QUÉBEC – Quand Jordan Balmir a défié Steven Butler dans les minutes qui ont suivi sa victoire sur Vito Vendetta en juillet dernier à Laval, nombre d’observateurs présents se sont demandé comment un pugiliste de son calibre pouvait s’en prendre à un autre classé mondialement.

 

Balmir (10-0, 6 K.-O.) venait de passer le knock-out au deuxième round à un boxeur dont la fiche combinée des adversaires s’élevait à seulement 70-368-7, tandis que le nom de Butler (24-1-1, 21 K.-O.) figurait déjà avantageusement dans le palmarès de deux organismes de sanction.

 

Mais avant qu’un semblant de réponse n’ait pu être ébauché, Butler sommait son promoteur Camille Estephan d’organiser le combat et l’affaire était réglée en moins de 24 heures. Depuis, les deux boxeurs ont soigneusement cultivé leur rivalité qui connaîtra son dénouement samedi soir au Centre Vidéotron, en demi-finale du duel qui opposera Simon Kean à Dillon Carman.

 

La question de départ reste cependant toujours en suspens et il semble qu’il faudra attendre l’annonce du verdict – ou peut-être pas – pour connaître la réponse. Butler a déjà affiché ses couleurs en clamant qu’il allait faire payer le grand manque de respect qui lui a été démontré.

 

« Je ne suis pas là pour le descendre, parce que je n’ai jamais été aussi serein mentalement, physiquement et spirituellement, a répondu Balmir. Mais je connais Steven pour l’avoir côtoyé dans les gymnases et ce que j’ai ressenti aujourd’hui, c’est du stress. Il est très inconfortable.

 

« Mais ce n’est rien de personnel. La boxe reste une business et plus je suis vu, mieux c’est... »

 

Balmir n’a ainsi pas caché qu’il souhaitait affronter Butler afin de donner un coup de semonce à une carrière qui s’est déroulée dans un relatif anonymat jusqu’à maintenant. Mais encore une fois, comment peut-il réellement rivaliser avec un boxeur qui compte 26 combats et 102 rounds d’expérience en carrière, alors qu’il ne totalise que 10 duels et 41 rounds derrière la cravate?

 

« Tout cela n’est que de la motivation pour moi. Je trouve toujours le moyen d’aller chercher beaucoup de positif, a continué Balmir, qui se dit emballé de disputer un premier choc prévu pour dix rounds depuis le commencement de sa carrière. L’adversité me nourrit énormément. »

 

« Et faire un combat de 10 rounds, c’est un avantage. Si j’avais pu en faire un de 12 rounds, c’est ce que j’aurais choisi. J’ai toujours été en forme. Je ne mets rien de côté pour avoir la condition physique qu’il faut. C’est excitant pour moi. Je ne fais rien dans la vie pour être deuxième. »

 

Apprendre à gérer la pression

 

À l’autre bout du spectre, il est légitime de se demander ce que Butler gagne réellement à mettre son classement mondial en jeu contre un adversaire qui n’a rien de concret à lui offrir en retour. C’est peut-être une façon de voir où il est depuis son faux pas contre Brandon Cook.

 

L’Ontarien est celui qui a infligé au Montréalais sa première défaite en janvier 2017 dans un combat d’unification des titres nord-américains des poids super-mi-moyens. Butler a depuis enregistré six victoires – toutes avant la limite – consécutives et est passé chez les moyens.

 

« Nous allons savoir si Steven a appris de ses erreurs de son combat contre Cook, a expliqué le promoteur Camille Estephan. Balmir, Cook... ça s’équivaut. Cook est peut-être un peu meilleur en raison de l’expérience qu’il avait quand il est arrivé ici. Mais côté émotions, dans un combat local, il y a quelque chose à apprendre là-dedans. Je pense vraiment que Steven est rendu là.

 

« Steven a démontré qu’il appartient à l’élite mondiale, mais il a encore besoin d’expérience. Je ne veux pas qu’il se batte contre [Daniel] Jacobs ou Canelo [Alvarez], il n’est pas rendu là. Mais quand il va être rendu là, nous allons pouvoir amener n’importe qui et nous n’aurons pas d’inquiétudes. En attendant, c’est important de le garder actif et en camp d’entraînement. »

 

Un avis entièrement partagé par les membres de son groupe d’entraîneurs, qui jugent que le moment est bien choisi pour son plus important test mental depuis son revers contre Cook.

 

« Il faut faire comprendre à Steven qu’un combat local comme celui-là, ça apporte beaucoup de pression et d’émotions, le même genre de pression qu’il va ressentir en combat de championnat du monde, a ajouté Jean-François Bergeron. C’est évidemment à plus petite échelle, mais c’est sensiblement la même pression et le boxeur doit la gérer plus ou moins de la même façon. »

 

Chose certaine, les membres de l’entourage de Butler sont extrêmement satisfaits de la façon dont il s’est comporté jusqu’à maintenant, lui qui s’est parfois laissé emporter par ses émotions dans le passé. Son énorme confiance en ses moyens a souvent passé pour de l’arrogance.

 

« La seule chance que Balmir a [de gagner le combat], c’est d’essayer de faire sortir Steven de ses gonds, a expliqué Estephan. Je pense que Steven a gagné en maturité et qu’il a appris de ses erreurs. Il aurait pu tomber dans le piège tendu par Balmir, mais cela n’a pas du tout été le cas. »

 

« Étant donné qu’il n’est âgé que de 23 ans, nous avons toujours prôné la patience, a conclu Bergeron. Pour s’améliorer, il faut que le gars soit confronté à ses difficultés. Il y avait toujours quelque chose après ses combats et sa façon de réagir nous dictait ensuite la marche à suivre.

 

« Steven a toujours parlé du fait qu’il voulait devenir champion du monde et c’est correct qu’il en parle en conférence de presse, mais entre nous, il n’en parle plus. Il est focus. C’est bien beau de penser que tu vas être champion du monde un jour, agis-tu en conséquence? C’est le cas. »