James DeGale prétend qu’il est le meilleur super-moyen de la planète tout entière. Allez dire cela à Carl Froch, qui menace de sortir de sa retraite pour faire taire son compatriote. Ou bien encore à Badou Jack, vainqueur de ses quatre derniers combats, qui voudrait bien l’affronter.

Malgré tout, DeGale crie sur tous les toits qu’il détruira Lucian Bute en trois rounds, peut-être, mais pas plus.

James DeGale est un excellent boxeur. Et le premier à l’admettre est nul autre que son prochain rival, Lucian Bute. Mais un bon boxeur peut le vaincre. Et Lucian Bute est un bon boxeur, un ex-champion. C’est vrai qu’il n’a boxé que trois fois au cours des trois dernières années et qu’il a mal paru contre Jean Pascal, mais c’est un ancien champion qui tente de se retrouver.

Si Lucian gagne, il reprend son titre IBF qu’il a si bien défendu pendant de nombreuses années. S’il perd, c’est la fin ou presque. Après tout, il aura 36 ans en février prochain.

Mais revenons à DeGale. Qui a-t-il battu ces derniers temps? Andre Dirrell est sa dernière victime. C’est vrai qu’il l’a envoyé au tapis en deux occasions. Mais souvenez-vous que durant la deuxième partie de la confrontation, il a tiré la patte, si bien que Dirrell est parvenu à gagner cinq des six derniers engagements de leur affrontement.

Se prouver à lui-même

Comme plusieurs avant lui, Lucian Bute veut se prouver à lui-même qu’il n’est pas fini. Sous la tutelle des frères Grant, il a sué à grosses gouttes pour reprendre sa forme physique et surtout sa confiance en lui.

Reste maintenant à savoir si ses poings pourront suivre la rapidité d’exécution de son cerveau.

On a senti un ralentissement de sa part après sa victoire revanche éclatante sur Librado Andrade en novembre 2009.

Ce fut tout d’abord Edison Miranda, une sorte de faire-valoir qui n’a jamais été dans le combat. Enfin, au troisième engagement, il pouvait griller une cigarette. Bute lui avait passé un K.-O. technique.

En octobre 2010, une autre canne de tomate du nom de Jesse Brinkley s’endormait au 9e assaut.

Brian Magee a suivi en 2011, mais ce vainqueur d’Éric Lucas n’a pas connu un meilleur sort en baissant pavillon par K.-O. technique/10.

Et la liste des super adversaires s’est poursuivie avec un K.-O./4 face à Jean-Paul Mendy. C’était sa première défaite en carrière et ce fut aussi son dernier match en carrière.

Monsieur Johnson

Que peut-on dire du suivant, Glen Johnson. Un pied de céleri de 42 ans, usé à la corde. Un type très gentil, mais rendu au bout du rouleau. Malgré tout, il s'est rendu au bout des douze rounds et a perdu par décision.

En 2012, ce fut la première défaite de Lucian dans le monde professionnel, et quel revers! Totalement éclipsé au cinquième round par Carl Froch, le chéri de l’Angleterre. Ce fut le point tournant de la carrière de Bute.

Depuis ce jour fatidique, il n’a livré que trois combats. Il en a gagné deux contre des rivaux qui n’ont rien d’un champion et a perdu dans l’autre contre Jean Pascal.

Contre Pascal, ce fut une sorte d’horreur pendant onze des douze assauts du combat. On se serait cru devant un imitateur de Rudolf Nureyev ou encore de Mikhaïl Barychnikov, deux des meilleurs danseurs de ballet que le monde ait connu. C’est là que plusieurs admirateurs de Lucian ont décroché.

Mais il faut se souvenir que tout homme sur cette basse terre a droit à une deuxième chance. Pour Lucian, c’est samedi ou...?

Bute a-t-il raison de croire qu’il pourra reprendre son titre IBF des super-moyens? D’autres avant lui ont déjà réussi l’exploit. George Foreman a été couronné champion à nouveau, dix ans après avoir perdu son titre.

Le grand Sugar Ray Leonard a été couronné la première fois en 1979 grâce à un K.-O. technique/15 sur Wilfredo Benitez. Il a mis fin à sa carrière en 1984 puis est revenu à la compétition en 1987 pour reprendre sa couronne des mains du Marvelous, Marvin Hagler.

Le cas le plus pathétique est peut-être celui de Cassius Clay, mieux connu de nos jours sous le nom de Muhammad Ali.

C’est en 1964 qu’il s’est couvert de gloire en battant le méchant Sonny Liston. Il a ensuite été dépouillé de son titre de champion pour avoir refusé de s’engager dans l’armée américaine. En 1974, il a finalement repris son titre à la grande surprise de tous, en battant nul autre que le gros George Foreman.

C’est un rêve

Si tous ces champions ont vu leur rêve se réaliser, pourquoi n’en serait-il pas ainsi pour Lucian Bute?

J’ignore si Bute a totalement éliminé de son subconscient ce cuisant revers en cinq rounds contre le Britannique Carl Froch, en 2012. C’est vrai qu’il n’a plus jamais été le même par la suite. Oh, il a bien vaincu depuis Denis Grachev et Andrea Di Luisa, mais il a très mal paru face à Jean Pascal en janvier 2014.

Ses entraîneurs Otis et Howard Grant prétendent qu’il est au meilleur de sa forme physique et que mentalement, il a totalement effacé cette soirée de mai 2012, en Angleterre.

Je veux bien les croire, mais vous connaissez le vieux proverbe : chassez le naturel et il revient au galop. J’ai peur que si jamais les choses se corsent, Lucian recommence à boxer sur la pointe des pieds et se remémore ce fameux K.-O. qu’il a subi aux mains du Cobra. En anglais, ce syndrome s’appelle gun shy.

Fiche parfaite à Québec

Heureusement, Lucian Bute n’a jamais perdu un combat dans la ville de Québec et je suis convaincu qu’il ne voudra pas ternir la réputation du Centre Vidéotron, qui en sera à sa première présentation d’un match de boxe. Par contre, James DeGale n’a jamais connu la défaite au Canada. Il s’agit de sa deuxième présence chez nous. On se souviendra qu’en 2013, au Hilton du Lac Leamy, il n’avait fait qu’une bouchée de Sébastien Demers en l’expédiant au pays des rêves dès le deuxième engagement.

J’ignore le plan de match de Lucian. Mais j’ose croire qu’il tentera de boxer prudemment dans la première partie du combat. DeGale a cette mauvaise habitude de ralentir dans les cinq ou six derniers rounds, comme ce fut le cas contre Andre Dirrell.

Si je me fie aux déclarations des frères Grant, Lucian est fluide dans ses mouvements, sa force de frappe est toujours là et il est en superbe forme physique. Ce sont là des points très positifs en sa faveur. Mais je suis aussi conscient que DeGale a passé le K.-O. à trois de ses quatre derniers rivaux.

Peut-être que je rêve en couleur, mais je favorise Lucian Bute pour remporter la victoire par décision. Je me dis qu’un homme aussi intelligent que lui ne monterait pas sur le ring s’il ne croyait pas en ses chances de l’emporter. Si j’ai raison, je vais passer pour un génie. Si je me trompe, au moins j’aurai été un ami fidèle jusqu’au bout. Mais je vous l’avoue, je ne gagerais pas sur ma décision.

Bonne boxe!