Bute / Pascal : un conte de Noël
$content.firstChildCategorie mercredi, 9 juil. 2014. 21:17 samedi, 12 janv. 2013. 06:02Samedi 22 juin 2013. Le Québec est en liesse. Le Canadien accède à la finale de la Coupe Stanley grâce au brio de Scott Gomez. Transformé après le lock-out, le petit attaquant permet à l‘équipe de Michel Therrien de terminer au 1er rang de la ligue après une saison régulière de 48 matchs amorcée à la mi-janvier. Montréal affrontera Phoenix en finale. L‘équipe disputera ses derniers matchs en Arizona avant le déménagement de l‘équipe à Québec. À coup sûr, les champions de la Coupe Stanley joueront dans la Belle Province la saison prochaine!
Mais cet engouement n‘est rien derrière l‘événement qui se trame au Stade olympique. À 2 jours de la fête nationale, les deux meilleurs boxeurs québécois de leur génération, Jean Pascal et Lucian Bute s‘affronteront devant 60 000 spectateurs. Le combat est télédiffusé par HBO sur la scène mondiale. Au Québec, RDS et TVA Sports se sont entendus facilement sur un partenariat pour la retransmission de l‘événement. Le combat, animé conjointement par Le Baron et Dave Morissette et analysé par Bertrand Raymond et Réjean Tremblay, est aussi présenté sur écran géant sur les plaines d‘Abraham! Dans son énervement, le maire Labaume commente ainsi : « C‘est comme si Cassius Clay affrontait Muhammad Ali! »
Ces deux grands athlètes illustrent bien le Québec moderne. Bute et Pascal représentent deux modèles pour toute une génération, issus de l‘immigration haïtienne et roumaine pour le plus grand bienfait de la société québécoise, et qui ont choisi le français comme langue dans leur vie de tous les jours. Et comme 3e homme dans le ring, on retrouve le meilleur arbitre du Québec, Michael Griffin, ce qui démontre encore une fois que dans la société québécoise comme dans le ring, le vrai boss au Québec, c‘est l‘anglophone!
Exceptionnellement pour ce combat, les juges sont Jean-Paul Chartrand (qui constate qu‘à 82 ans, il n‘est pas assez actif), la juge France Charbonneau et le juge Marc David.
Ce combat, jugé improbable 6 mois plus tôt, est devenu réalisable quand Yvon Michel a finalement cédé aux pressions incessantes de Jean Bédard. Interbox, qui misait sur un 2e combat entre Lucian Bute et Carl Froch, a dû se raviser quand le boxeur anglais a annoncé sa retraite au printemps après avoir été « knocké » devant ses partisans à Nottingham par Adonis Stevenson, le nouveau champion mondial IBF des super-moyens. Stevenson allait ensuite défier Andre Ward pour une unification chez les 168 livres.
Bute ne s‘est pas battu depuis son combat contre Denis Grachev (devenu entre-temps champion du monde IBU après un combat courageux contre Aleksy Kuziemski; Grachev l‘a emporté aux points même s‘il n‘a pas pu se servir de ses 2 bras dès le 3e round).
Pour sa part, Jean Pascal a retrouvé son titre de champion du monde WBC des mi-lourds contre Chad Dawson. Et celui qui voulait devenir le « meilleur boxeur de la galaxie » a décidé de simplement se battre pour le « championnat mondial de Laval ». Atteint d‘une soudaine et inattendue période d‘humilité, l‘ego de Pascal a diminué, ce qui a eu des conséquences physiques sur son poids; sa tête a « désenflé » et Pascal a ainsi pu atteindre le « catch weight » de 172 livres.
Comme à l‘habitude, la sous-carte montée conjointement par GYM et Interbox a été critiquée. David Lemieux contre Sergio Martinez, Eleider Alvarez contre Nathan Cleverly, Renan St-Juste contre Arthur Abraham. Bref comme le disent plusieurs personnes sur le Grand Club, « encore des jambons venus grossir la fiche des boxeurs locaux ». Par contre le combat retour de Stéphane Ouellet contre un « no-name » de Val-d‘Or crée pas mal d‘engouement.
Le combat
Le grand moment approche, les lumières s’éteignent. Pascal est le 1er à entrer sur le ring sur l’air de « Gens du pays» remixé en rap et rebaptisé « Jean du pays ». Lucian Bute s’amène, non pas sur l’air de Nickleback, mais sur « Where the Streets have no name » interprété par U2, en direct sur place!
Le combat commence, tranquillement. Les boxeurs s’étudient. Bute est convaincu d’avoir la meilleure stratégie. Après tout son entraîneur Stéphan Larouche connaît très bien Pascal, qu’il a déjà entraîné sur l’équipe nationale canadienne lors des Jeux olympiques d’Athènes. Au 3e round, Pascal se rue sur Bute, décoche plusieurs coups de puissance. Bute est en difficulté mais il est sauvé par la cloche.
Pascal revient à la charge dès le début du 4e round et Bute le surprend en contre-attaque. Il profite de la largesse des coups de Pascal pour loger son terrifiant crochet de gauche au foie de Pascal. Le protégé de GYM tombe. Mais il se relève avant la fin du compte. Pascal a appris sa leçon et Bute gagne du temps.
Après un petit passage à vide entre les rounds 5 à 7, la foule se met de la partie. Les encouragements en faveur de Pascal sont rapidement enterrés par ceux, plus nombreux en faveur de Bute.
Les rounds 8 à 12 passeront à l’histoire. Les attaques, mesurées et calculées de part et d’autre, servent d’étincelles à des échanges puissants. Au 11e round, Bute, épuisé, accroche Pascal.
Au 12e round, Jean Pascal croit pouvoir enfin achever Lucian Bute qui met un genou par terre. Mais soulevé par la foule qui ne cesse de le soutenir bruyamment depuis 10 minutes, Bute se relève et joue le tout pour le tout en fonçant sur Pascal. Les 45 dernières secondes sont à couper le souffle. À la cloche finale, les deux boxeurs lèvent les bras en signe de triomphe. À tour de rôle, Pascal et Bute grimpent sur les câbles pour saluer les milliers de spectateurs. Et les 2 boxeurs sont acclamés. Dans les gradins, partisans de Pascal et Bute font la paix et félicitent leur boxeurs respectifs. Sur le parterre, Mario Dumont fait même l’accolade à Gabriel Nadeau-Dubois. Sur le Grand Club, Aliena Tornado devient membre du groupe « fans de Jean Pascal ».
L’annonceur Michael Buffer félicite en français les 2 boxeurs pour ce grand combat qui va passer à l’histoire. Il annonce les pointages. Juge Chartrand 113–113, juge Charbonneau de la commission du même nom, 113–113. Le juge Marc David, qui avait présidé le procès Guy Turcotte, rend une autre décision de cave et accorde quant à lui un pointage de 120–106 en faveur de Bute, un score que tout le monde conteste évidemment! Aucune importance. Combat nul majoritaire.
Malgré ce résultat nul, les deux boxeurs sortent gagnants de l’affrontement, la boxe atteint un sommet de popularité inégalé au Québec et les deux promoteurs s’en sont mis plein les poches.
Un deuxième affrontement sera programmé à l’automne. En prime, Pascal et Bute, qui ont vécu les dictatures de Duvalier, de Ceauşescu et de Vaillancourt, décident de s‘impliquer socialement à l’instar de Manny Pacquiao et Vitali Klitschko, et de s’affronter sur l’arène politique à la mairie de Laval.
Joyeux Noël à tous et que vos rêves se réalisent en 2013.