoir corriger certaines choses, selon lui. Une remarque qui laisse supposer que le Bute qu'on vient de voir n'est probablement plus capable de jouer dans la cour des plus grands.

Force est d'admettre que si Bute ne parvient pas à hausser la qualité de ses performances, il va devoir se satisfaire de combats secondaires et moins dangereux pour sa santé. Le Bute cuvée 2014 ne ressemble en rien au champion mondial qui avait gagné tout le Québec à sa cause.

Bute a payé

Dans les circonstances, on peut difficilement reprocher à Pascal de s'être payé une traite aux dépens d'InterBox dans son point de presse. Il a savouré un moment de gloire longtemps attendu.

« InterBox a essayé de me dénigrer sans raison, a-t-il précisé. Bute était le plus fin, le plus beau, le meilleur. On a dit toutes sortes de choses sur moi. Quand on connaît du succès, on cherche à nous rabaisser. »

Pascal a du mérite. On pourra dire tout ce qu'on voudra, mais quand on habite Laval et qu'on se fait huer en plein Centre Bell, ça te froisse un amour propre. Il s'est battu à la maison au même titre que Bute, mais c'est son adversaire, Québécois d'adoption comme lui, qui a fait trembler l'édifice à la suite de l'ovation monstre qu'il a reçue.

Malgré des circonstances défavorables pour lui, Pascal a serré les dents et a réussi à faire passer son message. Il y a si longtemps qu'il prétendait être supérieur à Bute. Il a enfin pu en faire la démonstration.

Alvarez ne sort pas grandi

Eleider Alvarez, supposément l'un des plus beaux espoirs du Groupe GYM, a remporté son combat par décision unanime contre le rude, coriace et physiquement puissant Andrew Gardiner, mais le combat a été beaucoup plus serré que les juges l'ont laissé paraître.

On avait l'impression qu’Alvarez se devait de gagner le dernier round pour remporter la victoire. Il est celui qui a porté les meilleurs coups au 10e round, mais il s'est aussi attiré les huées de la foule en y allant de deux ou trois manoeuvres sournoises pour ébranler son rival. Au son de la cloche, Alvarez a été réprimandé par l'entraîneur de Gardiner. Froissé, il a repoussé son adversaire au lieu de lui donner la traditionnelle accolade qui scelle une rude bagarre.

La victoire d'Alvarez a été copieusement huée et Gardiner a quitté les lieux sous les applaudissements nourris de la foule. Alvarez a du travail à faire pour remonter dans l'estime des amateurs. Ses bouffonneries de fin de combat ont terni son image et affecté sa popularité.

C'est une bonne chose que ce combat n'ait pas été présenté à HBO. On se serait mal expliqué qu'un boxeur local, supposément favori de la foule, puisse se faire conspuer de cette façon.