Ce serait mensonger que de prétendre que Jean Pascal a livré une performance inspirée samedi face au Cubain Yunieski Gonzalez. Il n’a pas démontré la même vitesse et les mêmes explosions qu’à l’habitude. Ce sont sa mâchoire solide, son expérience et sa grande combativité qui lui ont été salvatrices. Et ce fut suffisant pour obtenir in extremis la faveur des juges.

Une victoire malgré la blessure

Le verdict reflète bien que c’était un affrontement serré entre les deux combattants. Je ne cacherai pas que sur ma carte de pointage, Gonzalez était victorieux, mais par très peu. On ne se bercera pas d'illusions : lorsque l’on boxe à l’extérieur, il nous arrive d’être défavorisé par rapport au pugiliste « local ». Cette fois, l’inverse s’est produit au complexe Mandalay Bay de Las Vegas, et on ne s’en plaindra pas.

Plusieurs ont prononcé le mot « vol » afin de décrier la décision rendue par les juges. Les spectateurs présents dans l’amphithéâtre ont aussi manifesté leur mécontentement dans les secondes suivant la lecture des pointages par l’annonceur-maison. Je suis d’avis qu’il s’agit là d’une grande exagération. La carte rendue par ESPN.com, notamment, faisait état d’un pointage de 98-92 à l’avantage de Gonzalez, un écart qui n’avait aucune raison d’être si disproportionné. Nonobstant du volume de coups décochés, c’est Pascal qui a placé les meilleurs.

De toute façon, dans les semaines et mois à venir, la grande majorité des gens oubliera comment Pascal a été déclaré vainqueur. Ce qu’on retiendra, c’est qu’il a renoué avec le sentier de la victoire, et qu’il est toujours une force à ne pas oublier dans la division des mi-lourds.

Je retiens aussi de cet affrontement que Pascal s’est montré extrêmement têtu. Son objectif était de faire la preuve que son face-à-face avec Sergey Kovalev en mars n’avait pas laissé de séquelles permanentes. Il n’a pas obtenu sa victoire contre n’importe qui, et pour cette raison, je le félicite.

Il semble peu probable que Jean puisse croiser le fer avec Kovalev avant le début de l’année 2016, donc il devra vraisemblablement trouver une manière de demeurer actif d’ici là afin de préparer le terrain pour son éventuelle revanche. J’ai lu à quelque part que son intention était de fouler le ring de nouveau à l’automne. Si ça s’avère véridique, ce serait un choix sage de sa part.

Beterbiev-Kovalev : la table est mise

Au moment de signer cette chronique, je suis dans attente de l’appel de Kathy Duva, promotrice de Main Event, dont le but serait de lancer officiellement l’invitation en vue d’une confrontation entre Artur Beterbiev et Kovalev à la fin novembre, en Russie, le pays natal des deux athlètes.

Lorsqu’il a mis les pieds pour la toute première fois dans mon bureau, Beterbiev a exprimé le souhait de se mesurer à son compatriote, et je trouvais cette visée très ambitieuse pour quelqu’un qui n’avait pas encore la moindre expérience de boxe professionnelle. Et pourtant, il a réitéré sa demande, au point où Artur est même déçu de ne pas avoir fait de ce vœu une réalité durant ses deux premières années chez les pros.

Sergey KovalevAvec neuf présences dans l’arène au compteur, Beterbiev se rapproche plus que jamais du statut d’aspirant obligatoire, ce qui était notre plan initial avec lui.

Son gain contre Gabriel Campillo en avril dernier au Colisée Pepsi de Québec l’a propulsé au deuxième rang de l’IBF. Compte tenu de la défaite du Français Nadjib Mohammedi contre Krusher en finale de la carte de samedi, l’organisation nous enverra d'un jour à l'autre une lettre servant d’invitation à Beterbiev à se battre pour ce fameux statut d’aspirant obligatoire.

En bonne femme d’affaires qu’elle est, Kathy Duva s’est aperçue de cela, et au lieu de négocier avec une épée de Damoclès sur la tête, elle a pris les devants et s'est empressée de mentionner qu’il y avait un intérêt pour le duel entre les deux Russes. Tout le monde s’entendra pour dire que Beterbiev serait le meilleur aspirant au monde, et que cela ferait un merveilleux combat. Si l’on peut nous éviter d’avoir à tenir un autre combat afin de confirmer le statut d’Artur, je suis tout à fait d’accord avec cette façon de procéder.

Dans le cas contraire, le camp du champion n’aurait aucune préséance sur le choix du diffuseur. Sachant cela, tout ce dont nous avons besoin, c’est de recevoir une proposition honnête. Kovalev est le champion, celui qui possède les trois ceintures. Dans cette optique, nous savons que c’est à son entourage que revient le privilège de choisir l’emplacement du combat et le réseau de télévision.

Artur BeterbievEn revanche, ce qu’on n’est pas disposé à accepter, c’est que l’on nous contraigne à avoir la moindre obligation envers Main Event ou HBO pour les combats futurs, advenant une victoire de Beterbiev. Oui, nous serions engagés à proposer un combat revanche, mais les données seraient changées. On contrôlerait alors notre destinée au lieu de nous faire dicter le déroulement des choses.

Bref, si Duva et son équipe se montrent sérieux, et j’ai de fortes raisons de croire que c’est le cas, nous entamerons des discussions dans les prochaines heures, puisqu’Artur souhaite ardemment ce combat, et nous aussi.

Des contextes bien différents

Depuis dimanche soir, plusieurs m’ont demandé pourquoi nous serions intéressés à ce qu’un combat Beterbiev-Kovalev soit diffusé sur HBO, alors que c’est un « non » catégorique quand vient le temps d’une confrontation entre Adonis Stevenson et Kovalev sur le même réseau. L’équation est bien simple. Les réseaux Showtime et CBS ont beaucoup investi en Stevenson. Ce serait malhonnête de notre part d’abandonner cette affiliation et de ne pas leur laisser la moindre chance d’obtenir les droits de diffusion.

Étant donné qu’elle a les mains liées, Duva nous oblige à privilégier HBO, et on ne peut simplement pas nous plier à une telle demande. Avec ses engagements, Adonis possède l’obligation morale de fournir à ceux qui l’ont épaulé toutes ces années la chance de tirer profit d’un éventuel combat entre les deux boxeurs.

Dans le cas d’Artur, avec son manque d’expérience relatif chez les professionnels, Showtime et CBS n’ont jamais investi en lui, jusqu’à ce point, dans le cadre d’un combat principal. Cela nous procure la latitude voulue pour en arriver plus facilement à une entente, si l’offre est raisonnable. La réponse dans les prochaines heures, si tout se passe comme prévu!

* Propos recueillis par Maxime Desroches