Il n’y a rien de pire pour un boxeur ou une boxeuse que de voir un combat, surtout un combat de championnat, être annulé à la toute dernière minute. Toutes ces semaines d’entraînement intensif, de diète, de méditation… tout cela s’en va chez le diable au moment où on apprend que l’autre se désiste.

On comprend mieux aujourd’hui pourquoi Lina Tejada n’a pas voulu enlever ses lunettes lors de la pesée officielle de vendredi, en vue de son match de championnat contre Marie-Ève Dicaire. Elle ne voulait pas que l’on voit son œil aveugle.

Aveugle d’un œil, elle a été capable de déjouer les examens des médecins de la République dominicaine, de la France et de l’Allemagne, mais pas le médecin de la Régie des sports de combat du Québec

Elle est loin d’être la seule parmi tant de boxeurs à boxer avec un seul œil. On vous a parlé de Mauricio Amaral, qui devait affronter Eric Lucas en juin 1998, au Centre Molson. C’était le deuxième gala présenté par le nouveau-né,  InterBox. Ce soir-là, Éric Lucas devait défendre sa couronne WBC Internationale pour la première fois. On se souviendra qu’Éric avait remporté les honneurs de cette couronne en avril en battant Segundo Mercado par K.-O. au cinquième engagement.

Bon œil du docteur Meunier

Quand le regretté docteur Pierre Meunier a annoncé à Yvon Michel la nouvelle que Amaral était aveugle d’un œil, le vendredi midi, un jour avant le match, ce fut la panique totale. Neuf boxeurs devaient se battre le lendemain soir, dont Dave Hilton, en demi-finale.

Hans Mulheg, alors le grand argentier d’InterBox refusa carrément de présenter le gala sans Éric Lucas. La soirée fut donc annulée.

Mauricio Amaral n’a jamais boxé depuis ce jour et il a quitté le sport avec une fiche de (34-3-1—26/K.-O.).

Comment s’y prenait-il pour déjouer les médecins qui l’examinaient? Je suppose comme tous les autres avant lui. Et il y en a eu plusieurs. Le truc est assez simple. Il s’agit d’apprendre par cœur les graphiques et ensuite de jouer le jeu. Lorsque l’optométriste ou le médecin demande de lire la ligne du bas, il s’agit de soulever l’appareil qui cache un œil et de réciter par cœur la ligne. Plus souvent qu’autrement, cela se fait dans la pénombre. 

On prétend que Joe Frazier a boxé avec un seul œil, l’autre étant pratiquement aveugle.

Le champion à moitié aveugle

Mais le plus grand de ceux qui ont su déjouer le système est Harry Greb (107-8-3—48/K.-O.), le champion des poids moyens de 1923 à 1926 et le seul boxeur à avoir vaincu le champion des lourds, Gene Tunney (65-1-1—48/K.-O.). Comment s’y est-il pris pour cacher un œil de vitre?

Un autre boxeur de Philadelphie, un certain « Gypsy » Joe Harris, a aussi boxé avec un seul œil après avoir été blessé par une brique lancée par un ami alors qu’il était jeune.

Il a livré 21 de ses 25 combats à Philadelphie, sa ville natale, ne perdant qu’une décision contre Emile Griffith,  le champion mondial des mi-moyens et des moyens de 1961 à 1967.

Lors d’un examen de la vue avant un combat, le médecin de la Commission de la Pennsylvanie a constaté qu’un œil de Harris se décolorait. C’est là qu’il a bien compris qu’il  s’était battu pendant tout ce temps avec un seul œil,

Oscar et Kubrat

Même s’il a dû combattre avec une vilaine coupure à l’œil gauche, Kubrat Pulev a su vaincre le gros Bogdan Dinu par K.-O. au septième round, samedi soir, au Hangar de Costa Mesa, en Californie.

Un combat tout de même assez spectaculaire entre poids lourds, lors duquel Dinu a pris les commandes au début mais a lamentablement faibli par la suite.

Je vous parle de Pulev car il avait déclaré avant d’affronter Dinu que s’il parvenait à le vaincre, il lancerait un défi à Oscar Rivas, son tombeur lors des Jeux olympiques de 2008.

Cette année-là, Pulev défendait les couleurs de la Bulgarie, et Rivas, celles de la Colombie. Rivas était sorti victorieux en première ronde par un compte de 11-5 contre Pulev. Rivas devait perdre 5-9 la ronde suivante contre Roberto Cammarelle.

Éliminer une défaite

« Je veux éliminer cette défaite contre Rivas, avait déclaré Pulev avant son affrontement avec Dinu. Je veux le faire payer pour ce revers. »

Maintenant âgé de 37 ans (4 mai 1981), Pulev en était à son premier voyage en sol américain. Il est installé au premier rang des aspirants à la couronne IBF d’Anthony Joshua.

Sa seule défaite remonte au mois de novembre 2014, alors qu’il avait perdu par K.-O./5 face à Wladimir Klitschko. Depuis, il a livré sept combats et les a tous gagnés, dont deux par K.-O.

On sait que Rivas doit se battre en juin prochain contre un rival qui n’a pas encore été choisi. Pulev serait un adversaire de classe pour le Colombien qui a passé le K.-O. à l’Américain Bryant Jennings en janvier dernier.

Bonne retraite Lucian!

Lucian Bute est arrivé chez nous au Québec il y a maintenant plus de 15 ans, mais il était épié par Yvon Michel, Bernard Barré et Stéphan Larouche depuis 1999, lors de sa présence au Championnat du monde à Houston, où il avait remporté une médaille de bronze.

Lucian Bute dans l'Antichambre

La deuxième surveillance est arrivée aux Jeux de la Francophonie, à Ottawa, où Bute avait gagné la médaille d’or.    

Puis, ce fut les observations de 2003, à Bangkok en Thaïlande, où Bute a eu le malheur d’affronter un certain Gennady Golovkin. Cette fois, ce fut une défaite par K.-O./4 aux mains du Kazakh. Mais en 2003, Éric Lucas était sur le point de se rendre en Allemagne pour y défier Markus Beyer et y défendre sa couronne WBC des super-moyens pour la quatrième fois. Lucian Bute était le partenaire d’entraînement idéal pour Lucas. Il était grand, il était gaucher et il cognait assez durement.

On connaît la suite. Lucas s’est fait voler la décision en Allemagne et il a perdu sa couronne de champion. Au même moment, Bute avait décidé de s’établir en permanence au Canada et a lancé sa carrière professionnelle. Il a gagné 19 combats avant de finalement devenir champion le 19 octobre 2007, en battant Alejandro Berrio.

Bute s’est retiré avec une fiche de (32-5-0—25/K.-O.). Il a été impliqué dans 13 combats de championnat et en a gagné 10.

Comme le prétend si bien Russ Anber, « Bute est celui qui a redonné  vie à la boxe montréalaise ».

Il a été spectaculaire par moment, mais son fait d’armes le plus important, c’est celui de s’être intégré si bien à la culture québécoise.  Pour cela, je lui lève mon chapeau et je le salue comme on salue un champion.

Bonne boxe!