C’est le genre d’occasion qu’Eric Martel-Bahoeli n’attendait plus. Le genre d’occasion à laquelle un boxeur de sa trempe rêve sans nécessairement y croire, parce que la boxe, c’est compliqué.

Depuis maintenant sept ans et demi, « The Hammer » se bat contre vents et marées pour faire sa place dans cette jungle sans merci qu’est la boxe professionnelle. Sans promoteur, il a connu quelques hauts, mais également quelques bas qui ont inexorablement laissé quelques traces.

Ce n’est pas un combat de championnat, mais Martel-Bahoeli aura la chance de mettre la main sur le titre vacant de la Francophonie des poids lourds du WBC, alors qu’il affrontera Faisal Ibnel Arrami dans un mois à Toulon en France. Une victoire lui permettrait de se hisser parmi les 15 premiers aspirants à la ceinture du WBC présentement détenue par l’Américain Deontay Wilder.

« Dès que le matchmaker Stéphane Loyer a proposé le combat à mon entraîneur François Duguay, nous avons dit oui, a indiqué Martel-Bahoeli en entrevue téléphonique à RDS.ca. Nous ne voulions pas d’un duel où je serais le faire-valoir. Nous voulions un adversaire accessible. »

Car c’est malheureusement le sort qui guette inévitablement les boxeurs qui ne sont pas appuyés par de grosses machines derrière eux. Les combats sont souvent acceptés à la dernière minute et la préparation n’est généralement pas optimisée pour relever le défi qui s’offre à eux.

Mais ce ne sera pas le cas face à Arrami, un lourd-léger dont le passage chez les lourds remonte à un peu plus d’un an et qui a été récemment contraint à une longue période d’inactivité en raison des blessures. Le fruit est donc mûr pour le boxeur québécois qui n’a pas été épargné au cours des derniers mois avec toute la saga entourant son choc avec l’ex-champion James Toney.

« L’annulation du combat contre Toney a été difficile à accepter mentalement, reconnaît le sympathique colosse de Québec. Je souhaitais profiter de cette chance et je m’étais entraîné en conséquence. Et du jour au lendemain, je me suis retrouvé devant rien. Ç’a vraiment été dur. »

Heureusement, Martel-Bahoeli a pu compter sur de généreux commanditaires et un employeur - Le Centre jeunesse de Québec où il est intervenant - extrêmement flexible qui lui ont permis de rapidement retomber sur ses pattes. À 34 ans, le temps s’étiole et commence à presser.

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Si c’était à refaire, « The Hammer » avoue d’emblée qu’il n’aurait pas choisi la Vieille Capitale pour établir ses quartiers lorsqu’il a décidé de passer chez les professionnels. Il aurait plutôt opté pour le pays de l’Oncle Sam où comme dans la vie en général, tout semble possible.

« J’aurais probablement été aux États-Unis comme Bermane Stiverne, explique Martel-Bahoeli. C’est bien beau la popularité, mais à un moment donné, il faut payer les comptes. Si j’ai réussi à avoir une carrière, c’est uniquement parce que je suis un passionné. La boxe, c’est toute ma vie.

« Le plus important, c’est d’avoir un promoteur qui croit en toi. À une certaine époque, il n’y avait qu’un seul autre poids lourd à Québec - David Whittom - et sa carrière était du type in and out. Si j’avais eu la chance de mettre les gants avec d’autres lourds, ç’aurait été plus facile. »

Martel-Bahoeli a bien servi de partenaire d’entraînement au fil des années, sauf qu’il n’y a rien comme être quotidiennement au cœur de l’action. Après un début de carrière cohérent pendant lequel il a logiquement battu ses sept premiers rivaux, il a frappé un mur de décembre 2011 à novembre 2012 en s’inclinant devant Sylvera Louis, Raymond Olubowale et Bogdan Dinu.

Le droitier est néanmoins parvenu à se reprendre en main en remportant ses trois combats en 2013 et la dernière victoire acquise sur l’espoir invaincu de Groupe Yvon Michel Didier Bence laissait enfin entrevoir de belles choses. Mais comme c’est trop souvent le cas pour les pugilistes comme lui, il a accepté de se mesurer à un redoutable Australien et le réveil a été très brutal.

« Je n’aurais jamais dû accepter d’affronter Lucas Browne. C’était un trop gros test à ce moment-là », analyse Martel-Bahoeli. Mais avait-il seulement le choix? Et l’erreur s’est répétée lorsqu’il a décidé de se mesurer au champion canadien Dillon Carman dès son combat suivant.

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Malgré la dure réalité qui frappe parfois de plein fouet, Martel-Bahoeli ne vit pas dans le déni et sait pertinemment qu’il devra un jour ou l’autre accrocher ses gants pour consacrer ses énergies à autre chose. Évidemment, son amour pour le noble art ne sera pas mort et enterré à jamais.

« Je savoure chaque moment plus que jamais, mentionne-t-il. Comme tout le monde, j’aimerais avoir ma maison et aider d’autres boxeurs comme Simon Kean qui débutent dans le milieu. »

D’ailleurs, les deux amis ont récemment rencontré les élèves d’une école secondaire de la région de Québec dans le cadre de leur première conférence « Comment la boxe a sauvé ma vie ». Dans un cas comme dans l’autre, la boxe leur a permis de se définir et surtout de s’épanouir.

Avant de définitivement tourner la page, Martel-Bahoeli souhaite obtenir un combat revanche contre Carman. Il pourra alors se retirer la tête haute et communiquer sa passion aux jeunes. Il ne sera probablement jamais champion du monde, mais est-ce vraiment important au juste?