MONTRÉAL - Pour quiconque s’est moindrement intéressé à la boxe professionnelle québécoise pendant les années 1990, le nom de Stéphane Ouellet revêt un cachet particulier.

Sans contredit le plus talentueux et charismatique des athlètes qui ont pratiqué le sport à cette époque, il n’a cependant jamais connu le succès de ses semblables qui ont suivi ses traces.

Hanté par de nombreux démons, Ouellet s’est retiré dans la honte au début des années 2000, après avoir subi deux défaites, alors qu’il n’était plus l’ombre de ce qu’il avait déjà été. Énormément d’eau a coulé sous les ponts depuis, mais il n’a jamais été totalement oublié.

C’est donc dans le but de laisser un dernier souvenir heureux que le « poète » s’est enfin décidé à remonter dans le ring pour un ultime tour de piste, samedi soir au Centre Bell. Il affrontera pour l’occasion le Belge Cedric Spera avec la ferme intention de savourer chaque instant.

« Ça fait longtemps que je voulais m’imposer ce défi-là », a dit Ouellet en conférence de presse jeudi. « Chaque étape a été respectée. Les autres fois que j’ai essayé, la peur faisait que je reculais. Cette fois, la force et le courage ont fait en sorte que je me suis rendu jusqu’au bout. »

« Je n’ai jamais pensé abandonner. Je n’y ai même pas pensé une seule fois, ce qui n’était jamais arrivé à mes autres tentatives de retour. J’étais blindé de positif et chaque pas que je faisais en était un dans la bonne direction. Je continuais d’avancer, peu importe ce que j’entendais. »

Car du scepticisme, il y en a eu depuis que Ouellet a annoncé son intention de disputer un combat de professionnel. Plusieurs avaient souri lorsqu’il a participé à un combat de démonstration contre un agent d’immeuble en mai dernier, mais ces mêmes personnes se demandent bien ce que Ouellet cherche exactement à prouver en enfilant les gants à nouveau.

« Mes deux derniers combats se sont faits dans des conditions très, très négatives. Il y avait de la chicane », a répondu l’athlète originaire de Jonquière. « Je suis donc parti sur une note négative et je voulais faire un dernier petit tour, donner un bon spectacle et m’en retourner chez nous la tête tranquille et le cœur en paix. Tout ça est très, très important à mes yeux. »

« Et il y aura tout le temps des gens négatifs. Je les respecte, parce qu’ils ont le droit de penser comme ça, mais je ne suis pas obligé de les écouter par exemple. Je sais où je m’en vais et le reste n’a pas d’importance. Je sais ce que je fais et chaque jour depuis deux semaines, il y a des signes qui me disent que ce que je fais est parfait. C’est extraordinaire comment tout est positif. Le négatif, c’est de la marde. C’est en étant positif que nous vieillissons bien et en santé. »

Frères du ring : 4e partie


C’est ainsi que, peu importe, la façon dont se déroulera son premier combat en près d’une décennie n’a pas autant d’importance que le chemin qu’il a parcouru pour s’y rendre. Au final, Ouellet effectue son retour à ses conditions et non à titre de faire-valoir au bout du rouleau.

« Ce qui est important, c’est que je suis revenu à Montréal la tête haute et je vais rentrer à la maison la tête haute », a précisé Ouellet. « C’est ce qui est le plus beau là-dedans. »

« C’est comme s’il y avait un beau gros sundae que je pourrais manger tout de suite devant moi, et le combat de samedi, c’est la cerise sur le sundae. S’il n’y avait finalement pas de cerise, ce ne serait pas grave, je vais le manger pareil et il sera délicieux! »

Le « poète » n’a pas trop voulu spéculer sur son avenir, mais il a tout de même laissé entendre que son combat de samedi ne serait pas forcément son dernier. Si l’occasion se présentait, il aimerait monnayer pour une dernière fois le talent exceptionnel dont il est doté.

Même s’il devait rater son coup, Ouellet assure qu’il se retirera avec le sentiment du devoir accompli. Et contrairement à ce qui s’était produit la dernière fois, il le fera en toute conscience, idéalement aux côtés de son fils Jim - maintenant âgé de 19 ans - comme dans le temps.