« Je vais le mettre K.-O. et le forcer à prendre sa retraite! » Voilà la promesse d’Eleider Alvarez quelques jours avant l’affrontement contre Lucian Bute.

Jamais il n’avait dit aussi vrai. En somme, il a terminé le travail qu’avait commencé Carl Froch en mai 2012 en envoyant le Roumain au tapis au cinquième engagement.

Jusque-là, tout allait assez bien pour Bute. Il avait même pris une avance sur son rival. Soudainement au cinquième round, ce fut deux solides crochets de la main droite qui ont mis fin aux hostilités.

« La boxe, c’est l’histoire d’un seul coup de poing! » de souligner le Roumain, qui aura 39 ans mardi prochain, après sa défaite. « J’ai besoin d’un repos... Un long repos auprès de ma famille. »

En aucun temps, Bute a dit qu’il mettait fin à sa carrière de près de 14 ans. Mais le voyant étendu du tout son long sur le tapis du ring, j’ai eu un certain pincement de cœur pour lui.

Je connais Lucian depuis son arrivée à Montréal en 2003. J’ai fait la description de ses combats à la télévision. Je les ai analysés. J’ai fait quelques sorties commerciales avec lui. Il a toujours été un gentilhomme dans la force du mot. Bref, je n’ai jamais entendu personne parler en mal de lui. On a pu contester son talent pugilistique, mais jamais il s’est mis dans l’embarras dans sa vie privée.

La famille d'abord

Maintenant, il est temps de songer à la famille. À son premier enfant qui naitra bientôt. Et la plus belle chose qu’il devrait faire, c’est d’accrocher ses gants pour de bon. Lucian est trop gentil pour devenir un faire-valoir et ainsi risquer de se faire blesser sérieusement.

Il pourrait toujours abandonner la compétition chez les mi-lourds et revenir à son poids naturel chez les super-moyens. Mais cela donnerait quoi? Des bourses minables et d’autres défaites par K.-O.

Force est d’admettre que Lucian n’a plus de menton. En bon français, son menton est vulnérable. Si Eleider Alvarez a pu le mettre knock-out avec deux solides crochets de la droite, imaginez ce qui sera arrivé si l’adversaire avait été Adonis Stevenson.

Or, au Centre Vidéotron de Québec, samedi soir dernier,  le Québec a perdu son enfant chéri, celui qui était devenu l’idole de la plupart des connaisseurs de boxe chez nous. D’ailleurs, les gens de la ville de Québec et des environs, avec le maire Régis Labaume en tête, favorisaient Bute pour remporter la victoire. C’est Monsieur le maire lui-même qui l’a dit publiquement.

On a parlé de Fernand Marcotte, Kevin Bizier, Sébastien Bochard et d’Eric Martel-Bahoeli, tous des pugilistes fort populaires dans la Vieille capitale. Mais le maire insistait pour favoriser Bute : « Nous voulons qu’il revienne à Québec », de souligner le maire.

Victoire importante

Pour Alvarez, c’est la victoire la plus importante de sa carrière. En battant le boxeur le plus populaire du Québec, il gagne le respect de beaucoup d’amateurs qui doutaient de son talent, surtout de sa force de frappe. Maintenant, ils savent ce que ce Colombien a toujours su. Qu’il est talentueux, un travailleur acharné mais aussi un père qui veut gagner sa vie honorablement en compagnie de son épouse et de sa fille.

« Je me bats pour ma famille, ma survie », avait-il déclaré durant son camp d’entrainement. « Je veux qu’ils viennent me rejoindre au Québec. » 

Avec ce triomphe, il est certain que le compte en banque d’Alvarez va augmenter plus vite qu’auparavant. Il a tout de même battu un boxeur qui jouissait jusque-là d’une notoriété internationale.

« J’espère que j’aurai ma chance contre Adonis Stevenson », a-t-il admis après sa victoire.

Stevenson doit se battre le 29 avril prochain à New York, où il défendra son titre WBC des mi-lourds contre un adversaire qui n’a pas encore été identifié. On peut donc s’attendre à ce que l’affrontement entre les deux Québécois ait lieu aux environs du mois de septembre prochain.

Mais qu’arriverait-il si jamais Stevenson devait subir la défaite lors de la prochaine défense de son titre?  Naturellement, je doute que cela se produise, mais comme le disait si bien Lucian Bute après avoir repris ses sens : « La boxe, c’est l’histoire d’un coup de poing » . Un lucky punch est toujours possible dans ce sport.

Le dernier combat?

Maintenant qu’il a subi une sévère correction, Bute prendra-t-il le même chemin que Bernard Hopkins? Lui aussi était convaincu qu’il vaincrait son jeune rival Joe Smith pour le dernier combat de son illustre carrière. Il s’était royalement trompé. Bute imitera-t-il son geste en accrochant ses gants à la suite de ce revers?  Pour son plus grand bien, j’espère que oui. S’il devait se retirer, il quitterait la boxe, du moins comme boxeur actif, avec une fiche de 32 victoires contre seulement quatre revers et un verdict nul.

Jusqu’à vendredi dernier, Bute était le meilleur vendeur de billets au Québec. On l’a constaté une autre fois l’autre soir, alors que le théâtre du Centre Vidéotron était pratiquement rempli à pleine capacité. Inutile de vous dire que la foule lui était favorable.

Qui prendra la relève? Artur Beterbiev, David Lemieux ou Eleider Alvarez?

On a constaté après sa victoire qu’Eleider s’était très bien intégré au Québec. D’ailleurs, son français s’améliore de jour en jour. Et la foule réunie dans l'amphithéâtre n’a pas manqué le l’applaudir. Un fait demeure : il a gagné le respect de nombreux amateurs de boxe après ce triomphe.

 Maintenant que sa famille pourra venir le rejoindre en terre québécoise, on peut s’attendre à de très belles choses de la part de ce Colombien établi au Québec depuis 2009.

Une première en deux ans

Pour la première fois depuis près de deux ans, il parvenait à enregistrer un triomphe par K.-O. Depuis le 12 juin 2015, il avait dû se contenter de quatre triomphes par décision.

Sa fiche demeure parfaite avec 22 victoires, aucun revers et 11 K.-O. Et si jamais il parvient à se mesurer à Stevenson, je ne suis pas aussi certain que le champion ne fera qu’une bouchée de lui.

Par cette victoire spectaculaire sur Bute, Alvarez a prouvé qu’il était non seulement un bon technicien de boxe, mais qu’il pourrait aussi terrasser un rival dans les moments propices. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait plus tôt? Voilà une question qu’il faudrait poser à son entraîneur Marc Ramsay.

Si Andrezj Fonfara a été capable d’envoyer Adonis au tapis, pourquoi Alvarez ne pourrait-il pas faire la même chose? Matière à réflexion...

Enfin, je souhaite bonne chance à Lucian Bute et sa famille et mes félicitations à Alvarez pour son triomphe, lui qui parviendra ainsi à rapatrier sa famille à ses côtés.

Bonne boxe!