Coma. Mort. Violence. Démence : la boxe est un sport dur, et l’actualité sportive nous l’a rappelé le 1er décembre dernier. Souvent illustrée au cinéma par de grandes oeuvres, cette fois, une partie de l’univers dramatique de la boxe est présenté en chansons, en suivant le parcours de l’un des meilleurs boxeurs de tous les temps.

45 ans après son passage au Forum où il a triomphé de Donato Paduano, Emile Griffith est de retour à Montréal. La vie dramatique de l’ancien boxeur, décédé en 2013, est racontée à l’Opéra de Montréal pour encore 3 représentations, dans le cadre de l’opéra « Champion ».

« Tout le monde peut se retrouver dans cette oeuvre puisque l’on parle de boxe, de jazz, d’opéra, et de situations sociales », explique le directeur artistique de l’Opéra de Montréal Michel Beaulac. « C’est une oeuvre actuelle. Elle parle aussi de harcèlement, d’intimidation, de violence, de sensibilité, de relation mère-fils, et de la relation entraîneur-boxeur. »

Comme je l’ai personnellement expérimenté, nul besoin d’être familier avec l’art lyrique pour apprécier le spectacle, présenté en première samedi soir à la Place des Arts. « Champion », c’est un opéra non conventionnel et contemporain, composé par l’américain Terence Blanchard et dont le dramaturge Michael Cristofer a écrit le livret.

Il raconte particulièrement le combat du 24 mars 1962, qui a éventuellement coûté la vie à Benny Paret. Je n’avais jamais regardé ce combat, et avant d’assister à la représentation de samedi soir, j’ai visionné l’horreur de ce vendredi soir-là au Madison Square Garden. Après avoir visité le tapis au 6e round, Griffith se remet en selle. Au 12e round, il assène à son adversaire une séquence de coups d’une rare violence, à laquelle assiste passivement l’arbitre Ruby Goldstein. Tombé inconscient sous la rafale de coups (un peu comme Cleveland Denny en 1980), Benny Parret est mort 10 jours plus tard.

L’opéra nous ramène aux circonstances avant le combat, où « Kid » Paret lançait des insultes homophobes ("maricon") à Griffith, qui n’a jamais caché sa bi-sexualité. Malgré le drame qui l’a affecté, Emile Griffith a pu poursuivre sa carrière 15 autres années. Il l’a étirée inutilement pour disputer un total de 111 combats (85-24-2). Les nombreuses commotions cérébrales subies par Griffith ont provoqué une encéphalopathie traumatique chronique. Souffrant de démence, Emile Griffith est mort à l’âge de 75 ans.

Une oeuvre « coup de poing »

Sans rien enlever aux boxeurs qui se livraient de réelles batailles sur le ring samedi au Casino de Montréal, l’opéra « Champion » mérite le titre de  combat , ou de gala de l’année. Le dur monde de la boxe y est représenté de manière brillante, avec ingéniosité, particulièrement avec l’annonceur du ring qui présente les différentes étapes difficiles traversées par Griffith de l’enfance à la démence.

Le boxeur né aux Iles Vierges est représenté à 3 époques de sa vie par 3 chanteurs différents. Le montréalais Nathan Diluba représente l’enfant délaissé par sa mère et soumis à de durs traitements par sa cousine. L’américain Aubrey Allicock nous fait vivre Griffith depuis la candeur de sa jeunesse jusqu’aux tourments de sa fin de carrière. Mais celui qui vole la vedette est la voix basse américaine, Arthur Woodley, très touchant à la fin de sa vie. «Cet homme réclame une rédemption. Il s’est toujours senti coupable de la mort de son adversaire et se demande pourquoi il a fait ces choix dans la vie. C’est une oeuvre sur la rédemption et le pardon qu’il réclame à lui-même» ajoute Michel Beaulac. La prestation d’Arthur Woodley est remarquable, évidemment au niveau de l’interprétation vocale, mais aussi avec son jeu physique, qui recrée les tremblements d’un Muhammad Ali, tout en ayant la silhouette d’un homme qui pourrait être Adonis Stevenson avec sa casquette.

 Mention spéciale également au ténor Victor Ryan Robertson dans le rôle de Benny Paret, qui parvient à chanter tout en s’entraînant à la corde à danser!

 Les 3 dernières représentations de « Champion », à l’Opéra de Montréal, auront lieu les 29, 31 janvier et 2 février.