Lorsque Badou Jack et James DeGale monteront sur le ring du Barclay Center vers les 23 h ce soir à New York pour unir les titres WBC et IBF des super-moyens, Éric Lucas ressassera des vieux souvenirs.

Certains heureux, d’autres moins.

Le plus heureux est certes ce triomphe par K.-O. au septième round du 10 juillet 2001, au Centre Molson, alors qu’il devenait champion du monde aux dépens de Glenn Catley.

Le pire était celui du 14 janvier 2006. Ce soir-là en Allemagne, Éric se faisait littéralement voler la victoire par Markus Beyer.

«Tout ce que j’espère, c’est qui ni Badou Jack ni James DeGale connaissent le même sort que moi j’ai connu», se souvient-il amèrement.

Un séjour au Danemark

Mais pour Éric Lucas, le 14 janvier est un jour dont il se souviendra toute sa vie. C’était en 2006. Il s’était rendu au Danemark pour y affronter le champion WBA des super-moyens Mikkel Kessler.

Fait à souligner… Lucas a livré deux combats en janvier. Il les a perdus tous les deux. Le premier en France contre Fabrice Tiozzo et l’autre au Danemark contre Kessler.

C’est à la suite de ce revers contre Kessler que Lucas a décidé de se retirer de la compétition, bien qu’il soit revenu sur sa décision pour livrer deux autres combats après une absence du ring de plus de trois ans.

Son palmarès est intéressant. 39-8-3 (15 K.-O.). Pas mal pour un boxeur qui devait toujours céder la vedette à son compagnon Stéphane Ouellet, sans jamais se plaindre.

Le gentleman par excellence de la boxe québécoise a gagné quatre combats de championnat et il a défendu sa couronne à trois reprises avant d’abdiquer devant Beyer par décision partagée. Une décision qui, encore aujourd’hui, donne des haut-le-cœur.

« Je crois avoir connu une bonne carrière, se plaît-il à dire. En tout cas, mieux que j’anticipais. J’ai subi sept revers dont quatre contre des champions du monde. » 

Ses meilleurs adversaires ont été Roy Jones, Glenn Catley, Danny Green, Markus Beyer, Mikkel Kessler et Librado Andrade.

Un fait est certain : Lucas n’a pas affronté trop de plombiers au cours de sa carrière.

Rejoint à son domicile de Magog, Éric se souvient encore de ce match du 14 janvier 2006. 

« Une chance que j’avais un bon menton, raconte-t-il. Ce Mikkel Kessler cognait vraiment fort et sec. C’était un excellent pugiliste. »

Plus de temps à perdre

Lucas avait 34 ans quand il a demandé à ceux qui dirigeaient sa carrière de lui trouver un combat de championnat.

« Je savais que je n’en avais plus pour longtemps. Cela devenait de plus en plus difficile. Il m’a fallu tout donner dans cet affrontement. Je ne parvenais pratiquement jamais à percer la défensive du Danois. C’était la deuxième défense de son titre et rien ne pouvait l’arrêter. »

Après sa retraite, Lucas s’est joint à l’organisation d’InterBox. Puis il est revenu sur sa décision. Il a livré deux autres batailles dont la dernière contre Librado Andrade au Colisée Pepsi, de Québec. C’était en 2010, et pour la cinquième fois, il perdait par mise hors de combat.

Aujourd’hui, Lucas a 45 ans et il ne songe aucunement à un retour. 

« Non… La boxe pour moi, c’est fini, prétend-il. Il m’arrive de faire quelques sparages en farce devant mon épouse et ensuite j’ai mal partout. »

Et il ajoute : « J’ai pris la résolution de m’entraîner, de courir, d’aller faire de la marche, mais jusqu’ici je n’ai pas donné suite à ma résolution du jour de l’An. Je me trouve un peu sans-cœur. »

Actuellement, Éric pèse aux alentours de 200 livres. 

« Ce n’est pas si mal. J’ai déjà fait monter l’aiguille de la balance à 225 livres. Là je me sentais comme une balloune. »

En compagnie d’Yvon Michel, j’ai eu la chance et l’honneur de décrire le premier combat d’Éric chez les professionnels. C’était en 1991 à l’hôtel le Roussillon, de Jonquière. Lui et Stéphane Ouellet faisaient leurs premiers pas dans le monde de la boxe payante. Tous deux étaient sortis victorieux.

« Je me souviens de cet affrontement comme si c’était hier, se remémore Éric. Tous les yeux étaient tournés vers Stéphane Ouellet qui boxait chez lui devant les siens. » 

Yvon Michel ne cessait de répéter en parlant de Stéphane : « Lui, il a toutes les qualités pour devenir champion du monde ».

Yvon avait raison. Stéphane avait tout le talent pour aller jusqu’au bout. Et pourtant, c’est Éric qui a coiffé la couronne mondiale.

Lucas n’avait pas le talent de Ouellet, mais il travaillait si fort et prenait tellement son rôle au sérieux que rien ne pouvait l’arrêter.

Beterbiev l’épate

J’ai demandé à Éric de me donner son choix du boxeur qui l’épate le plus présentement sur la scène mondiale, et sans hésiter il m’a répondu : « Artur Beterbiev. C’est mon préféré. Ce gars-là est inhumain. Sur un ring, il est comme un bloc de glace, sinon de granite. Il est fort, il est puissant et son menton est fait de roc ». 

« Je ne suis pas surpris qu’Andre Ward menace de prendre sa retraite plutôt que de l’affronter. Présentement, je ne vois personne qui peut le vaincre dans sa catégorie de poids.»

Alvarez ou Bute?

Qui va remporter le combat éliminatoire entre Eleider Alvarez et Lucian Bute, lui ai-je demandé.

« Pour le moment, je choisis Alvarez pour gagner. Il est plus jeune. C’est un excellent technicien, mais il manque de punch. Pourtant, quand il a commencé sa carrière chez les pros, il gagnait par K.-O.. Maintenant, il boxe bien mais ne parvient pas à plaire à la foule à cause de son style. »

Lucas met Alvarez en garde contre Lucian.

« Bute a une très bonne gauche, explique-t-il. Je crois qu’Alvarez en aura plein les bras. Il devra se surveiller, éviter cette gauche sinon il va avoir une surprise. »

Aujourd’hui, Éric Lucas se dit retraité et il se plaît dans sa résidence de Magog en compagnie de son épouse et de ses deux filles. 

« La plus vieille fréquente le Cégep de Sherbrooke et la plus jeune est au secondaire à Magog. Tout le monde est en bonne santé. »

Quant à lui-même, ses quelques livres en trop ne le dérangent pas tellement. On se souviendra, il y a quelques années, qu’Éric avait connu des problèmes avec sa glande thyroïde. D’ailleurs, c’est à cause de cette maladie qu’il avait été obligé de remettre sa confrontation avec Markus Beyer.

« Je continue à prendre des médicaments pour ce problème, admet-il. Mais c’est sans inconvénient. »

L’avenir

Lucas a maintenant 45 ans. C’est trop jeune pour ne rien faire. Or, il fait des présences dans les Cages – Brasserie sportive chaque fois qu’on l’invite. Il aimerait aussi se trouver quelque chose à la radio ou à la télévision, mais disons que pour le moment, tout est sur la glace.

« Disons que j’ai quelques projets en tête et je travaille dessus, prétend-il. Peut-être qu’un jour un de mes projets se réalisera. Mais en attendant, je suis heureux à Magog avec ma famille. C’est ce qui compte vraiment! »

Bonne boxe!