MONTRÉAL – Quand le promoteur Eddie Hearn a annoncé que les Youtubeurs KSI et Logan Paul s’affronteraient en finale d’un événement tenu au Staples Center de Los Angeles, les puristes du sport ont usé d’imagination pour ridiculiser et dénoncer ce qui semblait être une bonne blague.
 
Comment ces deux influenceurs, qui ne comptaient aucune expérience chez les professionnels, pouvaient-ils voler la vedette à Billy Joe Saunders et Devin Haney? Comment pouvaient-ils être les têtes d’affiche devant deux champions du monde reconnus pour leurs qualités pugilistiques?

Pour l’argent, bien évidemment. Environ 12 000 personnes, dont plusieurs célébrités du web, ont assisté au gala, tandis que chaque article écrit sur le sujet a été partagé plusieurs dizaines de milliers de fois. Il n’y a qu’au Royaume-Uni – où les deux « boxeurs » avaient croisé le fer en respectant les règles qui prévalent dans les rangs amateurs – que les ventes ont été décevantes.
 
Mais au-delà de tout cela, KSI et Paul ont permis de rejoindre un nouveau public qui ne regarde généralement pas la boxe, ce qui représente un exploit en soit. Comme l’a récemment déclaré le promoteur Bob Arum dans une entrevue à The Athletic, le marché nord-américain est de moins en moins propice aux affaires, car le sport intéresse de moins en moins la nouvelle génération.
 
« En allant chercher un public plus jeune, ç’a permis de faire connaître Haney, qui est lui-même une très jeune vedette montante du sport, a expliqué le promoteur Yvon Michel en entrevue à RDS.ca. Et s’il y a eu un deuxième combat, c’est parce que le premier avait vraiment marché! »
 
« J’ai été un peu surpris de voir à quel point ç’a suscité de l’intérêt pour être honnête, mais en même temps, ça démontre la force des réseaux sociaux, a ajouté le président d’Eye of the Tiger Management (EOTTM) Antonin Décarie. Nous ne pouvons pas ne pas en tenir compte. »
 
« Je pense que l’objectif était d’être la tendance sur les réseaux sociaux. C’est ce que DAZN voulait, que ça devienne viral, a renchéri le propriétaire d’EOTTM Camille Estephan. Le monde du web a tout changé. Le contenu sur les médias sociaux aide vraiment à la vente de billets. »
 
Lui-même ancien boxeur qui s’est retrouvé en finale de quelques galas, Décarie n’aurait pas rechigné à l’idée de céder le haut du plancher à des influenceurs qui ne consacrent pas leur vie à l’entraînement.
 
« Il faut trouver un moyen d’utiliser ces ressources-là et ça ne m’aurait pas du tout insulté en tant qu’athlète, a précisé Décarie. Eye of the Tiger met présentement l’accent sur l’élite et la compétition, mais je ne dis pas non un jour. Si la demande est là, je ne fermerai pas la porte. »
 
« C’est de la bonne business, mais ce n’est pas pour moi, a cependant nuancé Estephan. J’ai bâti une équipe de boxeurs pour battre les Top Rank, Golden Boy et Eddie Hearn de ce monde, alors le reste... Je préfère plutôt aller chercher un nouveau public sur de nouvelles plateformes. »
 
« Je n’ai aucun problème avec ça, tant que les amateurs ont droit à un vrai combat, ce qui a été le cas avec KSI et Paul, a quant à lui répliqué Michel, qui a déjà tenté l’expérience d’une certaine façon en offrant une place de choix à l’ancien combattant Steve Bossé sur deux de ses cartes.
 
« Ça me dérange pas mal moins qu’un Butterbean ou une Mia St. John. Les gars étaient vraiment préparés et ça n’enlève rien à leur légitimité. Mais c’est une mode, les gens vont finir par se tanner. »
 
Pour le moment, Hearn n’entend pas renoncer à ce filon de sitôt, puisque Jake Paul – le frère de l’autre – pourrait affronter AnEsonGib et qu’en cas de victoire, Paul pourrait ensuite obtenir la chance de venger son frangin qui s’était incliné par décision partagée contre KSI. Les érudits doivent saliver.