Si l'on se fie aux experts et reporters Québécois du monde de la boxe, Éric Lucas va vivre l'enfer le 5 avril prochain en Allemagne. Ce que nous avons lus dans les journaux, ce que nous avons entendus à la radio au sujet de Markus Beyer a de quoi effrayer les plus inconditionnels supporters du champion de Ste-Julie.

Beyer affirme-t-on avec justesse va se battre chez lui, devant une foule exhubérante vendue à sa cause. De surcroit, c'est un gaucher! Il est l'aspirant numéro 1, rien du moins, du « prestigieux » WBC…

Tout d'abord, il ne faut pas faire un drame du classement dont jouit Beyer. L'histoire récente nous apprend que de se retrouver aspirant numéro 1 mondial du WBC n'est pas un gage de crédibilité, ni de succès.

Par exemple, des athlètes aussi limités que Zeljko Mavrovick chez les lourds ou Richard Frazier chez les mi-lourds furent à une époque pas si lointaine reconnu comme challenger numéro 1 par le WBC. Le Russe Roman Karmazin fut classé numéro 1 au-dessus de boxeurs établis tel Fernando Vargas et Winky Wright par le même WBC…

Plus près de chez nous Stéphane Ouellet, sans même avoir défait ni même rencontré un top-10, s'est vu octroyé le rang privilègié de numéro 1 par le World Boxing Council…Un Julio Cesar Chavez complètement lessivé, au bout du rouleau, s'est retrouvé aspirant numéro 1 du WBC afin d'obtenir le droit d'être massacré par Kostya Tszyu…

Donc, même si Beyer possède d'indéniables qualités (et surtout un palmarès reluisant), le fait demeure que, si le titre mondial était unifié comme il se doit, l'Allemand se retrouverait sans aucun doute dans la seconde moitié du top-10, et non au premier échelon.

Dans un deuxième temps, personne ne peut nier qu'Éric Lucas a déjà connu sa part de problèmes contre un gaucher. C'est ainsi que le 12 octobre 1996 face à Richard Frazier à Toronto, Lucas fut très embêté par le New-Yorkais au style échevelé. Même s'il remporta la victoire par décision, Éric n'aurait pas mérité mieux qu'un verdict nul.

Toutefois, Éric a énormément progressé depuis 1996. Guidé par Stéphan Larouche, le Lucas version 2002 sera en mesure d'exploiter les failles d'un rival qui, à certains égards, commet des erreurs dignes d'un boxeur amateur.

À la manière d'un Frans Botha, Beyer crie de temps à autre lorsqu'il lance une attaque, donnant à son rival l'opportunité de parer le poing qui arrive. Et comme sa fiche l'indique (26-1, 11KO's), Beyer ne sera pas celui qui va sonner Éric Lucas d'une seule claque. Également, son jab du droit est lancé machinalement sans véritable puissance. Beyer ne fait qu'étendre l'avant-bras droit vers l'avant sans le support de la jambe arrière. D'aucune manière ce jab ne vas déranger ou perturber Éric Lucas.

Cependant, son plus gros défaut est qu'il a la fâcheuse habitude de reculer en ligne droite lorsque pressé. Glen Catley a justement profité d'un repli défensif mal exécuté pour lui passer une solide droite en plein visage! Beyer ne s'en ai jamais remis…et il n'a pas corrigé cette lacune depuis.

Rappelons également que ce combat fut présenté à Francfort en Allemagne et que l'officiel, malgré une foule acquise à 100% à Markus Beyer, n'a pas hésité à le déclarer KO technique alors que celui-ci se tenait toujours debout. Sans l'intervention de l'arbitre, l'argument peut-être fait que Beyer (même s'il était visiblement en difficulté) aurait été en mesure de terminer le round sur ses pieds. La preuve est donc faite qu'un boxeur étranger peut jouir d'un traitement équitable en Allemagne.

Le 5 avril, voici ce qui sautera aux yeux des télespectateurs du Québec rivés sur leurs écrans de télés : la différence de gabarit entre les deux hommes sera énorme! Beyer est un petit super-moyen, aux épaules et jambes certes musclées mais plutôt fines, qui grimpe sur le ring aux alentours de 175 livres. Éric Lucas tant qu'à lui, affronteras Beyer fort de ses 185 livres. Aux yeux de Beyer, Éric fera figure d'un lourd-léger.

Simplement dit, Éric Lucas est plus grand, plus gros, plus fort que son rival. Le protégé d'Yvon Michel est plus rapide, plus puissant, il jouit également sans aucun doute d'un encadrement supérieur. Éric Lucas a l'expérience des combats importants livrés sur la route. Bien sur, Markus Beyer jouira du support inconditionnel de la foule…mais il subira également d'elle une pression énorme.

Oui, Markus Beyer boxera dans sa cour, il est gaucher et il est le premier aspirant du WBC…mais tout le reste joue contre lui. L'enfer, c'est l'Allemand qui va le vivre.

Aucun doute dans mon esprit, Éric Lucas par KO aux alentours du 9ième assaut.