Affirmer que la vieillesse est venue à bout de Bernard Hopkins serait une insulte envers le quasi-quinquagénaire. Non, ce n’est pas la vieillesse, ni le manque de courage, ni le manque d’énergie qui ont contribué à sa perte. C’est tout simplement un meilleur boxeur que lui qui lui a enlevé ses couronnes mondiales.

Sergey Kovalev a réussi ce que deux autres pugilistes avant lui étaient parvenus à faire contre l’Extra-terrestre : l’envoyer au tapis. Vous vous souvenez que dans le premier affrontement contre Jean Pascal, Hopkins s’était retrouvé au sol aux premier et troisième engagements.

Le premier homme à le terrasser à deux occasions fut Secundo Mercado, il y a 20 ans presque jour pour jour, en Équateur alors que le titre IBF, vacant, était à l’enjeu.

Est-ce la fin de Bernard Hopkins? « Pour le moment c’est 50/50 », s’est-il contenté de dire à Max Kellerman après la rencontre.

Krusher a prouvé hors de tout doute qu’il n’était pas seulement une usine à K.-O. dans cet affrontement historique puisqu’il a remporté tous les rounds sur les trois cartes des juges. Kovalev a montré à tous et chacun qu’il savait boxer au détriment des admirateurs de B-Hop qui se trouvaient à l’intérieur du Boardwalk Hall d’Atlantic City. Ils se sont même payé le luxe de huer la performance de leur favori à l’occasion.

Et pourtant, ce n’est pas que Hopkins n’a pas tenté de prendre l’initiative du combat. Mais chaque fois qu’il lançait un coup, ou bien son geste était bloqué ou bien la riposte s’avérait périlleuse.

D’ailleurs, après sa défaite, Hopkins a tenu à souligner l’excellent travail technique de son rival. « Il avait un bon plan stratégique, d'expliquer l’Extra-terrestre. Il reculait bien chaque fois que je voulais me lancer en attaque. Vous allez voir ce type pendant longtemps. J’ai beaucoup de respect pour un boxeur qui n’a pas peur de se mesurer à qui que ce soit qui le veut bien. D’ailleurs, c’est justement cela que devrait être la boxe. Les meilleurs contre les meilleurs. »

Qui osera le défier?

Maintenant que Kovalev est le détenteur de la triple couronne, qui osera le défier? 

Oubliez tout de suite le nom d’Adonis Stevenson. Ce dernier est géré par Al Haymon et fait partie de la famille Showtime tandis que Krusher est géré par Kathy Duva et se bat uniquement sur HBO.

Lorsque j’ai demandé à Yvon Michel s’il y avait une possibilité d’un affrontement entre Superman et Krusher, il a répondu : « J’en doute… Car les deux sont liés à des télédiffuseurs différents. Mais un combat entre Kovalev et Jean Pascal n’est pas impossible. Pascal est le premier aspirant à la couronne d’Adonis et il devient un boxeur-clé dans la mire de Kovalev. »

C’est peut-être Sergey Kovalev qui a eu le dernier mot en disant : « Hopkins se fait vieux... Il devrait donner sa place aux plus jeunes. »

En dépit des nombreux coups qu’il a absorbés, Hopkins ne présentait pas de blessures majeures après la rencontre. Et pourtant, il a tout pris de Krusher, surtout ses fameux crochets de la droite qui atteignaient la plupart du temps le côté gauche de sa tête. Même qu’à la fin de la rencontre, il semblait moins haletant que son conquérant.

Un boxeur moins expérimenté aurait pu facilement se faire blesser sur ces attaques du triple champion. On se souviendra qu’en décembre 2011, à Ekaterinburg, en Russie, Kovalev avait passé le K.-O. à un certain Roman Simakov au septième engagement. Après cette mise hors de combat percutante, Simakov, totalement inconscient, avait été transporté sur une civière à l’hôpital où il devait rendre l’âme trois jours plus tard des suites de saignement au cerveau.

Qui pourrait le vaincre?

Mais qui pourrait bien vaincre le triple nouveau couronné?

Oubliez tout de suite le nom de Gennady Golovkin, le champion WBA des 160 livres. Contrairement à Bernard Hopkins, Kovalev n’a jamais mentionné son nom comme rival possible dans le futur. D’ailleurs, je me demande si Kovalev pourrait descendre son poids à 168 livres?

Jurgen Brahmer, l’autre champion de la WBA? Oubliez-le, lui aussi. Une seule fois il a quitté l’Allemagne pour aller se battre en Hongrie. Donc, il est peu probable qu’il vienne aux États-Unis. De plus, on dit que c’est extrêmement difficile de négocier avec lui.

Robin Krasniqi, deuxième à la WBA et à la WBO? Lui non plus ne sort pratiquement jamais de l’Allemagne. De plus, il est totalement inconnu aux États-Unis.

Andre Ward, toujours reconnu comme champion de la WBA? C’est tellement compliqué avec lui que les promoteurs l’ont laissé tomber. Il pourrait être un adversaire de taille, mais il n’a pas boxé depuis un an.  

Carl Froch, le champion de la WBA? Il a 37 ans et ne sait toujours pas s’il va continuer sa carrière de boxeur. Un affrontement entre lui et Krusher serait certainement intéressant. Mais je pense que c’est rêver en couleur.   

Nadjib Mohammedi? Lui aussi ne sort pratiquement jamais de l’Europe. Il est le premier aspirant à la couronne de l’IBF et il vient de gagner ses trois derniers combats par K.-O.  Mais qui connaît Najib Mohammedi en terre d’Amérique?  

Or, le meilleur choix est Jean Pascal. Kathy Duva qui s’occupe de la carrière de Kovalev l’a déjà désigné comme rival possible et si jamais un affrontement entre lui et le triple champion devait se matérialiser, ce serait un vrai pied de nez à son ex-ami Adonis Stevenson.   

Bernard Hopkins a entièrement raison quand il déclare publiquement que Sergey Kovalev est là pour longtemps.   

Pour Hopkins, il ne lui reste plus qu’à se rendre au Temple de la renommée de la boxe, ou il est attendu à bras ouverts.   

Félicitations à B-Hop pour une carrière qui sort de l’ordinaire et pour tous ces records enregistrés au cours des 26 dernières années. Mais avant de vous quitter, j’aimerais vous demander : qui sera le prochain Bernard Hopkins?   

Il n’y a aucun pugiliste dans la quarantaine qui s’approche de tous ses records.    

Vous me direz que Floyd Mayweather est un meilleur boxeur que B-Hop et vous avez entièrement raison. Mais ses records personnels sont-ils comparables à ceux de Hopkins?    

C’est vrai qu’il présente une fiche parfaite de 47 triomphes contre aucun revers, mais dites-vous bien que Monsieur Mayweather choisit lui-même ses rivaux. Et à 37 ans, il ne lui reste plus que deux combats à livrer avant de se retirer lui aussi au Temple.

Non, celui qui prendra la relève de l’Extra-terrestre n’est peut-être pas encore né.

Bonne boxe!