La boxe est-elle rendue aussi indigente, aussi mal en point, aussi en manque de publicité, qu’il lui faut piger dans le monde des Youtubers pour remplir les gradins et ajouter des abonnés à la liste pourtant imposante de DAZN ?

Il semble que oui.

Tout le gratin d’Hollywood y était, des acteurs, des chanteurs, des rappeurs.  Même l’homme à la voix d’or, Michael Buffer avait cessé de compter ses millions pour venir divertir la foule avec son : « Let’s get ready to rumble… » sous l’œil attentif de son frère Bruce, lui-même annonceur maison pour le compte de l’UFC.

En tout cas, il y avait 12 147 spectateurs, bien réchauffés, dans le Staples Center de Los Angeles, samedi soir, et si on se fie aux dirigeants de DAZN, le gala qui présentait aussi deux matchs de championnat aurait attiré pas moins d’un million d’amateurs de sensation forte, dont plusieurs étaient de nouveaux abonnés.

C’est le Bonhomme P.T. Barnum, celui qui a lancé jadis la phrase célèbre : « Un nigaud est né à chaque jour » qui devait jouir dans sa tombe.

Des coups durs

Il y a une semaine, un gala de boxe a été retardé pendant plus d’une heure pour permettre à l’UFC de présenter son spectacle à la télé. Ce samedi, ce sont deux blogueurs, KSI et Logan Paul qui ont été le centre d’attraction pendant que deux champions de boxe  mettaient leurs titres en jeu.

Le clou de la soirée a été l’atroce performance de l’arbitre Jack Reiss, pourtant reconnu jusque-là comme un des meilleurs officiels du monde pugilistique.

Sa décision a permis à KSI de remporter la victoire par décision majoritaire.

Il a refusé une chute au tapis par Logan Paul, au troisième engagement, prétextant que c’était plutôt une glissade  

Mais il a fait encore pire à la quatrième reprise quand KSI s’est retrouvé au tapis après un bon uppercut, mais suivi d’un coup derrière la tête après avoir chuté. Reiss a alors puni Logan Paul pour deux points ce qui n’est pratiquement jamais alloué par un arbitre. Or, si on regarde la décision des juges, c’est la déduction de deux points à la fiche de Paul qui a fait la différence dans le match.

Un juge a remis une carte de pointage de 56/55 pour Logan et les deux autres ont opté pour KSI par 56/55 et 56/54.

Au fait, KSI a remporté les honneurs de l’affrontement de six assauts tout de même gouté par la foule, bien que les deux adversaires en étaient à leur premier match dans le monde professionnel.

Un premier affrontement entre les deux hommes, chez les amateurs en Angleterre, en 2018, avait attiré pas moins de 1,2 million de personnes, à 10$ l’unité et une foule de 15 000 personnes à l’Aréna de Manchester ce qui est supérieur, mais pas pour le même prix pour les téléspectateurs attirés par Manny Pacquiao, Deontay Wilder, ou bien encore Errol Spence, fils,  aux États-Unis.

Saunders, malade

Mais assez pour le spectacle des blogueurs et des rappeurs. Revenons  à la vraie boxe.

Pour la première fois de sa carrière, Billy Joe Saunders montait sur une arène en sol américain. En décembre 2017, il était venu au Canada y affronter et vaincre facilement David Lemieux, à la Place Bell de Laval.

 Il a été chanceux que l’adversaire n’ait pas été Canelo Alvarez sinon il aurait reçu une vraie correction.

Saunders, malade et ralenti, a puisé dans le plus profond de lui-même pour finalement remporter la victoire par arrêt de l’arbitre au onzième engagement après trois chutes au tapis de Marcelo Coceres.

Saunders a expliqué qu’il avait toujours l’intention de défier Alvarez pour unifier les titres chez les super-moyens en 2020. Il a aussi admis qu’il n’avait pu offrir une meilleure performance, car il souffrait d’un rhume. Il a noté qu’il était arrivé à Los Angeles seulement cinq jours avant le match et qu’il s’est vite fatigué au cours de l’affrontement.  

Première défense

C’était la première fois qu’il défendait sa couronne WBO des super moyens où il trône en compagnie de David Benavidez, Callum Smith, Canelo Alvarez, Lennox Allen, et Caleb Plant.

Par moment, Coceres a fait mal paraitre le champion. Il n’a pas hésité à y aller coup pour coup avec lui. N’ayant jamais participé à un match de championnat, il faut admettre qu’il a montré un courage à toute épreuve sauf qu’au neuvième round, l’expérience de Saunders a commencé le travail destructeur. Il retourne donc en Argentine avec une première faute à son record de 28-1-1 (15/K.-O.) et plus riche de 80 000 dollars.

Un oeil sur Lomachenko

Le plus haut salarié de la soirée, Devin Haney, a touché une bourse d’un million de dollars pour défendre sa couronne WBC des poids légers.  

Les trois juges ont rendu des pointages de 120/107, aux dépens du Dominicain Alfredo Santiago Alvarez, un jeune homme de 24 ans dont la fiche vierge (12-0-0—4/K.-O.) a été souillée pour la première fois.

Alvarez (aucun lien de parenté avec Canelo) est natif de la République dominicaine, mais il a déménagé  à Porto Rico, où il a compilé sa fiche actuelle.

Âgé de seulement  20 ans, Daney a ainsi conservé sa couronne WBC des 135 livres, là où Vasyl Lomachenko a été élevé au rang de champion franchisé.

 Pour un pugiliste de 24 ans, Alvarez s’est tout de même assez bien comporté, en dépit d’un record de seulement douze combats. Ses 160-10 matches chez les amateurs lui ont permis de tenir son bout, bien qu’il se soit retrouvé au tapis au cinquième round.

Après sa victoire, Haney qui en était à son 25e triomphe en autant de combats, a parlé de Vasil Lomachenko, de Gervonta et du jeune Ryan Garcia. Un jour pas si lointain, il se mesurera à l’un d’eux.

Blessé à l'épaule

Sa performance de samedi soir ne donne pas la vraie réalité de son talent.  Il s’est disloqué une épaule au septième engagement  et il affrontait un rival de 5’11’’, trois pouces plus grands que lui.

Haney a beaucoup de talent, mais je demeure convaincu que Lomachenko lui est supérieur présentement. Un tel match à 135 livres serait certainement bienvenu par les amateurs.

Pour sa soirée de travail,  Santiago s’est vu remettre une bourse de 90 000 $, soit la meilleure rémunération de sa jeune histoire de boxe.

Un oeil sur Ruiz ou Joshua

À Fresno, en Californie, Kubrat Pulev a fait un pas de plus vers un match contre le gagnant entre Andy Ruiz et Anthony Joshua en ayant raison de Rydell Booker par décision.

Pulev, dont la seule défaite remonte au 15 novembre 2015 aux mains de Wladimir Klitschko, en était à son huitième triomphe de suite depuis ce revers. Il consolide donc son emprise sur le premier rang des aspirants à l’IBF, dominé par Andy Ruiz.

Pulev remontait sur le ring pour la première fois depuis mars dernier, alors qu’il avait passé le K.-O. à Bogdan Dinu. Quant à Booker, il en était à son troisième revers en carrière et son deuxième au cours  des trois derniers matche.

Les Marines en forme

En finale de cette soirée, on a vu le vétéran du corps des Marines américains Jamel Herring faire subir son premier revers chez les pros à Lamont Roach (19-1-1—7/K.-O.).

Roach a obligé le champion Herring à se rendre au bout des douze rounds avant de connaitre l’issue de la rencontre. Les trois juges ont opté pour des pointages de 117/111, 115/113 et 117/111. Herring a donc conservé sa couronne WBO des 130 livres et il garde un œil sur Miguel Berchelt, reconnu comme le meilleur des super-plumes.

C’était le quatrième match où Herring devait se rendre à la limite de douze rounds avant d’être reconnu victorieux.

Bonne boxe